Première en France, une exposition présentée à Arles rassemble les créations photographiques d’artistes «bruts». Un trésor d’œuvres énigmatiques qui échappent aux critères de classement et qui racontent, à travers elles, l’histoire torturée de leurs auteurs.
Collection «Margret» entre mai 1969 et décembre 1970. Photo Günter K. Coll B. Decharme
Au milieu d’une planche dessinée de femmes en porte-jarretelles surgissent de fines jambes et des pieds chaussés de mules rouges à talons. Pour donner de la force à sa composition, Giovanni Galli, né en 1954, malade psychique depuis la mort de ses parents, interné dans une institution spécialisée, a découpé une photo de mollets féminins dans un magazine pour les coller au centre de son croquis. A la fois modèles pour ses esquisses, les morceaux de jambes semblent appartenir à une réalité qui échappe à l’auteur.
Pour la première fois montrée comme telle dans une exposition, la photo brute est l’une des plus étonnantes découvertes des Rencontres d’Arles 2019. Jamais les réalisations des artistes photographes ou collagistes dits de l’art brut n’avaient été ainsi regroupées par ce médium - à l’exception d’une exposition aux Etats-Unis. Les œuvres, exposées sur un vaste espace à l’Atelier de mécanique générale, ont été puisées dans la collection de Bruno Decharme (lire ci-contre), de l’American Folk Art Museum de New York et de collections privées.
Le plus souvent étranges, mystérieux, fermés sur eux-mêmes, les collages, tirages, dessins, découpages et les pages de papier glacé cousues échappent aux critères de classement. Ils ne sont ni beaux ni laids, mais contiennent un je-ne-sais-quoi de magnétique - ou de dérangeant - qui résiste aux définitions esthétiques préétablies.