mercredi 12 décembre 2012

Les vrais jumeaux n'existent pas

LE MONDE SCIENCE ET TECHNO | 
Les vrais jumeaux sont produits par la division de l'oeuf à un stade très précoce de la grossesse et proviennent d'un seul spermatozoïde et d'un seul ovule. A l'inverse, les faux jumeaux, qui peuvent être de sexes opposés, sont issus de deux oeufs et donc de deux spermatozoïdes et deux ovules. Ils sont génétiquement aussi différents que des frères et soeurs peuvent l'être : ils ne partagent que 50 % de leurs séquences ADN.
Les vrais jumeaux se ressemblent beaucoup, et cette ressemblance est liée à leur identité génétique. Les zones de l'ADN qui gouvernent la forme de notre visage viennent d'ailleurs d'être découvertes. Cela permettra d'établir un portrait-robot des criminels à partir du recueil de leur ADN sur la scène de crime. Cette extension des capacités de la police scientifique, qui pourra analyser tout notre ADN et donc nous identifier, même si notre ADN n'est pas encore dans les bases de données génétiques de la justice, est angoissante.
GÉNÉTIQUEMENT PROCHES, MAIS PAS IDENTIQUES
Outre leur ressemblance, les vrais jumeaux partagent beaucoup de caractéristiques biologiques, intellectuelles et psychologiques. Toutefois, ils n'ont pas toujours les mêmes maladies.
Les sceptiques quant à l'importance de la génétique y trouvaient naguère un argument fort : si deux jumeaux ayant le même ADN développent des maladies différentes, c'est bien que l'ADN joue un rôle mineur, affirmaient-ils ! En fait, des travaux récents montrent que les jumeaux sont génétiquement proches, mais pas identiques, car deux mécanismes de divergence entrent en jeu tout au long de leur vie.
Lors des premières divisions cellulaires, des mutations se produisent dans l'ADN de chacun des embryons. L'existence de ce premier phénomène était supposée depuis longtemps, mais son importance a surpris les généticiens. Sur les trois milliards de messagers chimiques que comporte l'ADN humain, il y a en moyenne 359 différences entre deux vrais jumeaux ! Cette différence est certes plus faible qu'entre un homme et un chimpanzé (40 millions de bases ADN), ou entre deux êtres humains (un à trois millions selon les ethnies), mais elle peut expliquer que l'un des jumeaux développe une maladie génétique tandis que l'autre sera indemne. Dans une étude du professeur Carl Bruder, l'un des jumeaux séquencés est porteur d'une mutation favorisant la leucémie et a développé cette maladie alors que le second ne porte pas la mutation et n'est pas malade.
Le second phénomène de différentiation tient à l'environnement, qui modifie l'expression de nos gènes. Deux jumeaux vont ainsi naturellement diverger, même concernant des caractéristiques pour lesquelles ils sont génétiquement identiques. On qualifie d'épigénétiques ces différences induites par l'environnement, et se traduisant par des modifications de protéines qui entourent la molécule d'ADN et/ou l'ajout d'une molécule CH3 sur certaines portions de l'ADN.
Si le clonage humain était autorisé, nos clones seraient, de la même manière, légèrement différents de nous. De génération en génération, les clones de nos clones s'éloigneraient de notre modèle. Jacques Attali avait eu cette intuition dès 1988, bien avant l'ère du séquençage ADN, dans son livre Au propre et au figuré (Fayard). La génétique nous apprend, grâce à la technique du séquençage de l'ADN, que nous sommes tous différents et que les vrais jumeaux n'existent pas !
Chirurgien urologue, président de DNAVision
l.alexandre@dnavision.be

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