Art brut, entrez libres !
Sept cents œuvres extraites d’une collection anglaise d’artistes au mental décalé est présentée dans une école parisienne désaffectée.
Dessins et peintures de Joseph Karl-Radler. - Photo Nicolas Krief
Henry Darger (1892-1973) était concierge et accessoirement, ou plutôt principalement si on se place du point de vue de son lit, aquarelliste : il avait pris l’habitude de dormir sur sa chaise pour mieux étaler ses peintures sur sa couche. Sœur Gertrude Morgan, née avec le XXe siècle, a consacré l’essentiel de ses quatre-vingts ans d’existence à évoquer sur des cartons la vision qu’elle eut un jour de ses épousailles avec Jésus. Royal Robertson, père d’une dizaine d’enfants, a passé une bonne partie de sa vie à peindre sur les murs extérieurs de sa maison ce qui pourrait arriver à son ex-épouse envolée. Il est mort en 1999, à l’âge de 63 ans. Alan Constable, né en 1956, est aveugle. Il sculpte obstinément des appareils photo en céramique. ACM, de cinq ans son aîné, construit des cathédrales avec des morceaux de vieilles machines à écrire et des postes radio qu’il collectionne et peint…
Extraites de la fabuleuse collection «The Museum of Everything» rassemblée par l’Anglais James Brett, riche de 7 000 pièces, ce sont 700 œuvres hallucinées de 70 artistes «alternatifs» qui sont présentées sur les 1 000 mètres carrés d’un lieu également déjanté, à Paris : un immeuble en fond de cour, boulevard Raspail, ancienne école tout en brique avec escaliers extérieurs, à la new-yorkaise.
L’adéquation du contenant et du contenu
L’événement, exceptionnel, est signé Marc-Olivier Wahler, 48 ans, natif de Neuchâtel, en Suisse, qui a déjà à son crédit plus de vingt ans dans les institutions de l’art contemporain. Conservateur au musée des Beaux-Arts de Lausanne en 1992, il participe à la création du musée d’Art moderne et contemporain de Genève, le Mamco, puis du Centre d’art de Neuchâtel, le Can, qu’il va diriger jusqu’en 2000, année où il devient directeur du palais de Tokyo à Paris, un poste qu’il a quitté en février. Avec cette étonnante exposition, il lance la première manifestation de son association, «Chalet Society», destinée à répondre à ses deux obsessions.