Nicolas Guillermin le 27.11.23
Vécu comme une petite mort par les sportifs de haut niveau, l’arrêt de carrière, même anticipé, est une période délicate où beaucoup connaissent un épisode dépressif.
Pour le nageur Camille Lacourt, après avoir mis fin à sa carrière, « Il n’y avait aucune saveur, je n’avais aucun intérêt. »
© FAUGERE FRANCK/PRESSE SPORTS
La retraite est un moment particulier de l’existence, redouté ou attendu. Chacun la vit différemment. Pour les sportifs de haut niveau, elle peut survenir à tout moment, en raison d’une blessure fortuite qui brise les rêves de gloire ou au terme d’une carrière en s’apparentant à une petite mort. Même en s’y préparant, aucun athlète n’est vraiment prêt à entrer dans le reste de sa vie et nombreux sont ceux qui, déboussolés, tombent en dépression.
En avril 2022, pour la première fois, une étude australienne, a quantifié ce phénomène dont l’étendue restait floue jusqu’à présent. Réalisée sur plus de 700 sportifs de haut niveau à travers le monde, l’analyse de l’université Flinders d’Adélaïde a montré qu’un tiers des athlètes rencontraient, à ce moment charnière de leur vie, des troubles psychiques qui vont de problèmes de sommeil à la dépression, en passant par l’automutilation et même des idées suicidaires.
« Après des temps d’entraînement exigeants, des déplacements et le stress de la compétition, de nombreux athlètes sont confrontés à des obstacles majeurs lorsqu’ils prennent leur retraite – en particulier si une blessure ou d’autres facteurs les obligent à arrêter involontairement –, alors qu’ils ne sont souvent pas préparés psychologiquement à ce changement radical de style de vie », précisent les chercheurs. Ces problèmes peuvent même s’aggraver car ces derniers ont du mal à demander de l’aide.
« La dépression, on ne sait pas quand ça finit… »
« Il y a une forme de honte à consulter un psychologue, alors que, si on en parle, on peut s’en sortir, nous confie Sylvain Ventre, ancien handballeur professionnel à l’Usam Nîmes entre 2001 et 2009, tombé en dépression à l’arrêt de sa carrière. Quand on est sportif de haut niveau, craquer, ça ne peut pas exister, en fait. On doit rebondir. »
Médecin de nombreux sportifs, le docteur Stéphane Mouchabac, du service de psychiatrie de l’hôpital Saint-Antoine, à Paris, connaît bien ce déni. « Dans un milieu où la performance est la règle, comment appréhender une pathologie qui altère votre fonctionnement motivationnel ? Une blessure physique, c’est concret, nous explique le praticien. Il y a des protocoles, on vous dit c’est quatre semaines, par exemple. La dépression, on ne sait pas quand ça finit… »
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