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Articles, témoignages, infos sur la psychiatrie, la psychanalyse, la clinique, etc.

mercredi 18 avril 2012


Les maris, ces patients cachés

lequotidiendumedecin.fr 17/04/2012
 On les appelle des patients cachés car quand ils accompagnent en consultation leur femme atteinte d’un cancer du sein, on ne leur demande quasiment jamais comment ils vont. Et pourtant, ils sont rongés par le stress.
C’est évidemment des maris « soignants » dont il est question dans une étude américaine publiée dans le journal « BrainBehavior and Immunity ». Ce travail a inclus 32 hommes dont la femme a été atteinte d’un cancer du sein environ cinq ans plus tôt ; 16 de ces femmes ont fait une rechute les 16 autres non. Au moment de l’étude, on a donc : d’un coté, 16 couples avec un cancer du sein cinq ans auparavant et une rechute 8 mois plus tôt ; de l’autre, 16 couples avec un recul de six ans sans maladie après cancer du sein.
Les maris, âgés en moyenne de 58 ans, étaient mariés depuis en moyenne vingt-six ans.
Tous les maris ont été évalués. Ils ont répondu à plusieurs questionnaires évaluant le niveau de leur stress psychologique lié au cancer de leur femme, les manifestations physiques attribuées à ce stress et le degré de leur fatigue altérant leur vie de tous les jours. Les fonctions immunitaires ont été testées en étudiant l’activation des globules blancs en réponse à trois types d’antigènes.
Globalement, les hommes dont les épouses avaient une récidive ont rapporté par rapport aux autres des niveaux plus élevés de stress, un plus grand retentissement de la fatigue et davantage de symptômes physiques.
L’évaluation du stress a fait appel à une échelle, l’Impact of EventsScale, qui mesure les pensées et expériences intrusives et les conduites d’évitement (par exemple éviter les gens et les endroits qui rappellent les mauvais souvenirs). Le score est coté de 0 et 75 ; plus le score est élevé et plus le mari est stressé. En moyenne le score a été globalement de 17,59 ; en détail, de 26,25 chez les maris dont la femme avait fait une rechute et de 8,9 chez les autres.
Par ailleurs, les participants ont rapporté en moyenne 7 symptômes physiques liés au stress : 9 chez les maris dont la femme avait une récurrence, contre moins de 5 chez les autres. Les symptômes étaient variables ; ils incluaient notamment céphalées, problèmes gastro-intestinaux, toux et nausées.
Enfin, en ce qui concerne l’étude des fonctions immunitaires, les hommes qui avaient les plus hauts niveaux de stress avaient les plus faibles réponses immunitaires en réaction à deux ou trois antigènes.
Ces maris soignants, polarisés sur la maladie de leur femme, ne demandent en général pas d’aide médicale.
› Dr EMMANUEL DE VIE

 

Le défenseur des droits juge discriminatoire d’interdire l’adoption homoparentale

lequotidiendumedecin.fr 17/04/2012
 
Interrogé par le magazine « Têtu » à paraître, le Défenseurs des droits Dominique Baudis juge que l’interdiction pour un couple homosexuel d’adopter est « absolument » un motif de discrimination. « Sur le principe, cela me pose un problème qu’un couple homosexuel ne puisse pas adopter. Les familles homoparentales existent. J’ai même des informations selon lesquelles ça se passe souvent très bien », explique-t-il. « C’est un sujet qui relève de notre compétence, à la fois du point de vue des discriminations et de celui de l’intérêt de l’enfant », ajoute-t-il. Le Défenseur des droits annonce la création d’un groupe de travail avec les associations transgenres pour évoquer le changement d’état civil pour les personnes ayant changé de sexe. « Les associations n’ont pas toutes la même position », souligne Dominique Baudis qui estime que « l’identité de genre fait partie des discriminations à raison du sexe ». À propos de l’interdiction du don du sang aux homosexuels, le Défenseur des droits demande que soit également mis un terme à « ce principe discriminatoire ».
› Dr L. A.


Fiction et cognition : la lecture se fait avec tous les sens


Les chercheurs savent depuis longtemps que certaines régions cérébrales - commel'aire de Broca et l'aire de Wernicke - sont impliquées dans la façon dont le cerveau interprète les mots écrits. Mais notre compréhension du langage n'est pas limitée aux aires du traitement du langage... La lecture de certains mots peut déclencher des réactions d'autres zones cérébrales.

Le rôle des sens dans la littérature

C'est le cas notamment des mots relatifs aux odeurs. Ainsi, des mots comme "lavande", cannelle" ou "savon" par exemple, déclenchent des réponses non seulement dans les zones de traitement du langage, mais également dans celles consacrées à l"odorat. Dans une étude (.pdf) publiée en 2006 dans la revueNeuroimage, rapporte la journaliste Annie Murphy Paul pour le New York Times, des chercheurs espagnols ont montré que la lecture de mots porteurs d'odeurs activait les zones du cerveau responsable de notre cortex olfactif. Les chercheurs de l'université Emory dans une étude publiée par la revue Brain & Language ont montré quant à eux que les métaphores qui impliquaient des notions de textures réveillaient également notre cortex sensoriel. "Le chanteur avait une voix de velours" active une zone sensorielle dans notre cerveau, alors que son équivalent "le chanteur avait une voix agréable", ne l'active pas...
Image : En vert, les régions du cerveau activées quand on entend des mots évoquant des textures. En rouge et jaune, les régions du cerveau activées quand on touche ou l'on voit ces mêmes textures. Via Emory News Center.
Mais il n'y a pas que les mots corrélés à des odeurs ou des textures qui ont une action particulière sur notre cortex lors de leur lecture, c'est également le cas de ceux qui évoquent le mouvement. Dans une étude menée par Véronique Boulengerdu Laboratoire dynamique du langage, les chercheurs ont montré que lire des phrases évoquant une action, un mouvement physique, allume l'activité de notre cortex moteur, qui coordonne les mouvements du corps. Faut-il croire que le cerveau ne fait pas grande différence entre la lecture d'une expérience et le fait de la vivre, puisque les mêmes régions neurologiques sont stimulées ? Quelle est l'action de cette surstimulation cérébrale sur notre compréhension ? Comment agit l'emploi de mots qui activent nos sens sur notre compréhension et notre mémorisation littéraire ?

La littérature pour comprendre le monde

Keith Oatley, professeur émérite de psychologie cognitive à l'université de Toronto et romancier, a avancé que la lecture produit une simulation vivante de la réalité. "La lecture fonctionne sur les esprits des lecteurs comme des simulations informatiques qui s'exécutent sur des ordinateurs", estime le professeur Oatley. Selon lui, la fiction, avec ses détails, ses métaphores, ses descriptions, offre une réplique particulièrement riche de la réalité. Le roman, va bien au-delà de la simulation de la réalité puisqu'il apporte aux lecteurs une expérience inaccessible hors de la page : la possibilité d'entrer pleinement dans les pensées et les sentiments des autres.
La littérature, les mots écrits, sont un moyen inégalé pour l'exploration de la vie sociale et émotionnelle de l'homme, rappelle Annie Murphy Paul. Ces recherches montrent combien le cerveau réagit à certains stimulus littéraires plus qu'à d'autres : les représentations et métaphores liées à des odeurs, des textures, des mouvements ont un impact plus fort sur notre fonctionnement cérébral que d'autres. Cela ne signifie pas que les réflexions de pur raisonnement n'ont pas d'impact (au contraire, on sait déjà que la littérature complexe développe nos capacités d'abstractions), mais les sens, mis en action par les mots, ont visiblement un impact plus immédiat sur notre compréhension, en activant les réflexes d'autres zones cognitives.
Nous savions déjà que nous ne lisions pas qu'avec nos yeux et notre cerveau, mais que notre corps tout entier était engagé dans la compréhension de ce qu'on lit. De là à ce que les outils de création littéraire s'emparent des sciences cognitives, il y a un pas qu'avait déjà largement exploré notre collègue Rémi Sussan dans une passionnante série sur les humanités à l'heure des sciences cognitives (ou qu'explorait récemment Jonah Lehrer en interviewant Charles Fernyhough dansQu'est-ce qu'un romancier peut apprendre des neurosciences ?).
Raymond Mar, psychologue à l'université York au Canada, a effectué une analyse de 86 études d'imagerie par résonance magnétique fonctionnelle dans la Revue annuelle de psychologie en concluant qu'il y avait un chevauchement important entre les réseaux cérébraux utilisés pour comprendre les histoires et les réseaux cognitifs utilisés pour interagir avec les autres, en particulier en ce qui concerne nos interactions par lesquelles nous essayons de comprendre les pensées et les sentiments des autres : ce qu'on appelle la théorie de l'esprit, c'est-à-dire la capacité de notre cerveau à comprendre les intentions d'autrui et ses propres intentions. Les récits offrent une opportunité unique pour comprendre les autres et le monde.
Selon des études publiées par Raymond Mar et Keith Oatley (voir Exposition à la fiction et capacités sociales (.pdf) et La lecture de fiction et l'empathie (.pdf)), les individus qui lisent souvent de la fiction semblent être plus en mesure de comprendre les autres, de sympathiser avec eux et de comprendre le monde à partir d'autres points de vue - signalons d'ailleurs que ces deux auteurs coaniment un très bon blog sur la psychologie de la fiction : OnFiction. Une étude réalisée en 2010 par le professeur Mar a trouvé des résultats similaires avec des enfants d'âge préscolaire (.pdf) : plus on leur avait lu des histoires, plus leur théorie de l'esprit était vive - l'effet a également été observé avec des enfants qui allaient au cinéma avec leurs parents, mais pas pour les enfants regardants seuls la télévision : comme quoi, la compréhension d'autrui dépend certainement plus des conversations que la culture induit que des produits culturels en tant que tels. L'effet lecture est plus prégnant parce que la réflexion est bien souvent induite dans la lecture elle-même, ce qui n'est pas forcément le cas d'autres médias.
Pour Keith Oatley, la fiction "est une stimulation particulièrement utile, car la négociation de l'univers social est effectivement extrêmement délicate, nous obligeant à peser une myriade de cas d'interaction de cause à effets. Tout comme les simulations informatiques peuvent nous aider à nous familiariser avec les problèmes complexes tels que le vol d'un avion ou les prévisions météorologiques, la lecture de romans, d'histoires, de drames, peut nous aider à comprendre la complexité de la vie sociale". La science du cerveau montre combien l'affirmation que la lecture nous améliore est aussi vraie que nous l'avions imaginé.

Peut-on faire des livres plus sensuels ?

On aura déjà compris que les mots permettent donc de faire une littérature plus sensuelle, qui parle à l'ensemble de notre cortex, à nos sens, et pas seulement à notre intelligence... Mais peut-on également augmenter les livres de sensations, et quel est leur impact sur notre cognition ? C'est le pari de BookTrack (vidéo), lancé par Peter Thiel, cofondateur et ancien PDG de PayPal et Paul Cameron. BookTrack propose d'ajouter aux livres des effets sonores, des bruits ambiants assez discrets, qui augmentent la lecture d'une bande-son. Quelqu'un frappe à la porte et on entend toc-toc. Si on jette une tranche de bacon dans une poêle, on entend le bruit du grésillement du jambon... Si le personnage se promène dans la nature, on entend le bruissement du vent et les pépiements des oiseaux, explique Andrew Motion pour The GuardianTant et si bien qu'Alice Hines pour le Huffinghton Post déclarait, enthousiaste, que "les livres sans bandes sonores pourraient bien un jour nous paraître aussi ringard que les films muets le sont devenus à l'heure du cinéma parlant".
Bien évidemment, la fonctionnalité est surtout l'objet de controverses - sans que cela l'ait empêché de se classer dans les applications les plus téléchargées du moment. Est-ce que l'ajout d'éléments sonores diminue ou augmente notre lecture, notre capacité d'imagination ? Les gens de BookTrack ont demandé à Leil Leibovitz, professeur de de communication à l'université de New York, d'enquêter sur les avantages cognitifs de l'application. Selon ce professeur, les lecteurs qui ont utilisé ce type de livres l'ont trouvé plus facile à suivre, mais également plus facile à mémoriser.
Nous avons là, sous un angle plutôt scientifique, un exemple du sempiternel questionnement de ce qui augmente ou diminue la lecture. On sait que trop de vidéo la perturbe, voir la nie. Beaucoup d'applications de lectures ont tendance à n'être rien d'autre que des films augmentés de mots. Mais l'ajout de quelques sons, d'images, voire d'images animées peut pourtant raviver la lecture. Toute la question est de trouver la bonne mesure, le bon équilibre (sachant qu'il est certainement différent selon les niveaux de lectures et de lecteurs). C'est peut-être tout l'art de la littérature et de l'édition de demain. Trouver le juste équilibre qui renforce la compréhension et la mémorisation... via des objets qui s'adapteront aux capacités cognitives des lecteurs. Beau défi.

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mardi 17 avril 2012

Tout ça pour quoi


Après le succès d'Il faut qu'on parle de Kevin et de La Double Vie d'Irina, Lionel Shriver s'attaque cette fois au système de santé américain et ses ravages sur la middle-class. La descente aux enfers, tant morale que financière, d'une famille aux prises avec la maladie de la mère. Toute la rage, la provocation et l'humour au vitriol de Shriver au service d'un tableau aussi effrayant que précis d'une Amérique impitoyable.

Après le choc d'Il faut qu'on parle de Kevin, la nouvelle bombe de Lionel Shriver. Toute sa rage, son audace et son humour au vitriol pour une radioscopie féroce et incisive du couple, de la famille, de la maladie et du rôle de l'argent dans notre vie. Un brûlot dévastateur.

Parfois, le soir, dans les embouteillages, Shep Knacker laisse son esprit divaguer : fuir les humiliations au travail, échapper aux jérémiades de son artiste de soeur, aux caprices des enfants, aux discours stériles de son meilleur ami. Quitter tout ça, partir sur cette île au large de Zanzibar, dormir, pêcher son poisson, lire, réfléchir... Vivre, tout simplement.
Un fantasme qu'il touche du doigt le jour ou il vend sa société et touche un petit pactole.
Sa décision est prise.
C'est alors que Glynis, son épouse, va briser net ce doux rêve : elle est atteinte d'une maladie rare, à un stade déjà avancé, et doit commencer au plus vite un traitement expérimental coûteux.

Comment faire face à ce qui nous fait peur ? Comment affronter ce que l'on passe notre existence à fuir ? Combien vaut une vie ?
Procès Breivik : quelle frontière entre folie et terrorisme politique ?
Quelques semaines après la tuerie perpétrée en France par Mohammed Merah, le procès d'Anders Behring Breivik va s'ouvrir ce lundi 16 avril 2012, en Norvège. Si Breivik a été reconnu irresponsable pénalement au moment des faits (schizophrénie paranoïde) par les premiers experts psychiatres, une contre-expertise affirme  aujourd'hui le contraire. Quelle frontière existe-t-il entre un criminel sain d'esprit et un autre subissant une pathologie mentale ? Entretien avec Daniel Zagury, Psychiatre des hôpitaux, spécialiste de psychopathologie et de psychiatrie légale, expert auprès de la cour d'appel de Paris. 
15.04.2012Propos recueillis par Pascal Hérard
D'après le premier rapport des experts psychiatres, Breivik parlait de manière incohérente après son arrestation et agissait de manière compulsive, ne semblait pas avoir d'empathie. Il a été conclu alors qu'il était "schizophrène paranoïde" : qu'en pense le psychiatre ? 


Daniel Zagury : Je n'ai pas examiné Breivik, je ne suis pas Norvégien, mes réponses sont donc évidemment sous réserve. Néanmoins qu'est-ce qu'on peut dire ? Le premier point qui me paraît extrêmement important à comprendre c'est que la loi norvégienne n'est pas la loi française. A un expert français, on demanderait si le discernement de Breivik était aboli ou non au moment des actes. A un expert norvégien, on demande si il était psychotique, si les actes sont en rapport avec une dimension psychotique. Pour un expert français, la question est évidemment de savoir si le sujet était atteint d'une maladie aliénante au moment des faits, mais elle est également de savoir si les faits en cause sont en rapport exclusif, ou en tout cas déterminants, avec cette maladie.

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Breivik laisse échapper des larmes, mais pas de regrets

En Norvège, l'auteur de la tuerie d'Utoya, qui reconnaît les faits mais plaide non coupable, a rejeté l'autorité du tribunal.

Anders Behring Breivik, qui plaide non coupable pour le massacre de 77 personnes perpétré en juillet en Norvège, est resté de marbre face aux enregistrements vidéo et audio déchirants qui ont provoqué l'effroi des familles de victimes, lundi, au premier jour de son procès à Oslo.
Mais il a, de façon inattendue, versé quelques larmes lorsque le procureur a projeté un film de propagande qu'il avait réalisé et diffusé sur internet le 22 juillet, jour des attaques.
L'extrémiste de droite a ensuite retrouvé l'impassibilité qu'il affichait depuis l'ouverture du procès, à 9 heures locales, lorsqu'il s'est agi de voir ou d'entendre des enregistrements retraçant sa sanglante opération.
Aucune émotion manifestée à la diffusion de l'enregistrement de l'appel de détresse passé à la police par Renate Taarnes, 22 ans, qui se voyait périr sous ses balles l'été dernier sur l'île d'Utoya où 69 jeunes, pour la plupart âgés de moins de 20 ans, ont été exécutés, en majorité d'une balle dans la tête.
«Venez vite... ça tire tout le temps», supplie la jeune femme, tandis que le policier qui prend l'appel est incrédule. Elle survivra à la tragédie.
La procureur Inga Bejer Engh énumère la liste des victimes d'Andres Behring Breivik, au premier jour de son procès le 16 avril 2012.La procureur Engh énumère les noms des victimes (Photo Reuters)

Imperturbable

Pas le moindre signe d'émotion non plus lorsque le procureur diffuse une vidéo de surveillance montrant l'explosion d'une camionnette garée au pied du siège du gouvernement dans le centre d'Oslo, tandis que des gens s'en approchent. Bilan : huit morts.
Pas davantage de réaction lorsque sont diffusés les enregistrements de ses propres appels à la police : «Maintenant que l'opération est finie, je souhaite me rendre», affirme-t-il ce jour-là. En réalité, il tuera encore avant d'être finalement arrêté par la police. La tuerie sur l'île aura duré soixante-treize minutes.
Dès son entrée dans le prétoire, juste avant l'ouverture du procès, Breivik, 33 ans, a affiché sa défiance et sa volonté de provoquer.
Il s'est frappé le cœur de la main droite avant de tendre le bras, poing fermé, à l'adresse du public - environ 200 personnes - composé de familles de victimes, de survivants, de journalistes ainsi que de quatre psychiatres. Ce salut, explique-t-il dans un manifeste publié sur Internet le jour du carnage, représente «la force, l'honneur et le défi aux tyrans marxistes en Europe».
 
Puis, il est demeuré imperturbable lorsque le procureur a égrené la liste des noms de ses victimes. Les familles trahissaient leur profond dégoût pour l'accusé par des hochements de tête. Quelques personnes étouffaient des sanglots.
Breivik, lui, gardait la tête et les yeux baissés, semblant ne pas entendre le procureur déclarer solennellement : «L'accusé a commis des crimes extrêmement graves à une échelle qui n'avait jusqu'à présent jamais été observée dans notre pays à l'époque moderne
Norwegian mass killer Anders Behring Breivik cries as he watches a video presented by the prosecution during his terrorism and murder trial, in a courtroom in Oslo April 16, 2012. Breivik, who massacred 77 people last summer, arrived at an Oslo courthouse under armed guard on Monday, clenching his fist in a far-right salute and saying he did not recognise the authority of the judges. Breivik, 33, has admitted setting off a car bomb that killed eight people at government headquarters in Oslo last July, then killing 69 in a shooting spree at a summer youth camp organised by the ruling Labour Party. The video was not made public. REUTERS/Heiko Junge/Pool (NORWAY - Tags: CRIME LAW)Breivik pleure face à un montage qu'il a réalisé (Photo Reuters)

«Légitime défense»

Ses larmes à la vue de son propre film n'ont pas ému.
«Il s'est senti désolé pour lui-même, pas pour les familles», a déclaré une avocate des familles de victimes, Mette Yvonne Larsen.
«Personnellement, je pense que le fait qu'il pleure n'était que le reflet de son émotion devant ce qu'il avait réalisé. Ce n'était pas du tout un signe de regret», a déclaré John Kyrre Lars Hestnes, au nom des victimes de l'explosion.
Les déclarations de Breivik à la cour semblent lui donner raison.
«Je reconnais les faits, mais je ne reconnais pas ma culpabilité» au sens pénal, a-t-il lancé. «J'invoque la légitime défense», a ajouté l'accusé, lui qui a expliqué par le passé avoir agi contre «des traîtres à la patrie» coupables, selon lui, de brader la société norvégienne à l'islam et au multiculturalisme.
D'ailleurs, son avocat Geir Lippestad a ensuite expliqué que les larmes de son client étaient liées à ses sentiments sur «une guerre en cours en Europe».
Portant un costume sombre, chemise blanche et cravate beige dorée, Breivik, qui s'est présenté comme un «écrivain», a déclaré aux cinq juges : «Je ne reconnais pas le tribunal norvégien
Il n'a d'ailleurs pas daigné se lever, comme le veut le protocole, au moment des différentes entrées et sorties des juges.
La juge Wenche Elizabeth Arntzen a annoncé vers 15h20 la fin de la première journée d'audience après avoir entendu les explications préliminaires de l'accusation et les réactions de la défense et des parties civiles.
Le procès, qui reprendra mardi avec le témoignage de Breivik, devrait durer dix semaines et, l'accusé ayant revendiqué le massacre, la principale interrogation portera sur sa santé mentale.
Son avocat Geir Lippestad a déjà prévenu : «Il sera extrêmement difficile [...] d'écouter ses explications», d'autant qu'il va «déplorer de ne pas être allé plus loin» dans son carnage, qu'il a qualifié d'«atroce, mais nécessaire».
Si les juges, dans leur verdict attendu en juillet, le déclarent pénalement responsable, Breivik encourra 21 ans de prison, une peine qui pourra ensuite être prolongée aussi longtemps qu'il sera considéré comme dangereux.
Dans le cas contraire, il devra subir un traitement psychiatrique dans un établissement fermé, potentiellement à vie.
(AFP)