mardi 11 décembre 2012

Un diurétique pour améliorer les enfants autistes

Le bumétanide (Burinex) permettrait de diminuer la sévérité des troubles autistiques, selon une étude conduite chez 60 enfants autistes et Asperger âgés de 3 à 11 ans et coordonnée par Yehezkel Ben-Ari, fondateur et directeur honoraire INSERM de l’Institut de neurobiologie de la Méditerranée, et le Dr Éric Lemonnier, pédopsychiatre au CHRU de Brest. Près des trois quarts des enfants testés ont été améliorés par ce diurétique, tellement « plus présents » que « les parents ayant arrêté le traitement ont voulu le reprendre », commente le Dr Lemonnier. Les enregistrements vidéo attestent des progrès des enfants, qui cherchent plus facilement le contact par le regard et s’engagent davantage dans les activités. « Même s’il ne peut pas guérir de la maladie, le diurétique diminue la sévérité des troubles autistiques de la plupart des enfants », insiste Yehezkel Ben-Ari.

Parallèle avec l’épilepsie

Cette approche surprenante n’aurait pas eu cours si le duo de chercheurs ne s’était pas rencontré au hasard des congrès. Alors que Yehezkel Ben-Ari présentait ses travaux de recherche sur le rôle du gradient de chlore intracellulaire et les effets paradoxaux du Valium dans l’épilepsie, le Dr Lemonnier a immédiatement fait le rapprochement dans l’autisme. « On ne prescrit pas non plus de Valium aux enfants autistes, car il peut y avoir des réponses paradoxales d’agitation et de nervosité », explique le psychiatre. Comme dans l’épilepsie, l’autisme pourrait être expliqué par une concentration intracellulaire de chlore trop élevée au niveau du cerveau.
Une question de chlore
Les travaux antérieurs de Yehezkel Ben-Ari ont en effet montré que la concentration de chlore intracellulaire change en fonction de la maturité du cerveau : élevée pour un cerveau jeune, plus basse pour un cerveau adulte. Pour le chercheur, dans certaines situations pathologiques, le cerveau peut rester figé en situation immature. D’où l’idée de tester le diurétique afin de calmer les réponses aberrantes du cerveau malformé. Et les résultats sont plus qu’encourageants. « Il s’agit dans l’étude d’autisme large spectre, du "tout-venant". C’est à mettre en perspective avec les autres essais dans l’autisme, en particulier dans l’X fragile. La protéine MDR n’améliore qu’une population très sélectionnée », rappelle Yehezkel Ben-Ari.

Neurochlore

Il reste aux deux chercheurs à poursuivre leurs travaux. Dans cet objectif, ils ont déposé un brevet et créé la start-up « Neurochlore », qui a reçu un financement de l’ANR. Une formulation adaptée à l’enfant sous forme de sirop est prévue courant 2013. Et, surtout, un essai plus large analysant l’efficacité et les effets à long terme est nécessaire. Certes, pour cette « vieille » molécule, les effets secondaires constatés étaient attendus, principalement à type d’hypokaliémie. Mais, si les décideurs viennent à se laisser convaincre, entre l’approche tout psychanalytique et celle génocentrique, les différents courants dans l’autisme continuent de s’affronter de façon passionnelle. « La recherche dans l’autisme en pâtit », se désolent les deux chercheurs. Alors que la moyenne d’âge au diagnostic est de 3-4 ans en France, « l’idéal serait de rajeunir le diagnostic et de pouvoir traiter plus tôt, car il y a de bonnes raisons de penser qu’on puisse améliorer encore les réponses au traitement. »
› Dr IRÈNE DROGOU
Transl Psychiatry, publié en ligne le 11 décembre 2012.
lequotidiendumedecin.fr 11/12/2012

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