samedi 27 novembre 2010

Neuf cents accidents médicaux par jour dans les hôpitaux français
26.11.10

Neuf cents accidents médicaux, en moyenne, surviennent chaque jour dans les hôpitaux et cliniques français, révèle la deuxième enquête nationale sur les événements indésirables graves liés aux soins (Eneis), publiée par le ministère du travail et de la santé. Sur ce total, quatre cents seraient "évitables" estime le rapport. Ce résultat élevé est proche de celui de 2004.

Chaque année, ce sont donc entre 275 000 et 395 000 "événements indésirables graves" (EIG) qui surviendraient dans les établissements hospitaliers français, estime l'étude. "Globalement, ça n'est pas brillant", convient Philippe Michel, directeur du Comité de coordination de l'évaluation clinique et de la qualité en Aquitaine (CCECQA), coauteur de l'étude réalisée avec la Drees (évaluation et statistique). "Mais cela ne doit pas masquer les progrès qui ont été faits, par exemple en anesthésie-réanimation ou contre les infections nosocomiales, c'est-à-dire contractées à l'hôpital", tempère-t-il.

Les EIG évitables (de 160 000 à 290 000 par an) sont ceux "qui n'auraient pas eu lieu si les soins avaient été conformes à la prise en charge considérée comme satisfaisante au moment de leur survenue". "Vingt pour cent des EIG évitables survenus à l'hôpital ou en clinique sont associés à des médicaments (...). Ils sont en cause dans quasiment la moitié des cas d'EIG ayant entraîné une hospitalisation", ajoute Philippe Michel.

DES ACCIDENTS EN LIEN AVEC DES CONDITIONS DE TRAVAIL DÉGRADÉES

Il évoque le problème des traitements anticoagulants, où l'on n'enregistre guère de progrès, avec des traitements compliqués qui peuvent être difficiles à gérer par des patients âgés. Autre tendance, "une augmentation des hospitalisations pour infection du site opératoire, qui peut être liée à l'identification au domicile d'une infection contractée dans un établissement de santé. Mais cela peut être aussi la conséquence d'une mauvaise prise en charge des plaies opératoires en ambulatoire [hors de l'hôpital]", dit-il. Comme en 2004, l'étude pointe des "défaillances humaines des professionnels", moins souvent en lien avec des défauts de connaissances qu'avec des conditions de travail dégradées, "une supervision insuffisante des collaborateurs" ou encore une "mauvaise organisation" ou un "déficit de communication entre professionnels", note le Dr Michel.

Cependant, tous les événements indésirables liés aux soins ne sont pas considérés comme évitables. Ils peuvent aussi résulter de risques auxquels est exposé le patient dans le cadre de soins optimaux, souligne l'étude. Ils touchent plus fréquemment des patients fragiles, âgés, souvent déjà dans un mauvais état de santé.

Le plus souvent, l'événement indésirable entraîne un prolongement d'hospitalisation, mais le pronostic vital ou une incapacité à la sortie de l'hôpital peuvent être en jeu, voire, plus rarement, la mort.

"L'accident médical est lié à un système d'organisation des soins inefficient"

Neuf cents accidents médicaux, en moyenne, surviennent chaque jour dans les hôpitaux et cliniques français, dont quatre cents seraient évitables, selon une nouvelle étude du ministère de la santé. Ces "événements indésirables graves" (EIG) ont des causes multiples, sur lesquelles revient Nicolas Gombault, directeur de la mutuelle d'assurance du corps de santé français Sou médical et membre de l'association La Prévention médicale.

Le chiffre de 900 accidents médicaux par jour vous paraît-il élevé ?


Nicolas Gombault : Cette étude conforte les données dont nous disposons. Il faut noter que le nombre de sinistres déclarés est beaucoup plus faible : de 12 à 15 000 accidents chez les médecins praticiens et en hôpitaux et cliniques donnent lieu à des réclamations par an. Cette étude-ci est fondée sur les cas avérés d'EIG signalés par les professionnels de santé. Le nombre d'EIG reste en fait faible par rapport au volume des actes médicaux, estimé à environ 500 millions d'actes médicaux remboursés par les caisses d'assurance maladie par an. Mais il reste toujours trop important, notamment si l'on considère que 40 à 50 % d'EIG sont évitables. Pour le reste, il faut savoir que toute prescription médicamenteuse ou tout acte médical peut comporter des risques. Et, si l'on est alcoolique, diabétique ou hypertendu, on a plus de risques de contracter des maladies nosocomiales.

A qui la faute ?


Les EIG sont très variés et peuvent aller de la chute d'un patient dans un couloir à une faute évidente du personnel médical comme laisser sortir le patient opéré sans anticoagulants, ou se tromper de patient ou de côté à opérer. Les causes sont multiples et plurisectorielles : défaut ou erreur de médicamentation, erreurs et défaillances humaines, infections nosocomiales ou mauvaise coordination entre professionnels de santé et entre établissements de santé.

Ces derniers problèmes dits "systémiques" sont les plus fréquents. Chaque professionnel de santé est très bon dans son domaine mais il y a un problème dans la prise en charge globale du patient. C'est toute l'organisation du système de soins qui peut être remise en cause. La multiplicité des tâches du personnel de santé et le manque de personnel jouent notamment sur cette organisation, mais il est difficile de dire qu'il y a une dégradation sur ce point ces dernières années. Ce sont davantage les pratiques qui sont en cause et le manque de prise en considération des risques.

Prenons le cas d'une opération de prothèse globale de la hanche gauche où le patient se retrouve finalement opéré de la hanche droite. La première réaction est de dire que la faute incombe au chirurgien et in fine, s'il y a plainte, le juge établira la responsabilité du chirurgien. Mais, quand on creuse, on remarque souvent que l'accident est lié à un système d'organisation des soins qui n'est pas efficient, où aucune procédure n'a été mise en place pour empêcher l'accident, comme par exemple la check-list utilisée aux Etats-Unis. Cette dernière, qui consiste à vérifier tous les paramètres avant l'opération, n'est obligatoire que depuis peu. En obligeant le chirurgien à apposer ses initiales sur la hanche à opérer, on limite les risques d'erreur.

Quelles mesures doivent être prises pour réduire le nombre des EIG ?


Outre l'introduction de procédures de vérification comme la check-list, le passage, il y a quelques jours, du décret d'application obligeant chaque établissement de santé à déclarer tout EIG va dans le bon sens : cette déclaration permettra de mieux connaître les causes des EIG pour éviter les erreurs. Elle va changer en profondeur les pratiques et instaurer une culture de la sécurité et de la qualité qui n'est actuellement pas une priorité. En matière de prévention des risques, il est nécessaire de passer d'une culture défensive à une "culture de l'erreur". Il faut repenser l'organisation des établissements de santé en ce sens.

Sur quoi portent les réclamations en matière d'accidents médicaux ?


Elles varient d'une spécialité à l'autre. Il y a plus de généralistes que de spécialistes mais l'on estime que seul un généraliste sur cent est visé chaque année par une réclamation, contre un chirurgien sur deux. Pour les généralistes, ce sont en majorité des erreurs de diagnostic. La plupart du temps, le médecin est passé à côté de la maladie. Pourquoi ? L'exemple typique est la méningite, où le patient a été vu dans le cadre d'une routine d'épidémie de grippe, entre 36 patients atteints de grippe. Le médecin n'a pas cherché un autre diagnostic. Il faut mettre en place une méthodologie.

La communication avec le praticien est un facteur déterminant. Certains médecins, quand l'événement est survenu, ne savent pas communiquer et ne savent pas reconnaître qu'il y a eu un incident. C'est une cause significative des réclamations. On reproche également beaucoup au médecin des manquements au devoir d'information.

Le nombre de réclamations est-il en augmentation ?


Globalement, les réclamations sont en nette augmentation. La jurisprudence évolue vers davantage de mise en cause de la responsabilité des médecins et une plus grande sévérité des magistrats : 68 % des dossiers jugés sur le fond se terminent par une condamnation et le coût moyen des indemnités augmente. C'est une très grande source d'inquiétude pour ceux qui sont les plus exposés au risque : les chirurgiens et obstétriciens. Ces derniers peuvent être condamnés à titre personnel à des indemnités importantes, ce à quoi il faut trouver une solution. Car, à échéance, on va vers la suppression des obstétriciens en clinique.
Propos recueillis par Hélène Sallon

Scène thérapie
26/11/2010

Face au public, des schizophrènes, des trisomiques. Le temps d’une pièce, «Bleu de mes rêves», ils ont pris la parole. Une création rare emmenée par Gérard Gallego.
Par DIDIER ARNAUD Envoyé spécial à Morsang-sur-Orge (Essonne)

Sur la scène du théâtre, le plateau est jonché de journaux déchirés, des quotidiens gratuits à piétiner, et on entend clairement le bruit de feuilles mortes écrasées par une semelle humaine. La petite Lætitia, dont on ne sait pas bien si c’est une femme ou une enfant, jupette, collants blancs, avance avec un gros cochon rose dans les bras. Quand elle dispose des chaises en rang d’oignon, le petit mouvement du bassin qu’elle produit est un instant de grâce. Puis vient Frédéric, bouille ronde, voix ferme. Il interpelle le public : «Vous êtes les spectateurs, nous sommes les comédiens», d’une voix de stentor. Ces deux présences antagonistes - force impassible, fragilité intense - font frissonner l’échine. La suite est faite de danses, d’interpellations, de coups de gueule. On ne sait pas très bien où on se trouve : l’histoire n’est pas de celles qui se racontent, mais, là où on est, il y a de l’émotion. Bleu de mes rêves, qui s’est donné les 19 et 20 novembre à l’Arlequin théâtre ouvert, à Morsang-sur-Orge (Essonne), est un spectacle rare. Il est joué par des hommes et des femmes de tous âges (de 18 ans à 50 ans), qui souffrent de troubles psychiques d’origine diverse. Certains sont schizophrènes, d’autres trisomiques.

Au théâtre : ces comédiens-là, on les appelle «les résidents». Sous traitement, ou non, avec bien souvent des trajectoires familiales lourdes, ils fréquententun centre, les Amis de l’atelier, qui se trouve à deux cents mètres du théâtre, pensionnaires où à l’accueil de jour. Les résidents n’ont pas de mémoire. Les résidents ont du mal à se concentrer. Ils se fatiguent très vite, mais ils se donnent à fond.
Alors, comme ils ne peuvent apprendre un texte, leur production se transforme à chaque fois en prouesse. Chacune de leurs répétitions se mue en improvisation sur un cadre imposé. La seule chose immuable, c’est la bande-son.


«J’te jure, la mort, j’ai peur»

Lorsqu’elle défile dans le noir de la salle de théâtre, ils parlent et c’est une surprise pour le public de les entendre, eux qui n’ont jamais la parole. Christine : «J’ai les pieds qui sont de travers, mes parents m’ont faite à l’envers, je suis née les pieds devant, j’ai quand même une grande gueule.»
Eric détaille ainsi les trois âges de la vie : «Un adulte, c’est majeur ; un enfant, c’est mineur ; un petit vieux, c’est à la maison de retraite.» Souvent, ils sont drôles. Christine lance : «Rire jaune, ça veut dire que tu ris cocu.» Sandrine rit : «Envoyer sur les roses, ça veut dire qu’on balance les gens dans les épines.» Frédéric : «Le bonheur, c’est d’être avec ma copine, faire des sorties. Être libre, c’est d’avoir plus mes parents sur le dos, faire ce que j’ai envie de faire.» Ils y livrent parfois des secrets, comme pour qui leur cœur bat : «Elle s’appelle Christelle, son nom de famille, je me rappelle plus.» Ils sont lucides sur leur situation, mais peinent à dire en quoi ils nous sont différents : «On sait ce qu’on fait dans la vie… rien. Mais on sait faire des choses, moi je sais faire à manger, un petit peu repasser, c’est tout, la différence [avec les autres gens, ndlr], c’est quoi, moi je sais pas.» L’avenir ? Aude  : «Avoir un enfant, j’aurais pas le droit… Si ça l’intéresse de faire l’amour avec moi, je ne veux pas le brusquer. J’aimerais bien faire notre vie ensemble.» Christine : «Si jamais demain, mon cœur s’arrête, je vais faire une dépression, j’te jure, la mort, j’ai peur.» L’ensemble dégage une urgence, dessine une vie, au jour le jour, avec ses heurs, malheurs, et instants de douceur. Cela se voit lorsque Emilie chante d’une voix fluette la Vie en rose.

A quoi sert ce théâtre-là ? D’abord, à faire progresser les résidents, pour qui ce projet a des vertus thérapeutiques. «Cela a bougé chez eux», explique Sandy Escribano, aide-médico psychologique. Le travail sur le corps, l’espace, la voix leur a permis de faire reculer certaines de leurs inhibitions. La première fois que Lætitia a vu Gérard Gallego, le metteur en scène, elle a eu très peur, et a fichu le camp à l’autre bout de la pièce. Mathieu, lui, ne bougeait pas, ne disait rien. Aujourd’hui, il aligne quelques mots, mais a toujours du mal à se tourner vers les spectateurs. Un autre résident avait tout le temps le visage baissé. Peu à peu, il a levé les yeux. Cette femme, toujours en fugue, s’est «stabilisée» le temps du spectacle.

Sandy Escribano l’avoue, son regard a changé. Elle n’y croyait pas vraiment, ne les pensait pas capables. «Le metteur en scène leur a fait confiance, alors que nous, les éducateurs, ne laissions pas facilement la magie de la spontanéité prendre place», explique-t-elle. Plus tard, la soignante raconte comment les plus empotés sur scène n’ont pas été ceux qu’on pensait. «On a pu inverser les rôles, ce sont les résidents qui m’ont accompagnée, cette fois», conclut-elle.

La directrice du foyer, Caroline Hazémard, psychologue de formation, estime que le spectacle s’inscrit parfaitement dans le cadre de la loi du 11 février 2005 qui encourage les établissements à travailler sur la «citoyenneté», pour que les handicapés participent à la vie de la société. «Faire rire, ne pas être montré du doigt, tout cela les a mis dans une dynamique de valorisation, et de responsabilité», raconte-t-elle. Ce projet leur a permis de prendre la parole mais aussi de se faire une place. Le jour du spectacle, certains étaient en costume dès 6 heures du matin, tandis que la représentation avait lieu à 16 heures. Cécile Bertrand, psychologue clinicienne, souligne que les résidents à cette occasion ont pu être «entendus de leur famille, mais aussi de l’équipe. Là, c’est sur scène, et puis c’est dit», tranche-t-elle.

Les comédiens professionnels, chargés de «cadrer» les répliques, y ont, eux aussi, trouvé leur compte. On voit ainsi Thierry peiner à «ramener Fred dans la trame», et à jouer sur son improvisation. Malvina, autre comédienne, trouve ses interlocuteurs «très fins, parfois à leur insu». Tous deux ont progressé dans leur appréhension de la scène.

Au début, Gérard Gallego voulait faire un spectacle autour de la question «quelle différence ?» A 48 ans, la voix forte et remuante, Gérard Gallego vient de la banlieue. Ce qu’il monte a souvent des accents engagés. Avant les résidents, il a joué une pièce avec des mineurs délinquants, des prisonniers à la maison d’arrêt de Fresnes. Il s’est également intéressé à la condition des femmes étrangères et des RMistes à Vincennes, un terrain qu’il continue de labourer près de Tours durant le mois de décembre 2010 (1). Un théâtre social, donc, qui s’attache autant à montrer les facettes méconnues de ces «exclus» qu’à les aider à avoir confiance en eux. Il compte faire tourner ce spectacle pour qu’il serve de référence aux écoles d’éducateurs qui souhaiteraient se lancer dans ce type de projets (2).

«Ils deviennent normaux»


Gérard Gallego n’aime pas parler de lui, mais il tente de redonner à tous ceux qui lui ressemblent un peu, ce dont, un jour, il a bénéficié lui-même. Adolescent, il s’est lui-même retrouvé face à deux alternatives pour se sortir de l’impasse dans laquelle il se trouvait : le jeu de dames et le judo. Il a pris les deux à bras-le-corps, est devenu un crack sur le damier et ceinture noire en kimono. Sur le tatami, un policier éducateur l’a pris sous son aile, lui permettant de sortir de l’ornière.

Au théâtre de Morsang, des lycéens d’une classe de design du lycée technique du Gué à Tresmes, établissement situé près de Meaux, sont venus assister aux répétitions de Bleu de mes rêves. Gérard Gallego leur a demandé d’écrire ce que le spectacle a laissé comme impressions chez eux. «Il n’y a pas eu de mots qui puissent exprimer cette émotion, si forte, si prenante que j’en ai lâché (sic) d’écrire des notes dans mon carnet», a rapporté l’un. Un autre : «Le spectacle enlève la barrière de la maladie, ils deviennent normaux». Camille a noté : «Leurs angoisses sont identiques aux nôtres.» Nikita : «Notre société classe, ordonne, pense au futur, en tout cas, ici, j’ai une ouverture d’esprit.» Inés a conclu joliment : «De toute la pièce, je n’ai pas quitté mon sourire.» Ces mots-là devraient faire plaisir à Jean-Louis Sagot-Duvauroux, le philosophe également directeur de ce théâtre de Morsang où les places sont moins chères qu’au cinéma. «Quelle que soit sa position sociale, on produit des occasions où la communauté se retrouve et éprouve sa commune humanité», dit-il. Ce spectacle en est une.

(1) Représentation le 18 décembre, à la salle des fêtes du Sanitas, Tours (37). (2) GerardGallego.org


Les handicapés ont-ils droit à une vie sexuelle ?
VÉRONIQUE DUBARRY adjointe verte au maire de Paris en charge des personnes en situation de handicap
25/11/2010

Comme si. Comme s’ils ne voulaient pas d’enfant, comme s’ils n’avaient pas de désir, comme s’ils n’avaient pas de peau, de cœur… Comme si les personnes en situation de handicap n’étaient que de purs esprits sans corps. Bien qu’on les réduise la plupart du temps à ce corps dit contraint. Au fond qu’est ce qui coince ? Notre propre angoisse face au flou de la frontière entre le «normal» et le «pathologique» ? Quel que soit le type de handicap, «ces gens-là» ne peuvent prétendre à une vie affective et sexuelle. Ils sont «fous» donc ne pourraient pas être conscients de leur corps et leurs pulsions seraient forcément contre-nature ; leur corps n’est pas dans la norme donc leur sexualité ne peut être «normale».

La question de la sexualité des personnes handicapées fait encore frémir, elle fait peur. Peut-être parce que notre passé collectif en la matière est effrayant : avortements forcés, périodes d’eugénisme, viols dans les institutions… Tout cela rend difficile un discours posé et serein. Sujet tabou, «effrayant», passionné… et complexe. Complexe parce que chaque situation est particulière : en fonction de chaque personne, du type de handicap, de l’âge, de la vie en établissement, à domicile… Et certaines réalités fort dérangeantes : ces aides-soignants confrontés aux pulsions de leurs malades, ces éducateurs qui racontent qu’ils sont «bien obligés d’emmener leurs pensionnaires aux putes», ou bien cette femme d’une soixantaine d’années demandant que quelque chose soit mis en place pour qu’elle n’ait plus, tous les matins, à masturber son fils handicapé mental, sous la douche…

Alors que faire ? Évidemment en parler. Parler de sexualité, d’amour, de pilule, de préservatifs. Informer, sensibiliser, décomplexer la parole. Pour tous : grand public, personnes «normales», «handicapées», parents, enfants, professionnels, que le sujet puisse être abordé dans toute sa complexité. Favoriser les rencontres. En rendant les lieux de sorties accessibles. En utilisant les sites de rencontres. Et aussi en considérant la question au sein des établissements.

Souvent créés par des parents d’enfants handicapés, les établissements ont longtemps passé sous silence la question de la sexualité puisque, comme chacun le sait, les enfants n’ont pas de sexe - même à 40 ou 50 ans. Pourtant, progressivement, on voit fleurir ici et là des initiatives : une chambre double, des cours d’éducation sexuelle, des possibilités de retrouver une intimité, à deux ou seul.

Et puis, dans certains pays européens (Belgique, Suisse…) a été mis en place un service d’assistants érotiques. Ces professionnels, spécifiquement formés, proposent des services sexuels aux personnes qui en font la demande via des associations - services pouvant être remboursés.

Oui, il peut y avoir acte sexuel mais, comme le montrent les photos de Frédérique Jouval (1), il y a surtout regards, tendresse, câlins, contact de corps à corps : parce que l’autre en me touchant me fait reprendre conscience de mon corps et de mon existence comme personne. Que l’on ait, ou pas, deux bras, deux jambes et «toute sa tête».

(1) Dans le cadre du colloque «Handicap : affectivité, sexualité et dignité», le 26 novembre à l’hôtel de ville de Paris, en partenariat avec l’association CQFD.


La « folie douce » : une thérapie burlesque !
par Brigitte Axelrad
SPS n° 291
juillet 2010


« Un médecin consciencieux doit mourir avec le malade s’ils ne peuvent pas guérir ensemble. Le commandant d’un bateau périt avec le bateau, dans les vagues. Il ne lui survit pas. ».
Ionesco, La cantatrice chauve

Cette phrase de Ionesco stigmatise la nouvelle tendance de certains médecins à élaborer des théories de la maladie à partir de leur cas personnel, et à vouloir emporter la confiance de leurs patients en prétendant s’appliquer leurs traitements à eux-mêmes. Pour se rendre crédibles, ils utilisent aussi toutes sortes de métaphores ancrées dans la sagesse populaire, telles que celle du commandant et de son équipage.

Dans le domaine des thérapies fleurissent les dérives les plus diverses. On trouve, par exemple, celles des médecines psychédéliques, telles que prônées par des psychiatres comme Olivier Chambon (La médecine psychédélique, 2009, Éditions Les Arènes), « psychiatre spirituel », qui prétend soigner par les plantes hallucinogènes ; les dérives de la médecine dite « nouvelle » ou biologie totale, initiée par Ryke Geerd Hamer, qui prône l’inutilité de tout recours aux médicaments, toute maladie étant interprétée comme le résultat d’un choc psychique, perçu par l’individu comme aigu et dramatique, que le malade doit apprendre à « décoder » [1] ; les dérives des médecines dites globales, comme la pratique collective du rire de Christian Tal Schaller (La folie douce, 2003, Vivez Soleil), « médecin holistique », qui paraît d’emblée beaucoup plus inoffensive. Et la liste n’est pas close.

Points communs entre ces thérapies : elles sont proposées par des médecins diplômés, généralistes, psychiatres ; toutes les maladies, des plus bénignes aux plus graves (cancer, sida, etc.), sont considérées comme des maladies de l’esprit ; les médications ou procédés thérapeutiques sont présentés comme des « médicaments de l’âme » ; la manipulation mentale souvent reprochée à ces thérapeutes est le secret de leur succès auprès des patients, et, redisons-le, ce qui les rassure, c’est que le médecin confie utiliser pour lui-même le médicament, ou le procédé, pour en évaluer l’efficacité ; ces thérapies coûtent très cher et créent une dépendance ; elles risquent d’aggraver les symptômes ; enfin, elles font perdre de vue au malade la gravité de sa maladie et risquent de le détourner des soins sérieux. Quand il s’en rend compte, il est parfois trop tard.

C’est ainsi que la médecine psychédélique d’Olivier Chambon propose la thérapie par l’ayahuasca, plante utilisée pour soigner des toxicomanes, que les professionnels, tels que le professeur Jean Dugarin, psychiatre à l’Hôpital Fernand Widal de Paris, classent parmi les stupéfiants ; la biologie totale de Ryke Geerd Hamer s’oppose, elle, systématiquement à tous les traitements médicaux, tels que chimiothérapie, ablation de la tumeur dans le cas du cancer, anti-douleurs. Un exemple de cette théorie « nouvelle » de la maladie : le cancer du poumon ne serait pas dû à la cigarette, mais à la peur de la mort, induite par l’image négative de la cigarette. Pour guérir, il faudrait donc décoder ses peurs. Enfin, la médecine holistique de Christian Schaller propose la thérapie par le rire, sous le vocable de « folie douce ». Mais n’est-elle pas aussi dangereuse, en fin de compte, dans sa manière de banaliser maladies et traitements ?

La « folie douce » comme méthode thérapeutique

« Par la folie douce, depuis plus de 30 ans, je guéris les malades mentaux », déclare sans hésitation Christian Tal Schaller, qui explique que la thérapie des chamanes, pratiquée dans des « hôpitaux spirituels » au Brésil, a même permis de guérir des pédophiles et des pervers sexuels par des massages, par l’écoute, la tendresse et l’éducation… Vaste programme !

Il se présente : « Je suis médecin en Suisse depuis 35 ans. Généraliste, puis orienté vers les médecines douces, l’homéopathie, l’acupuncture… J’ai découvert le chamanisme et la communication spirituelle avec les êtres de lumière, en canalisant. Je montre comment devenir son propre médecin, l’artisan de sa santé, accéder aux mondes non matériels par le voyage intérieur, rencontrer ses guides spirituels ». Schaller, apôtre de la « santé globale », est l’auteur d’une trentaine d’« ouvrages de santé », dont Éloge de la folie douce, dans lequel il prétend que la maladie mentale résulte du blocage des émotions, et que les médicaments chimiques empoisonnent l’esprit.

Avec son épouse Johanne Razanamahay, ils enseignent la « folie douce » à Genève et à Pierrelatte. Ils expliquent aux malades mentaux comment gérer leur folie, accepter leurs émotions, ne plus avoir peur de la violence en soi, mais l’exorciser par des gestes et des sons. La folie vient de la méconnaissance des « sous personnalités psycho actives », (SPPA), qui coexistent chez le malade mental, et de la difficulté à les harmoniser. C’est à cela que doivent conduire les exercices : « Imaginez ces exercices de “folie douce”, quand on les fait en groupe, tout le monde jouant à faire les fous ! On rit beaucoup dans ce travail. Lâchez vos émotions, allez voir vous-mêmes ce qui se passe, faites des voyages intérieurs. »

Qu’est-ce que la « folie douce » ? C’est celle, dit-il, de l’enfant ou du sage qui s’amusent et expriment toutes leurs émotions sans agressivité. C’est une folie contrôlée et consciente. « Elle fait du bien sans faire de mal. » L’apprentissage se fait par des exercices, tels que « tordre son visage dans tous les sens, loucher, tirer la langue, faire des sons bizarres, avoir l’air le plus idiot possible, ressembler à un monstre ou à un tigre rugissant, faire les mimiques et les “miaou” du chat, les aboiements du chien, les “yeux ronds” du poisson », grimaces qui expriment l’« enfant intérieur », thème cher au New Age, selon lequel l’enfant, que nous étions dès notre naissance, survit en nous comme un guide infaillible de notre conduite (Internal Self Helper). Schaller dit avoir été marqué par sa très stricte éducation protestante, qui lui a permis de découvrir que l’éducation judéo-chrétienne entraîne une hyperactivité du cerveau gauche, cerveau de la logique et du raisonnable, et la mise en tutelle du cerveau droit, cerveau de la spontanéité et de la créativité. Il faut donc apprendre à laisser ses émotions circuler à travers son corps. C’est l’objectif des stages de libération corporelle. C’est lors d’un tel stage, donné par « une ravissante thérapeute » qu’il a épousée par la suite, que Schaller confie avoir découvert la nature de la maladie mentale. Depuis, il apprend aux malades mentaux qu’ils sont « possédés » par des énergies étrangères, et que leur guérison viendra de la libération de leur cerveau droit, clé de leur épanouissement.

Efficacité proclamée contre la « médecine officielle »

Pour « preuves » de l’efficacité de sa méthode, il évoque, avec aplomb, les « centaines » de malades épileptiques et de schizophrènes qui sont guéris grâce à elle, et qui deviennent à leur tour thérapeutes, ainsi que son succès aux États-Unis. À son grand regret, mais à notre grand soulagement, il ajoute : « Les thérapies de régression dans les vies antérieures sont déjà enseignées dans beaucoup d’universités américaines, alors qu’elles n’ont pas encore droit de cité en France ». Plus surprenant encore de la part d’un médecin, Schaller affirme que la maladie d’Alzheimer est la conséquence de l’aluminium des vaccins, et des additifs alimentaires, qui empoisonnent l’organisme, ainsi que du manque d’ouverture du cerveau droit. Aussi, affirme-t-il, un chamane, dont le cerveau droit est « ouvert », ne peut pas souffrir d’Alzheimer !

Selon lui, la psychiatrie est dans une impasse. Il dénonce l’industrie pharmaceutique qui soumet la psychiatrie, les facultés de médecine, les hôpitaux, au dogme du « il n’y a que les médicaments qui marchent ». Il regrette que la France et la Suisse soient encore dominées par ce dogme, alors que, dit-il, ça change en Italie, et qu’au Brésil, à cause de la pauvreté de la population, des hôpitaux soignent par la seule force spirituelle ! Et parce que le rire est le meilleur médicament de l’âme, Schaller dit avoir participé avec son épouse au Rassemblement international des rieurs organisé par l’École du rire de Corinne Cosseron, à Frontignan, du 30 avril au 3 mai 2009, « avec notamment la distribution de “câlins gratuits” sur la place du marché… »

Christian Tal Schaller et la vaccination


Christian Tal Schaller est également très en pointe dans les campagnes des ligues anti-vaccinales. Sur son site Internet, un texte rejette la vaccination comme dangereuse, les vaccins eux-mêmes étant présentés comme composés d’un cocktail de produits toxiques, de « microbes artificiels » mélangés à un « liquide composé de celules animales (poulet, souris, mouton, singe, vache) et humaines (sang, embryons avortés), souvent elles-mêmes contaminées » et autres agents de conservation, « véritables poisons » qui tuent le vivant.

Auteur de plusieurs livres sur le sujet, l’un d’entre eux, Vaccins : l’avis d’un médecin holistique est présenté ainsi par l’éditeur : « Les vaccins sont toxiques ! Ils empoisonnent les organismes de milions de gens ignorants de leurs effets négatifs sur la santé. Sont-ils aussi efficaces qu’on le prétend ? Certaines épidémies se sont bien arrêtées sans vaccins ? Alors… Et si on s’était trompé ? Et si les épidémies s’étaient arrêtées pour d’autres facteurs que les vaccins ? Et si les virus et les bactéries n’étaient pas des ennemis, mais au contraire des amis, lors qu’ils sont bien gérés par un système immunitaire en bon état ? Les recherches de la science moderne dans le domaine de l’immunité permettent de comprendre les graves erreurs de la “vaccinologie” qui ne subsiste que parce qu’elle génère des profits financiers pharamineux. Ne restez pas dans l’ignorance et l’inconscience mais prenez la responsabilité de votre santé ! »

Certes, l’éloge du rire n’est pas en lui-même critiquable. Le rire, un bon moral, un environnement serein, renforcent la résistance à la maladie, mais ils ne suffisent pas pour en guérir vraiment. C’est pourtant ce qu’affirme froidement ce médecin diplômé, figure d’autorité auprès de malades, lors de conférences ou dans des livres.

Dans son autre livre, Artisans de leur miracle, une des grandes aventures du troisième millénaire ou les miracles sont naturels, (2001, Vivez Soleil), Schaller prétend, entre autres aberrations, que la conception du cancer par « la plus grande partie de la médecine moderne » est fausse « parce qu’elle veut ignorer les travaux qui montrent qu’une cellule cancéreuse peut redevenir normale si son environnement se corrige. Tout cela parce que les milliards de francs (suisses ?) que rapporte la chimiothérapie du cancer bloquent toute pensée qui ose sortir des dogmes en vigueur ». Il critique la médecine en faisant de l’évolution de ses conceptions de simples modes changeantes, alors que, dit-il, l’homéopathie ne change pas, ce qui en prouverait la valeur : « voilà une médecine expérimentale qui s’appuie sur des lois fondamentales qui ne varient pas avec le temps. Les écrits de son fondateur, le docteur allemand Samuel Hahnemann, n’ont pas pris une seule ride en plus d’un siècle et l’homéopathie fonctionnera tout aussi bien au vingt-et-unième siècle qu’au vingt-deuxième ou au vingt-cinquième siècles ! » Il en est de même pour les grands principes de la médecine hippocratique, de la phytothérapie, de la médecine chinoise et de l’acupuncture.

Guérir par la douceur, même les maladies les plus graves

Paradoxalement, l’immuabilité des dogmes des médecines douces serait la caution indéniable de leur vérité, et de leur efficacité, alors que les progrès des connaissances et des techniques médicales seraient la preuve de leur incapacité. En fin de compte, l’affirmation péremptoire de ses croyances les plus farfelues suffit à Schaller. Aux malades du sida, il fait croire à leur guérison par la médecine naturelle, contre les statistiques elles-mêmes : « le sida est une maladie qui ne tue pas tous ceux qui en sont frappés. Il y a des « long term survivors », des « survivants longue durée », comme on les appelle aujourd’hui. Définitivement sortis de la peur, ils se sont guéris et sont devenus des gestionnaires avisés de leur propre santé. Ils sont des milliers à avoir fait cette expérience. Leur point commun est de ne plus croire que la guérison vient de l’absorption de médicaments ou de la soumission au pouvoir médical mais de l’adoption d’un mode de vie “ immunitairement positif”. De très intéressants travaux scientifiques apportent la preuve de l’efficacité de cette démarche. » Lesquels ? On ne sait pas !

Malheureusement, Schaller n’est pas seul à propager ce délire concernant l’efficacité des médecines naturelles sur les maladies les plus graves, qui détournent certains malades des traitements médicaux nécessaires à leur guérison. Ce discours illuminé est au contraire très à la mode, et beaucoup s’en servent, parvenant ainsi à manipuler et à séduire des gens, en bonne santé ou malades, disposés à croire sans preuves les discours les plus extravagants.

Une âme invulnérable contre un corps faillible

Pour mieux vendre ses idées et ses méthodes, le site Internet de Schaller est très complet. On y trouve la longue liste des activités de la « santé globale » : la règle des 3 V de l’alimentation (Végétale, Vivante et Variée), le jeûne, l’Amaroli (thérapie par l’urine), les lavements intestinaux, le rêve éveillé, les deux sortes de massages (« multidimensionnel », axé sur l’exorcisme, et « androgyne », pour réconcilier en soi l’homme et la femme), la gestion des émotions et des passions, l’éducation à la santé globale, le chamanisme, le channelling ou communication spirituelle (qui consiste à se brancher sur les mondes de lumière), la connaissance des SPPA, les accompagnements des vivants et des morts, et enfin pour couronner le tout, la formation d’holothérapeutes, avec stages (250 € par jour), une quinzaine de CD à 15 €, et deux vidéos à 28 €. Le programme des manifestations s’avère chargé, depuis la rentrée de septembre 2009.

Enfin, tout ça s’appuie sur une philosophie somme toute assez banale. Selon Schaller, notre âme invulnérable, immortelle, éternelle et universelle, s’est incarnée dans un corps, qui nous a fait perdre la conscience de notre nature divine. Nous devons nous voir comme des « apprentis de la vie ». C’est en libérant nos émotions que nous pourrons guérir des « blessures du cœur » que sont la folie, l’épilepsie, la schizophrénie, l’Alzheimer et bien d’autres troubles graves. Nous redeviendrons alors ce que nous sommes : « des êtres de lumière, immortels, éternels, magnifiques, souverains, venus sur la terre pour y créer tous ensemble une société planétaire de paix et de coopération consciente ».

Si la solution de tous nos maux était si naturelle et si simple, pourquoi ne pas y avoir pensé plus tôt, au lieu de gaspiller notre énergie dans des recherches médicales interminables et coûteuses ? Rions, faisons des grimaces, libérons nos émotions, vénérons la nature, et nous ne serons plus jamais malades !

Vers le nouvel âge d’or de la santé

L’avènement de ce nouvel âge d’or de la santé ne se fera pas, selon Schaller, sans que disparaissent pour toujours les symboles de notre aliénation à la médecine : « Il faudra un jour aller déboulonner la statue de Louis Pasteur qui a entraîné la société moderne dans une direction funeste, celle de vouloir combattre la maladie par des mesures médicales au lieu d’enseigner à tous les lois de la santé ! »

Petite remarque très matérialiste : à côté des stages et autres babioles, ce thérapeute pratique un prix unique de 100 € pour chaque prestation d’une heure, que ce soit une consultation, un channelling, un massage… sauf le massage androgyne, qui lui est à 160 €. Avec de tels tarifs, ce bon docteur ne doit pas craindre la crise ! Quant à ceux dont le porte-monnaie est dégarni, ils devront peut-être se contenter de rires, de câlins… et d’urine, pour être gagnés par la grâce.

Schaller fait feu de tout bois. Dans son approche « globale », il agrège l’homéopathie, la médecine chinoise et l’acupuncture, la phytothérapie, les thérapies par la lumière, le Yoga du rire, etc. En qualifiant ces pseudosciences de « holistiques », il tente de cautionner leur efficacité sur le cancer, le sida, la maladie mentale, l’Alzheimer, la dépression, l’aérophagie, l’asthme, la constipation. Si ce n’était pas aussi grave pour ceux qui en sont les victimes, nous pourrions en rire.

Les thérapies miraculeuses n’existent pas. Gardons à l’esprit cette sage parole de Cicéron dans le De Divinatione : « Ce qui ne peut pas se produire ne s’est jamais produit, et ce qui peut se produire n’est pas un miracle. »

[1] Pour un exposé plus complet de la « médecine nouvelle », de Hamer, voir entre autres l’article de Nadine de Vos « La biologie totale » dans SPS n° 274, octobre 2006

Le corps des femmes n'est pas en libre-service
Point de vue
24.11.10

Le corps des femmes est-il en libre service ? Il semblerait que beaucoup d'hommes, en France, considèrent que c'est le cas, puisque, chaque année, plus de 198 000 femmes sont victimes de viol ou de tentative de viol, selon l'Observatoire national de la délinquance.

Selon les représentations courantes, le viol est le fait de psychopathes qui s'attaquent à des inconnues dans des endroits isolés. En fait, dans la plupart des cas, les femmes violées connaissent leur agresseur : mari ou compagnon, collègue, voisin… Les violeurs sont des hommes ordinaires. Cela n'a rien de surprenant, puisque la croyance qu'il existerait des "pulsions sexuelles irrépressibles" des hommes – mais pas des femmes – reste extrêmement répandue ; le viol serait en partie excusable, quand, soi-disant, "on ne peut pas se retenir".

En réalité, le viol n'a rien à voir avec la biologie : il est inscrit dans une conception culturelle et construite de la sexualité hétérosexuelle. Malgré l'émancipation des femmes durant ces quarante dernières années (notamment grâce à la contraception et à l'avortement), la sexualité hétérosexuelle continue à être imaginée et vécue de manière profondément inégalitaire : elle est censée tourner autour du désir et du plaisir masculins, et le désir et le plaisir féminins ne sont que secondaires – la cerise sur le gâteau en quelque sorte. Ainsi, un rapport sexuel sans pénétration ne sera souvent pas considéré comme un véritable rapport sexuel, mais un rapport sexuel sans orgasme féminin, si.

Toutes nos représentations collectives véhiculent l'idée qu'un homme doit "conquérir" sa partenaire ; il est le chasseur et elle est la proie. Combien de films, de livres, mettent en scène cette répartition traditionnelle des rôles : dès le plus jeune âge, on donne pour modèle du couple La Belle au bois dormant – la princesse attend passivement, tandis que le prince pourfend, combat, enfonce la porte. Qui n'a en mémoire des scènes de films où le héros force l'héroïne à l'embrasser, voire plus – et finalement elle est ravie. Sans parler de la publicité et de ses stéréotypes…

Le désir et la parole des femmes doivent avoir la même place, la même valeur que ceux des hommes. "Quand je dis non, c'est non" : un principe tout simple qui doit enfin être respecté !

Pour que la honte ne pèse plus sur les victimes mais bien sur les violeurs, pour que chacune et chacun prenne conscience que le viol est un comportement criminel qui s'ancre dans la domination masculine persistante de nos sociétés, Mix-Cité, Osez le féminisme et le Collectif féministe contre le viol lancent une pétition. Tous et toutes, nous pouvons décider de choisir un autre type de relations femmes-hommes.

Béatrice Gamba, Mix-Cité, Caroline De Haas, Osez le féminisme !, Emmanuelle Piet, Collectif féministe contre le viol

La métamorphose du pétard
24 novembre 2010
par Benjamin Campion

Cette note dévoile quelques aspects de l’intrigue de Nurse Jackie, de Rubicon, de Weeds et de Breaking Bad.

Assis sur le banc d’un parc, Walter Bishop s’allume tranquillement un petit “splif”, il tire une taffe et le tend à Nina Sharp. En souvenir de leurs jeunes années, où ces deux-là ont fumé (du moins on le suppose) de l’herbe qui fait rire. Etranges images de Fringe. Il n’y a pas d’âge pour consommer des substances illicites et la scène peut prêter à sourire. Elle peut également indigner, ce qui est compréhensible, mais je ne trancherai pas ce débat. Admettons que si la dépendance aux drogues (celles qui poussent dans les champs et celles qu’on trouve dans l’armoire à pharmacie) peut être considérée comme un fléau, elle est avant tout une bénédiction pour les scénaristes.

Les substances prohibées se sont largement généralisées dans les séries télévisées, suivant en cela une tendance visible dans la société. L’accès au cannabis, par exemple, est devenu une banalité au cours des 20 dernières années, il n’y a donc rien d’étonnant à ce que la toxicomanie et la drogue s’imposent comme axes de fictions aussi différentes que The Wire, Weeds, House, Nurse Jackie, Breaking Bad… mais aussi, concernant l’alcool, Boardwalk Empire (sur la Prohibition) et Mad Men.

Que les séries parlent de ces comportements “addictifs” n’est pas gênant en soi. C’est plutôt la manière dont elles en parlent qui peut interroger. Force est de constater que Matthew Weiner a parfaitement assimilé l’élégance de la fumée s’échappant d’une cigarette et le bruit des glaçons s’entrechoquant au fond d’un verre de Martini. Cela lui permet de rendre un vibrant hommage à la Nouvelle Vague, au cinéma hollywoodien d’après-guerre et au néoréalisme italien. Paradoxalement, le réalisme dans ce cas n’est pas de mise. Beaucoup repose sur l’esthétique. Difficile d’imaginer Don Draper bedonnant et le souffle court, mourir d’une crise cardiaque d’ici une dizaine d’années. En attendant, le bougre conserve un corps d’athlète, son pouvoir de séduction auprès des femmes (même si Peggy Olson le rappelle à l’ordre) et réussit l’exploit de gravir tous les étages de la tour Sterling-Cooper sans défaillir, pendant que ce bon vieux grisonnant de Roger crache ses poumons.

Poudre aux yeux


Dans Nurse Jackie, il ne faut pas moins de deux saisons à Kevin Peyton pour comprendre que son épouse n’est pas seulement une infirmière avisée et une maman affectueuse, mais aussi une accro à quelques substances prescrites uniquement sur ordonnance et au Vicodin (un mal qu’elle partage avec l’un de ces médecins qu’elle trouve si arrogants: Gregory House). Si bien qu’on en vient plus à se préoccuper de ses adultères et des troubles sociaux de sa fille aînée que des risques pour sa propre santé. L’effet est même garanti lorsque Jackie déclare d’entrée de jeu, avec une pointe de provocation qui suffit à piquer la curiosité: “Seize granules. Ni plus ni moins. Un petit coup de fouet et ça repart“. Comme si elle avalait un Mars ou une canette de Red Bull. Rien de bien méchant, en somme ! “Quand on se fout de la morale, le moral est meilleur“, déclarait à ce titre le poète et chansonnier Albert Willemetz.

Tanya MacGaffin se remet, pour sa part, drôlement bien de ses passages répétés aux toilettes dans Rubicon (”Détendez-vous, je ne vais pas me mettre à sniffer des rails de coke sur la table“, rassure-t-elle ses collègues à son retour au bureau). De même Charlie Pace, surpris à se poudrer le nez dans les toilettes du vol Oceanic 815, ne doit pas ses pires convulsions à une violente rechute entraînée par la découverte inopinée de statuettes de la Vierge Marie contenant des sachets d’héroïne dans Lost. Quant à Tommy Gavin (Rescue Me), Jeremy Darling (Dirty Sexy Money), Hank Moody (Californication), les compères de Bored To Death ou la bande de potes d’Entourage, l’absorption inconsidérée de tout ce qui leur passe sous le nez ne semble pas tant constituer un objet de souffrance qu’une aide salutaire dans leur course frénétique vers l’avant.

Côté dealers, qu’ils s’appellent Nancy Botwin (Weeds) ou Walter White (Breaking Bad), ils ont d’autres chats à fouetter que de s’inquiéter des effets dévastateurs de leurs substances sur la clientèle. L’effet de la weed, devenue le logo emblématique de la série de Jenji Kohan, est d’ailleurs minimisé par la consommation comique qu’en font Doug Wilson, Andy Botwin ou son cousin ado Silas. Walter White peut lui se targuer de produire la méthamphétamine la plus pure du pays, un gage de qualité qu’on imagine destiné à rassurer les clients sur la violence des effets secondaires… Il est d’ailleurs assez symptomatique de constater que Jane, la petite amie de Jesse Pinkman, s’étouffe dans son vomi après une injection d’héroïne et non après avoir consommé de la meth fabriquée par Walter dont on ne voit que rarement les effets négatifs.

Bref, se droguer c’est dangereux. Les séries n’occultent pas ce constat (Lou Ashby meurt d’une surdose dans la saison 2 de Californication), mais les ravages liés à la toxicomanie sont le plus souvent édulcorés, voire présentés comme ne pouvant s’exprimer qu’à moyen terme, dans un avenir indéterminé et d’une manière relativement floue. On est donc très loin de la réalité sordide des dealers que voulait montrer The Wire ou de celle des drogués errant au coin de la rue dans The Corner. Et à des années-lumière des junkies de Requiem for a Dream, de Las Vegas Parano ou de 99 francs finissant avec un bras en moins ou la cervelle en bouillie.


Rejoignant le constat fait depuis longtemps par David Simon, un excellent article paru dans Le Monde daté du 24 novembre montrait comment le trafic de stupéfiants est devenu “partie intégrante de l’économie d’une partie des quartiers défavorisés“.

L’eau ferrugineuse

Prenant exemple sur la levée de la Prohibition par le président Roosevelt en 1933, certains font valoir que la légalisation des drogues dites douces pourrait constituer une solution, en réduisant l’intérêt du trafic. Une motion en ce sens a été rejetée par 56% des électeurs californiens lors des élections de mi-mandat au début du mois, malgré un puissant lobbying (quoique tardif) et un usage déjà autorisé dans le cadre médical. Cela témoigne des interrogations qui entourent la toxicomanie et de la difficulté de trouver un terrain d’entente sur un sujet qui demeure particulièrement sensible.

Concernant les drogues dites dures, l’injection supervisée dans des “salles de shoot” reste à l’état de simple réflexion de ce côté de l’Atlantique, malgré l’aval de l’ex-ministre de la Santé Roselyne Bachelot et la présentation récente des conclusions d’un an d’étude réalisée par l’association des élus pour la santé publique et le territoire. L’objectif de cette initiative, en termes de santé publique, est de réduire les surdoses et les infections par le VIH ou l’hépatite, tout en offrant une véritable passerelle vers le soin médicalisé.

Comme le déclarait récemment le professeur David Nutt, ancien conseiller du gouvernement britannique sur les drogues, ce serait d’ailleurs l’alcool le mauvais élève, car “plus nocif que certaines drogues illégales comme l’héroïne ou le crack, si l’on tient compte de ses effets autant sur les individus que sur l’ensemble de la société“. Si le petit joint qu’on s’allume histoire de se détendre bénéficie toujours d’une représensation assez “cool”, c’est paradoxalement l’alcool qui traîne la plus sale réputation du paysage audiovisuel américain. Malgré tous les efforts esthétiques de Matthew Weiner pour l’habiller d’une robe plus distinguée, il demeure le plus souvent associé à la notion de déchéance.

Jack Shephard (Lost) devient une épave après s’être évadé de l’île des disparus en traînant le boulet de ses remords derrière lui. Abby Lockhart (E.R.) peine à prendre des distances définitives avec le goulot, tiraillée qu’elle est entre sa mère bipolaire, ses patients déprimants et ses amours contrariées. Bree Van De Kamp (Desperate Housewives) noie le chagrin de la perte de son époux et le tracas causé par les déboires de ses enfants indisciplinés dans une bouteille de blanc… par jour. Quant au clan Gavin de Rescue Me, la bouteille leur sert de tuteur et ses membres obéissent au vieux diction du “hair of the dog“.

Un verre, c’est trop. Trois verres, ce n’est pas assez


Les héros de séries télévisées ont souvent l’alcool mauvais, et rares sont les fictions à oser encore jouer la carte des vertus euphorisantes et désinhibantes d’un bon tord-boyaux, si ce n’est dans le pur registre comique comme l’illustre Raj (The Big Bang Theory) à qui il suffit de croquer dans un baba au rhum pour perdre toute gêne vis-à-vis de la gente féminine. Faut-il voir dans cette timidité générale une perte de l’innocence de l’alcool, accusé numéro un des accidents de la route, pointé du doigt par des campagnes publicitaires à vous donner froid dans le dos (”Tu t’es vu quand t’as bu ?“). L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, vous prévient-on en vous vantant hypocritement les mérites d’une bière. C’est en premier lieu un problème sociétal pris en charge par de multiples associations telles que les Alcooliques anonymes, dont les fameuses réunions en cercle ont été déclinées sous toutes les formes possibles et imaginables à la télévision.

Il n’en fallait pas plus pour susciter la parodie, à commencer par celle proposée par True Blood dont le lancement s’accompagna en 2008 de fausses publicités vantant les mérites d’une boisson à base de sang synthétique inventée par des scientifiques japonais: le Tru Blood. La boisson comme palliatif aux pulsions les plus irrépressibles de l’être humain (”Real blood is for suckers“), voilà un concept audacieux… et l’on peut dire que la vaste campagne de marketing virale organisée autour de la nouvelle série d’Alan Ball sur HBO aura largement atteint son but ! Ce sont les producteurs de houblon qui ont dû se frotter les mains.

Lancée début 2007 sur la chaîne britannique E4, Skins faisait, elle, le pari du réalisme en montrant les comportements de certains adolescents à l’égard de l’alcool et de la drogue. Pour justifier les abus commis, les créateurs Jamie Brittain et Brian Elsley présentaient des jeunes de Bristol qui cherchaient à oublier leur situation familiale difficile en se réfugiant dans le binge drinking (la cuite immédiate), pratique importée de Grande-Bretagne. La série fut, paraît-il, à l’origine d’un phénomène dans les soirées de jeunes. Admettons. Mais il semble que ceux-ci n’aient pas attendu la diffusion de celle-là pour expérimenter la beuverie. Malgré tout, le sujet est désormais considéré de santé publique par le Royaume-Uni et l’Irlande, et pris très au sérieux par la législation française confrontée à une recrudescence des open bars et des soirées étudiantes se terminant mal.

Tous recalés au contrôle anti-dopage

Pour justifier sa toxicomanie, chacun y va d’ailleurs de son excuse qui tente de ménager sa mauvaise conscience: John Cooper (Southland), Gregory House et Jackie Peyton ont des douleurs chroniques les orientant naturellement vers la prise d’analgésiques. John Carter (E.R.) devient accro aux antidouleurs après avoir été poignardé dans le dos par un patient schizophrène. Quant à Walter White (Breaking Bad) et Nancy Botwin (Weeds), pèsent sur leurs épaules des difficultés personnelles les poussant à se couper de leurs proches et à se débrouiller par eux-mêmes: un cancer du poumon en phase terminale, un fils handicapé et une femme enceinte pour l’un, un mari décédé et deux enfants adolescents à charge pour l’autre. Autant de problèmes qui viennent se greffer à une crise financière sans précédent, rendant d’autant plus forte l’attraction de valises remplies d’argent sans avoir à braquer une banque ou à s’accoquiner avec une riche héritière d’une grande marque de cosmétique.

Weeds n’hésite pas à pousser l’hypocrisie de son héroïne (d’accord, elle était facile…) jusqu’au paroxysme lorsque l’ingénue Nancy s’insurge de découvrir des armes à feu, de la cocaïne et des filles transiter par le tunnel caché dans la remise de la boutique de prêt-à-porter pour femmes enceintes dont elle assure la couverture. Du shit ? “Bien…” De la coke ? “Pas bien !“. Il y aurait donc une gradation dans l’acceptable, alors qu’au risque de passer pour un rabat-joie on pourrait faire valoir que tout produit modifiant la perception et la conscience de l’homme n’est pas libérateur mais aliénant. Là encore, le débat est ouvert et les arguments qu’offraient Charles Baudelaire dans les Paradis artificiels ou encore Henri Michaux dans Connaissances par les gouffres sont recevables.
Le Monde des Séries


La députée de Nogent revient au gouvernement

Marie-Anne Montchamp, porte-parole de République solidaire, le mouvement de M. de Villepin, a été nommée hier soir secrétaire d’État auprès de la ministre des Solidarités et de la Cohésion sociale.
LAURE PARNY ET DENIS COURTINE

C’est la deuxième fois qu’elle entre au gouvernement. Hier soir, Marie-Anne Montchamp a été nommée secrétaire d’État auprès de la ministre des Solidarités et de la Cohésion sociale, Roselyne Bachelot. A 53 ans, la députée UMP de la 7e circonscription (Nogent, Joinville, Saint-Maur-Ouest, Champigny-Ouest), qui va laisser son siège au maire de Joinville (voir encadré), retrouve ainsi l’un de ses domaines de prédilection.

A l’Assemblée nationale, elle appartenait à la commission des Finances et avait été nommée rapporteuse sur le budget de la Sécurité sociale. Un temps pressentie pour occuper les fonctions de ministre de la Santé, Marie-Anne Montchamp redevient finalement secrétaire d’Etat et devait définir hier le périmètre de ses fonctions.
Elle avait déjà été secrétaire d’État aux Personnes handicapées, dans le gouvernement Raffarin, en 2004 et 2005. « Cette mission s’inscrit dans la continuité de mon engagement constant au service des plus fragiles et de ceux qui peinent à trouver leur place dans notre société, commentait hier soir la nouvelle secrétaire d’Etat dans un communiqué. C’est donc avec conviction et émotion que je mènerai, avec Roselyne Bachelot-Narquin, ce chantier majeur pour créer et promouvoir de nouvelles formes de solidarités. »

La porte-parole de République solidaire, le mouvement politique fondé, avec elle, par Dominique de Villepin, le 19 juin, signe ainsi son retour dans les petits papiers de l’UMP. Un coup dur pour l’ancien Premier ministre. Marie-Anne Montchamp aurait d’ailleurs pris ses distances avec lui lors de la polémique qu’il avait provoquée la semaine dernière sur Nicolas Sarkozy. « Elle marche sur des œufs depuis quelque temps, n’ose plus par exemple prendre position contre Jacques JP Martin », commente Michel Gilles (Nouveau Centre), à ses côtés sur la liste qu’elle avait menée lors des dernières municipales contre le maire UMP de Nogent.

Lui, en tout cas, la déteste toujours autant. « Ceux qui ont pris la décision de la nommer ont fait une grave erreur, estimait hier soir Jacques JP Martin. Je les avais pourtant prévenus. Ils pensent peut-être qu’ils font une prise de guerre à Dominique de Villepin. Mais on ne peut pas récompenser une attitude qui relève de la traîtrise. Je connais cette femme depuis longtemps. Elle n’est pas fiable. Encore moins dans un gouvernement. Ceux qui l’ont nommée se sont fait bluffer. Je leur souhaite bon courage pour gérer une telle recrue. » Marie-Anne Montchamp n’a pas souhaité répondre hier soir aux propos du maire de Nogent.



mercredi 24 novembre 2010

Témoignages
Il y avait eu des blagues pas toujours drôles avant, quelques gestes un peu déplacés, les autres étudiants ont fait semblant de ne rien voir, c’était mon prof…

La honte doit changer de camp !


CHAQUE ANNÉE EN FRANCE, PLUS DE 198 000 FEMMES SONT VICTIMES DE VIOL OU DE TENTATIVE DE VIOL.
75 000 SONT VIOLÉES.
JE SUIS L’UNE D’ELLES, JE PEUX ÊTRE L’UNE D’ELLES


Chaque acte sexuel forcé est un instrument de déshumanisation. Il est une négation de notre volonté, le mépris de notre consentement. Les hommes ne sont pas plus que les femmes régis par des « pulsions sexuelles irrépressibles ». Le viol n’a rien à voir avec un désir soi-disant incontrôlable.
Il est une humiliation, une appropriation, une domination des hommes sur le corps et le sexe des femmes et des filles. Plus de 75 000 femmes violées par an : il ne s’agit pas seulement d’une somme de crimes isolés, à classer dans les faits divers, mais une marque que notre société reste profondément inégalitaire dans les relations femmes-hommes.
Sous l’effet de la peur, de la pression de notre entourage, de la volonté d’oublier, une majorité d’entre nous n’a pas porté plainte. Nous dénonçons la tolérance de notre société vis-à-vis du viol. En France, on estime que seulement 2% des violeurs sont condamnés.
Nous dénonçons la stigmatisation des victimes de viol qui doivent trop souvent affronter dénégations, accusations et rejet. Nous refusons de nous laisser culpabiliser sur notre tenue, notre comportement, nos fréquentations. Aucune honte ne doit peser sur nous. Nous devons être entendues sur ce que nous avons subi. Le viol est un crime. Les agresseurs doivent être jugés et condamnés.
Une femme sur 10 a été violée ou le sera au cours de sa vie. Dans 8 cas sur 10, l’agresseur est connu de la victime. Le viol n’est pas une fatalité. Il est le signe d’une société profondément sexiste.
Cette réalité peut changer. Cette réalité doit changer !
Nous refusons que la peur du viol imprègne notre quotidien et nos comportements. Nous voulons être pleinement libres dans l’espace privé et dans l’espace public.

SIGNEZ LA PÉTITION !


Nous exigeons :

Des moyens financiers supplémentaires des pouvoirs publics pour la prise en charge des victimes ainsi que pour soutenir les associations qui luttent au quotidien contre les violences faites aux femmes.
Une prise en charge des soins à 100 % pour les victimes lorsqu’elles sont majeures et la gratuité des soins pour les mineures, aujourd’hui insuffisamment appliquée.
Une formation des professionnels des secteurs social, judiciaire, médical, éducatif à la prise en compte des violences sexuelles et sexistes : dépister, prendre en charge, réprimer, prévenir.
Des campagnes d’information et de prévention des violences sexuelles en direction du grand public notamment à l’école, dès le plus jeune âge.
Un jugement des crimes sexuels exclusivement en cour d’assises.
Une enquête systématique à la suite des plaintes pour crimes ou délits contre la personne.

Vous avez été victime ?
Pour être aidée, tout en gardant l'anonymat, vous pouvez appeler la permanence téléphonique : Viols Femmes Informations
0 800 05 95 95
du lundi au vendredi de 10 à 19 heures, appel gratuit pour toute la France, y compris les DOM/TOM.

Vous avez été victime de viol, ne restez pas seule, ne gardez pas le silence. Silence et secret ne profitent qu'aux agresseurs.
Cherchez de l'aide et faites valoir vos droits en contactant :
  • La police au 17
  • Viols-Femmes-Informations 0 800 05 95 95
  • Du lundi au vendredi de 10 à 19 h
  • Numéro d'appel gratuit France et Outre-Mer
Si une femme vous confie avoir été violée, vous pouvez lui dire :
  • Je crois ce que vous me dites vous êtes très courageuse de m'avoir parlé
  • L'agresseur n'avait pas le droit de vous contraindre.
  • Le viol est un crime et son auteur est seul responsable de cet acte, vous n’y êtes pour rien.
  • Vous avez raison de faire valoir vos droits, je vais vous aider à trouver de l'aide.

Marie Pezé : au chevet du travail

Son bureau est bourré de dynamite. "J'ai de quoi faire sauter toutes les entreprises françaises", prévient-elle. Boutade, évidemment, mais il y a bel et bien de la matière explosive derrière les portes de son armoire métallique. Des dizaines de dossiers sur des femmes et des hommes essorés par le boulot : secrétaires harcelées, ouvrières soumises à des cadences infernales, cadres rongés par des pulsions suicidaires... Déballés sur la place publique, ces récits feraient voler en éclats la réputation de nombreux groupes.

Mais Marie Pezé ne cherche pas à jouer aux poseurs de bombe. Elle écoute les victimes de l'horreur économique et les aide à se remettre debout. Au centre d'accueil et de soins hospitaliers (CASH) de Nanterre, elle dirige une consultation, "souffrance et travail", qu'elle a ouverte en 1997. C'était une première en France, à l'époque.

Chaque année, Marie Pezé reçoit environ 900 personnes. De ces rencontres, la psychanalyste et docteur en psychologie a tiré un livre terrible, Ils ne mouraient pas tous mais tous étaient frappés (Village mondial, 214 p., 17 euros). Son titre est le même que celui du documentaire de Marc-Antoine Roudil et Sophie Bruneau, sorti en salle en 2006. Le film présente plusieurs entretiens entre salariés et cliniciens enregistrés dans des consultations spécialisées - dont celle du CASH de Nanterre.


  
Dès les premières lignes, Marie Pezé met en garde le lecteur : "Vous n'en sortirez pas indemne." Elle a raison. Page après page, elle décrit une "orgie de violence sociale". Il y a Carole, secrétaire sous les ordres d'un chef obsessionnel, qui exige que les timbres soient collés à quatre millimètres du bord de l'enveloppe. Ou Eliane, délogée de son poste d'assistante après un congé-maternité, qui se "débat" pour retrouver sa place. Malgré tous ses efforts, la DRH refuse de lui accorder la moindre promotion. Sous le choc, Eliane fait un malaise à la sortie de son entreprise ; le SAMU ne parviendra pas à la réanimer...

Difficile à croire. Et difficile de s'en remettre. D'ailleurs, Marie Pezé ne s'en est pas remise. Face à toutes ces situations d'urgence, son corps a réagi : perte de l'usage du bras droit, effacement du goût et de l'odorat... Une longue dégringolade "dans le trou noir de la décompensation". Pour retrouver la sensibilité de ses doigts, elle a pétri de la terre. De cet exercice sont, peu à peu, sorties des représentations de corps torturés par la douleur. Ceux qui la connaissent bien parlent avec admiration des "visages" qu'elle a façonnés.

Aujourd'hui, Marie Pezé va beaucoup mieux. Mais elle a toujours au fond de sa poche un petit boîtier transparent rempli de comprimés oblongs. Une prise "toutes les trois heures", soupire-t-elle, avant de faire passer la pilule avec un verre d'eau.

Au départ, rien n'indiquait que cette femme au beau visage, éclairé par deux yeux bleu myosotis, s'intéresserait, un jour, aux éclopés du "productivisme". Sa carrière a démarré fin 1973 au CASH de Nanterre, dans le service d'un chirurgien de la main. Pendant des années, elle a accompagné des personnes victimes de lésions. Puis des patients d'un nouveau type ont débarqué à partir des années 1990 : des caissières, des employées de crèche qui se plaignaient de douleurs aux bras, à la nuque, etc. "Je ne comprenais pas ce qui se passait, il me manquait des concepts", raconte-t-elle. Elle se plonge dans les livres de Christophe Dejours, qui occupe alors la chaire de psychologie du travail au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM). "Ce fut une illumination."

Marie Pezé réalise que l'organisation du travail peut être "pathogène". Au-delà de quelques hiérarques retors sévissant ici et là, le fond du problème, selon elle, se situe dans "l'idéologie managériale" qui se propage dans le monde de l'entreprise. Les salariés sont de plus en plus seuls et assujettis à des objectifs qu'ils ne peuvent pas atteindre, souligne-t-elle.

Progressivement, la consultation qu'elle assurait au CASH de Nanterre se réoriente vers les pathologies du travail. "J'ai pris la tangente", résume-t-elle. Un peu comme sa grand-mère, bergère dans un village troglodyte du Piémont italien, qui décida d'émigrer vers la France, à l'âge de 20 ans, avec quatre enfants sous le bras. La famille s'installe dans la région de Cannes. De condition modeste, le père et la mère de Marie Pezé furent longtemps employés comme domestiques dans une riche propriété.

Leur fille cadette est montée à Paris pour poursuivre ses études. En 1980, elle soutient sa thèse de doctorat, sur l'Approche psychosomatique des lésions en chirurgie de la main. Un savoir aussi pointu pourrait servir à épater la galerie, tenir à distance. Marie Pezé témoigne, au contraire, d'une qualité d'écoute qui frappe ses interlocuteurs - amis, relations de travail ou patients. "Elle est posée, calme, toujours disponible, patiente", énumère une ancienne salariée de l'industrie chimique, suivie à Nanterre pendant près de deux ans.

Dans sa pratique quotidienne, Marie Pezé a tricoté un réseau avec toutes sortes de partenaires : inspecteur du travail, médecin traitant, caisse primaire d'assurance-maladie... Ce "travail de lien" évite à des salariés en souffrance d'être ballottés d'un service à un autre. Pour enrichir sa réflexion sur la prise en charge des patients, elle s'implique dans un petit groupe informel qui réunit divers spécialistes : avocat, médecin du travail, etc. Aujourd'hui, une vingtaine de consultations existent en France, calquées, peu ou prou, sur le modèle de la structure fondée à Nanterre. Marie Pezé a ouvert une voie.

"Ce qu'elle fait est très original mais son discours sur l'organisation du travail est un peu taillé à la serpe. Elle se situe dans une dénonciation qui n'aide pas les acteurs à modifier leurs pratiques", juge Damien Cru, professeur associé d'ergonomie à l'Institut des sciences et techniques de l'ingénieur d'Angers (Istia).

La psychanalyste n'hésite pas à prendre position sur certaines politiques publiques. Rendu en mars, le rapport de Patrick Légeron, psychiatre, et de Philippe Nasse, vice-président du Conseil de la concurrence, préconise la construction d'un "indicateur global" sur le stress professionnel. Une idée reprise par le gouvernement. "Le chiffrage, la quantification vont lisser encore la compréhension de la situation", craint-elle.

Mais l'important n'est sans doute pas là pour les patients de Marie Pezé. Bon nombre d'entre eux préfèrent exprimer leur reconnaissance. "Elle m'a rendu à ma féminité, assure Fatima Elayoubi. Elle a réparé mon âme." Proche de la soixantaine, une femme, qui ne souhaite pas dévoiler son identité, confie : "Je lui dois la vie."
Bertrand Bissuel

Parcours

1951
Naissance à Cannes (Alpes-Maritimes).

1973
Commence à travailler à l'hôpital de Nanterre.

1980

Soutenance de sa thèse.

1997
Ouverture de la consultation "souffrance et travail".

2007

Nommée expert près la cour d'appel de Versailles.

2008

Sortie d' "Ils ne mouraient pas tous mais tous étaient frappés".


Article paru dans l'édition du 16.09.08
Mal-être et malaise dans la psychiatrieMidi-Pyrénées
Pierre Challier et Sébastien Barrère

le 24/11/2010
Manque de moyens, pénurie d'infirmiers, dérives du discours sécuritaire, exigences de rentabilité: la politique de santé rend malades les soignants du secteur psychiatrique.

Le malaise dans la psychiatrie ? Patent dès le premier coup de fil. « Comprenez-moi. C'est déjà dur tous les jours au boulot... si je vous parle, je vais en prendre plein la gueule et j'ai une famille, des enfants… » répond la voix d'infirmier qui décline le rendez-vous. Ambiance…

Un cas isolé ? Voire. Car secret de polichinelle, aujourd'hui, l'institution psychiatrique va mal en France. Et Midi-Pyrénées n'échappe pas à la règle. L'approche humaniste qui prévalait depuis l'après-guerre ? La «rentabilité» veut la ranger au rayon « souvenirs ».

« On attend de plus en plus de soignants de moins en moins formés. Une psychiatrie sécuritaire. », résume ainsi Roland Cazeneuve. Qui, à l'instar de ses collègues, n'a jamais signé pour « ça ». Lui ? Il est cadre de santé à l'hôpital de Lannemezan et infirmier psychiatrique depuis 1978. à 54 ans, il appartient à la génération qui a passé un diplôme spécifique pour exercer son métier. « Mais depuis 20 ans, la politique d'austérité veut qu'on ne forme plus d'infirmiers psychiatriques, ce qui a aussi été un moyen de s'attaquer à la psychiatrie publique » explique-t-il.

Alors concrètement… « Le soignant fait ce qu'il peut » poursuit-il comme certains jours l'infirmier «généraliste» se retrouve seul avec deux aides-soignants pour 25 malades. Et qu'à la formation insuffisante, au manque de psychiatres, au déficit de lits, s'ajoute désormais la tension constante de l'urgence.

« Le souci, c'est l'intensification des hospitalisations dans un contexte de raccourcissement des temps de séjour. On ne voit plus les malades qu'en situation de crise et la crise passée, ils ressortent jusqu'à la prochaine.

Or la psychiatrie, ça ne se résume pas à des cachets et à une camisole chimique : il faut du temps. Pour écouter le patient, entamer de vrais soins; pour que les équipes parlent de chaque cas notamment lorsqu'elles se transmettent le service.

Or ce temps-là, on ne l'a plus, d'où les risques d'erreur, la mise en danger potentielle des malades et les personnels épuisés, aussi. », détaille Roland Cazeneuve, notant comme tous « la dérive sécuritaire » vers laquelle on veut entraîner la psychiatrie, sans l'avouer, comme on recriminalise le malade mental.

Du coup « pleins de collègues écœurés partent vers le libéral » constate-t-il. Ou craquent dans des locaux dépassés, vétustes. « Redonner du temps, humaniser les lieux, reformer des spécialistes : l'urgence, elle est là», conclut-il.
Pierre Challier

La phrase
«Sur 10 personnes hospitalisées dans mon service psychiatrique à l'hôpital Marchant, neuf le sont d'office » Gérard Rossinelli, médecin psychiatre.

Le chiffre : 6 %Selon un rapport de l'Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé, 6% de la population française aurait connu des troubles anxieux. 1,2 million de personnes bénéficient d'un suivi psychiatrique.


Marchant : 38e jour sous la tente
Des tentes, une caravane, un barbecue… L'entrée de l'hôpital Marchant, route d'Espagne à Toulouse, ressemble depuis cinq semaines à un campement de fortune. Pour protester contre la réforme des retraites, le personnel a décidé de « squatter » les lieux jour et nuit (1). « Cette action nous donne une certaine visibilité, explique Cyril Moulin, infirmier en psychiatrie. Beaucoup d'automobilistes klaxonnent en passant devant le camp en signe de solidarité ou nous donnent du bois pour alimenter le brasier. »

Des revendications sur les conditions de travail sont venues se greffer à la contestation contre la réforme des retraites. « Nous avons obtenu quelques avancées après de longues discussions avec la direction, reconnaît Claire, infirmière en psychiatrie. Mais, selon nos calculs, cinquante-quatre postes sont encore à pourvoir. »

Ces salariés « en colère » ont rendez-vous aujourd'hui avec Xavier Chastel, directeur de l'Agence régionale de la santé (ARS), et espère obtenir satisfaction. « Nous manquons cruellement de moyens financiers et humains, souligne Isabelle Morère, éducatrice spécialisée. C'est peut-être anecdotique, mais, dans mon service de pédopsychiatrie, les enfants ne peuvent plus manger de kiwis parce que les cuillères en plastique se cassent. »

Selon les syndicats, seuls 4 infirmiers veillent sur les patients du service long séjour, qui compte 47 lits. « Cette politique de rigueur a des répercussions dramatiques sur la qualité des soins dispensés », poursuit Isabelle Morère.

La grogne du personnel de Marchant pourrait se répandre aux autres hôpitaux toulousains. Des agents du service cardiologie de l'hôpital Rangueil et des aides-soignants de l'hôpital des Enfants de Purpan dénoncent également la « dégradation » de leurs conditions de travail.

Alors qu'il passera ce soir sa 38e nuit sous la tente, le personnel de l'hôpital Marchant assure qu'il fêtera « Noël au campement si rien ne bouge ».
Sébastien Barrère

(1) La direction de l'hôpital Marchant n'a pas souhaité s'exprimer.


L'expert : Gérard Rossinelli, psychiatre, expert auprès de la cour d'appel de Toulouse.

« Le syndrome Kleenex »


Le malaise de l'hôpital toulousain est-il symptomatique du malaise de la psychiatrie hospitalière en France ?


Oui. Le malaise est national. la psychiatrie hospitalière souffre en quelque sorte du syndrome Kleenex. On pleure mais on ne fait rien. Depuis la loi de juillet 2009, tout ce qui est médical est en quelque sorte inféodé à la maîtrise comptable des dépenses. Il y a incontestablement un manque de moyens. Quand quelqu'un arrive de lui-même aux urgences psychiatriques, l'hospitalisation se fait majoritairement dans les cliniques car l'hôpital est saturé.

Les personnels évoquent un manque de respect ou de reconnaissance ?


Un infirmier psychiatrique assume une charge difficile, travaille en 3x8, et, en effet, ne se sent pas vraiment considéré. La pression est forte, et puis ils ont le sentiment que la société est plus encline à occulter la folie, à la stigmatiser ou la pénaliser plutôt qu'à la soigner. Il est de plus en plus difficile de faire quitter l'hôpital à des malades.

Quelles seraient selon vous les solutions ?


Il faut réfléchir à une loi de santé mentale. Elle doit prendre en compte la spécificité de la psychiatrie dans ses différentes composantes. Les malades mentaux, plus fragiles et vulnérables, doivent être mieux considérés.


Ailleurs dans le Grand Sud


Dans le Tarn, le plus gros établissement psychiatriqu, la fondation Bon Sauveur à Albi (1 300 salariés), suit déjà un plan de retour à l'équilibre. L'établissement va avoir du mal à financer les 90 postes réglementaires nécessaires pour l'unité pour malades difficiles (UMD). Les Hautes-Pyrénées disposent d'une offre importante en matière de lits. Mais l'alternative à l'hospitalisation est plus faible (26 %) que sur le plan national (30 %).

La démographie médicale inquiète aussi avec des médecins âgés. En Ariège, le service psychiatrie est regroupé au CHAC (centre hospitalier Ariège-Couserans). Les conditions d'hospitalisation sont souvent dénoncées par les patients. L'Institut Camille Miret, à Leyme dans le nord du Lot, regroupe tout le secteur psychiatrique.

Sur Cahors, l'institut a ouvert des appartements thérapeutiques et un hôpital de jour pour adultes. La structure est l'un des plus gros employeurs du Lot avec 850 salariés. Au mois d'août, les délégués CGT de l'établissement avaient critiqué le manque de moyens. Dans l'Aveyron, le secteur pèse 850 salariés, 310 lits à l'hôpital Sainte- Marie de Rodez et 20 à Millau. Là encore, comme partout, sont pointés : le manque de moyens, le vieillissement des personnels médicaux et le problème du recrutement.

mardi 23 novembre 2010

"Le handicap psychique déstabilise le monde du travail" débat avec Claire Le Roy-Hatala, sociologue des organisations et spécialiste du handicap
Chat modéré par Audrey Garric
19.11.10
Quelles sont les obligations des entreprises françaises en matière d'emploi de personnes handicapées ?

Claire Le Roy-Hatala : La loi, pour être rapide, dit que les entreprises de plus de 20 salariés doivent employer 6 % de travailleurs handicapés, dans le privé et dans le public.

Mais, pour répondre à cette loi, le législateur a prévu différentes modalités : soit le versement d'une contribution à l'Association de gestion des fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph), soit l'emploi direct de 6 % de personnes handicapées, soit la signature d'un accord avec les partenaires sociaux, soit la signature d'une convention avec l'Agefiph pour le privé ou le Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (Fiphfp) pour le public. Et l'autre obligation est la négociation annuelle avec les partenaires sociaux.

Enfin, depuis le 1er janvier 2010, les établissements non accessibles sont pénalisés financièrement.

Quelles conditions faut-il remplir pour pouvoir être considéré comme travailleur handicapé ?

Il faut avoir un certificat médical et passer devant la CDA (Commission des droits et de l'autonomie) au sein de la MDPH (maison départementale des personnes handicapées).

Les employeurs ne prennent en compte dans leur politique du handicap que les personnes qui ont cette reconnaissance de leur handicap par la MDPH. Or, un certain nombre de personnes ne souhaitent pas faire la reconnaissance de leur handicap, ou même communiquer cette reconnaissance dans leur entreprise, par peur d'être stigmatisées ou discriminées.

Pensez-vous que la loi du 11 février 2005 qui renforce l'obligation d'employer 6 % de personnes handicapées a rempli ses objectifs ?

Si on estime que l'objectif de la loi était qu'un plus grand nombre d'entreprises se mobilisent sur l'emploi de personnes handicapées, on peut dire que la loi a partiellement atteint ses objectifs, dans la mesure où il y a de moins en moins d'établissements qui ne font rien du tout sur la question de l'emploi, et qu'il y a de plus en plus d'établissements qui ont eu au moins une action en faveur de l'emploi des personnes handicapées.
On voit qu'il y a une petite augmentation et, d'après les derniers chiffres, 58 % des entreprises ont employé directement un travailleur handicapé.
En revanche, si on estime que la loi a rempli ses objectifs en matière d'inclusion, c'est-à-dire au sens d'un monde du travail totalement inclusif et capable de prendre en compte les besoins spécifiques des personnes handicapées, le bilan est plus mesuré.

Quels sont les freins qui persistent à l'emploi des personnes handicapées ?


Il y a un frein principal : la méconnaissance du handicap. On s'imagine que la personne handicapée est forcément lourdement handicapée et nécessite un aménagement de poste important.

Autre frein : cette reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH), qui est un frein pour les personnes et pour les entreprises, qui du coup se donnent pour objectif de prendre en compte uniquement les personnes qui ont le RQTH.

Quel est le principal enjeu selon vous, obtenir l'emploi de tous ou l'égalité au sein de l'entreprise ?


Il me semble qu'aujourd'hui l'enjeu pour les entreprises est peut-être de progresser dans la compréhension qu'elles ont de la loi, et peut-être envisager que cette obligation soit un levier et non un objectif en soi. C'est un moyen que le législateur donne aux entreprises pour atteindre l'égalité.

Les entreprises françaises sont-elles de piètres élèves en matière d'emplois de personnes handicapées ? Quelles sont les dispositions à l'étranger ?

La France est finalement dans une moyenne au niveau européen, sachant que la comparaison est difficile car il y a des pays qui n'ont pas de politique de quotas. On observe en gros qu'il y a des pays qui ont des logiques plus inclusives où l'objectif est la non-discrimination, et où finalement le handicap se fond dans le droit commun et, du coup, cela banalise le handicap dans l'emploi.

On observe dans ces cas-là que cela favorise l'emploi des personnes handicapées, avec peut-être une nuance : ces politiques-là sont-elles efficaces pour les personnes qui sont lourdement handicapées ?

Et il y a des pays qui ont des politiques de quotas plus ou moins respectées et, en fait, c'est souvent associé au montant de la pénalité en cas de non-respect de la loi. Je pense notamment à l'Allemagne ou à l'Italie, qui sont plus dans une logique de discrimination positive, dont on peut se poser la question de l'efficacité à long terme.

A-t-on connaissance des perspectives d'évolution des carrières des personnes handicapées ? Peuvent-elles évoluer ou restent-elles bloquées à des postes subalternes ?

C'est une réalité du monde du travail : les personnes handicapées aujourd'hui évoluent moins rapidement que les salariés non handicapés. Elles se heurtent à un plafond de verre, comme les femmes dans le monde du travail, et à un décalage de rémunération.

Vraisemblablement dans les années à venir, c'est l'enjeu pour les entreprises quelles qu'elles soient : assurer la durabilité et la pérennité de l'emploi des personnes handicapées, notamment en leur garantissant une évolution de carrière comparable aux autres salariés.

Ne pensez-vous pas qu'en matière d'insertion professionnelle on ne cherche pas à orienter certaines personnes handicapées dans des types d'emplois que l'on qualifie plus "accessibles" ou plus "à leurs portée" ? Est-ce que l'on peut parler alors de discriminations ?

Tout à fait. C'est une tentation humaine que de se dire : à un type de handicap va correspondre un type de postes.

Parce que c'est rassurant. Et avec cette logique, on a enfermé des personnes dans des parcours professionnels qu'elles n'ont pas choisis, et on a entretenu les stéréotypes tels que : une personne aveugle fera un très bon kiné, et une personne sourde fera un très bon comptable. Cela va complètement à l'encontre de la démarche inclusive, qui vise à inverser la logique et de se dire : il faut que raisonnablement on donne les moyens aux personnes handicapées d'aller vers le choix professionnel qui leur convient.

Est-ce que les travailleurs handicapés sont vraiment moins bien payés que les valides ? Et si oui, comment cette situation s'explique-t-elle ?

Statistiquement, les personnes handicapées ont des niveaux de rémunération légèrement inférieurs aux personnes valides, en tout cas dans certaines grandes entreprises. Ce que l'on peut faire comme hypothèse, c'est que, d'une part, l'entreprise n'arrive pas à faire évoluer les personnes handicapées de la même manière — je pense notamment à l'accès à la formation.

D'autre part, vraisemblablement, les personnes handicapées ont moins de revendications ou simplement d'attentes vis-à-vis de l'entreprise au niveau salarial et de l'évolution, dans la mesure où elles estiment parfois avoir déjà de la chance d'être embauchées.

Enfin, troisième élément : globalement, les personnes handicapées sont beaucoup moins diplômées et ont un niveau de formation beaucoup moins élevé que la population non handicapée.

Seuls 4 % des personnes handicapées sont diplômées des grandes écoles. L'action des entreprises ne doit-elle pas se situer en amont, notamment via des partenariats avec l'éducation nationale ?

C'est une tendance actuelle très forte, qui concerne aujourd'hui essentiellement de grandes entreprises mais qui tend à s'élargir à d'autres : justement, travailler à des partenariats entre les grandes écoles et les entreprises, entre les universités et les entreprises, pour favoriser l'accès aux études supérieures des personnes handicapées.

Avec cependant la question de savoir si ce n'est pas plutôt le rôle des pouvoirs publics de garantir cet accès à la formation que celui des entreprises.

Que pensez-vous du Pôle emploi et de ses dispositifs en matière d'insertion professionnelle des personnes handicapées ?

Pôle emploi est dans une conjoncture particulière avec la fusion entre l'Unedic et l'ANPE, qui avaient des politiques assez différentes sur le handicap. L'enjeu pour Pôle emploi est de proposer une politique du handicap harmonieuse, fédératrice, qui soit à la fois à destination des personnes handicapées demandeuses d'emploi, des salariés en interne handicapés, et des entreprises qui cherchent à recruter des personnes handicapées.

Aujourd'hui, il y a une espèce de contradiction entre Pôle emploi et les Cap emploi, qui sont des opérateurs de Pôle emploi mais qui sont sous la tutelle de l'Agefiph.

Des dispositifs pour favoriser l'emploi des personnes handicapées existent, mais il est souvent difficile pour les intéressés (ou leurs familles) de les identifier et de trouver le plus adapté. Comment améliorer l'accompagnement sur ce plan ?

Il me semble que cela passera par des dispositifs de droit commun. Au lieu de devoir aller à Cap emploi ou vers des dispositifs spécialisés pour les personnes handicapées, il faudrait mettre à disposition des services d'accompagnement dans les institutions communes telles que Pôle emploi, l'hôpital, l'école, les mairies, là où tout citoyen a l'habitude d'aller au cours de sa vie.

Y a-t-il des différences de traitement entre les catégories de handicaps ?

Les catégories de handicap n'existent pas. C'est une vue de l'esprit. La MDPH reconnaît que vous êtes handicapé ou pas, elle ne reconnaît pas que vous êtes handicapé psychique, moteur, etc. Car le handicap, ce n'est pas la maladie de la personne, c'est la façon dont elle retentit dans sa vie.

Du coup, il n'y a pas une catégorie de sourds, une catégorie d'aveugles. Par exemple, deux personnes sourdes ne vont pas du tout avoir le même handicap selon qu'elles ont appris la langue des signes ou qu'elles sont oralisées, ou selon qu'elles lisent sur les lèvres et selon le niveau de surdité.

Il est donc assez difficile de comparer des catégories. Aujourd'hui, certains types de handicap qui déstabilisent plus le monde du travail — je pense aux handicaps liés à des troubles psychiques.

Quelle est la situation pour les handicapés mentaux légers, qui peuvent travailler mais ont du mal à accéder à l'emploi ? Leur handicap est souvent moins facilement "reconnu" et surtout moins pris en compte par l'employeur…

C'est exact. Le système français s'est construit de façon que l'emploi des personnes handicapées mentales ne se fasse qu'en milieu protégé, dans des entreprises adaptées ou ESAT (établissements et services d'aide par le travail). Donc l'enjeu pour demain va être de se poser la question de l'emploi de ces personnes en milieu ordinaire.

Une grande partie des travailleurs handicapés n'ont pas un handicap lourd, mais a-t-on une idée, statistique du moins, du nombre de postes adaptés et avec quel type d'adaptation ? Quelle est la part de télétravail ?
Je n'ai pas de chiffres très précis. On sait qu'il n'y a que 15 % des situations qui nécessitent un aménagement de postes. On voit donc bien que le handicap ne concerne pas que des situations compliquées d'emploi et qu'il faut aussi s'interroger sur les handicaps invisibles, variables et évolutifs, qui ne nécessitent pas, en tout cas visiblement, un aménagement de poste.

Certaines maladies sont perçues plus négativement et risquent de subir une discrimination particulière. Comment annoncer par exemple qu'on est séropositif à son employeur ?

C'est une vraie question. L'enjeu est-il de dire à son employeur qu'on est séropositif ou bien de dire qu'on a un problème de santé qui fait qu'éventuellement on a besoin de s'absenter pour voir son médecin, ou d'un aménagement d'horaires de travail, ou d'une réorganisation de sa mission ?

Dans le second cas, cela devient plus facile, et on est bien sur le handicap, et non sur la maladie de la personne, qui ne regarde pas l'employeur. Après, il faut bien reconnaître qu'il y a certains types de maladies ou de pathologies qui font l'objet de davantage de tabous : par exemple le sida, et tout ce qui touche aux troubles psychiques.

La loi n'est pas suffisante. C'est le regard sur le handicap qu'il faut changer. Quelle est la place du handicap dans une société focalisée sur la performance ?

Pourquoi les personnes handicapées ne seraient-elles pas performantes ? L'enjeu est juste l'accessibilité universelle, c'est-à-dire qu'on soit capable de penser une société qui prenne en compte la diversité des participations et qui soit moins rigide dans les modèles qu'elle propose.


La logique d'adaptation progresse chez les employeurs
LE MONDE ECONOMIE | 15.11.10 |

Depuis 1987, la loi impose aux entreprises de plus de vingt salariés d'employer 6 % de travailleurs handicapés, mais ce taux n'a toujours pas atteint les 3 %, selon le département statistique du ministère de l'emploi (Dares).

Malgré tout, à la faveur d'accords collectifs, des grands groupes et des petites et moyennes entreprises (PME) commencent à prendre en compte l'intégration des handicapés dans leur politique de gestion prévisionnelle des emplois.

Sur la période 2009-2012, EDF a prévu que 4 % de ses recrutements concerneront des personnes handicapées, avec un minimum de 60 par an.

A la Sodexo, leader mondial de la restauration collective, ce sont 200 salariés, 70 apprentis et 150 stagiaires qui doivent intégrer l'entreprise d'ici à 2011, tandis que 93 personnes seront maintenues dans l'emploi. Des efforts équivalents doivent être réalisés chez Casino, Décathlon, Generali et les Caisses d'épargne.

"Avant de procéder à des recrutements, les entreprises communiquent d'abord en interne, prévient Sylvain Gachet, directeur des grands comptes à l'Association de gestion des fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées. Il faut sensibiliser les salariés, les managers et la direction générale au handicap pour lever les craintes et les tabous."

"Dans leur recrutement, ensuite, les entreprises doivent changer leur regard, s'intéresser davantage à l'expérience et au parcours qu'aux diplômes", poursuit Sylvain Gachet. Quelque 80 % des travailleurs handicapés n'ont pas le bac, et les entreprises peinent à trouver des candidats dotés du niveau de qualification souhaité. C'est pourquoi elles sont nombreuses à mettre en place des parcours de formation diplômante.

Schneider Electric a ainsi lancé le projet Salto, en 2009, pour développer l'insertion professionnelle dans l'industrie par la voie de l'alternance. La société de services informatiques Steria, elle, propose des contrats d'apprentissage pour former des développeurs handicapés au langage Java.

Le groupe de défense Thales travaille avec des centres de réinsertion professionnelle. "Après avoir formé les éducateurs de ces établissements à nos technologies, nous proposons à des handicapés des contrats en alternance de trois ans débouchant sur un diplôme d'ingénieur, dans les domaines de l'informatique, de l'électronique ou du logiciel, et une embauche dans nos équipes", explique Gérard Lefranc, directeur de la mission insertion de l'entreprise.

RÉORGANISER LES TACHES


Trouver le profil adéquat requiert aussi, de la part des entreprises, une recherche active en collaboration avec les organismes, associations et cabinets de recrutement spécialisés. Pour rencontrer des travailleurs handicapés, la Foncière des régions, une PME du secteur immobilier, participe ainsi aux Jobdating et Handicafés - rencontres professionnelles - mis en place par l'Association pour l'insertion sociale et professionnelle des personnes handicapées.

L'entreprise doit aussi accueillir, le 19 novembre, six chômeurs handicapés dans le cadre de l'opération "Un jour, un métier en action". "Ils découvrent nos services tandis que nous pouvons identifier les profils qui pourraient nous intéresser", explique Jean-Yves Thomas, directeur des ressources humaines du groupe.

Une fois le recrutement effectué, l'accueil du travailleur handicapé passe souvent par une adaptation du poste. "En réalité, seulement 15 % des embauches nécessitent un aménagement physique du poste. Le plus souvent, il s'agit de réorganiser les tâches", précise Sylvain Gachet. Chez ERDF, filiale d'EDF gestionnaire du réseau d'électricité, des logiciels permettent de grossir les textes ou de les transformer en braille. Des portes ont été élargies pour les fauteuils roulants.

Thales a remporté cette année le prix Ocirp (acteurs économiques et handicap), catégorie "acteurs privés cotés", pour ses actions en faveur des personnes autistes et souffrant de troubles cognitifs. "Nous avons fourni aux dyslexiques et dysgraphiques des systèmes de prise de notes à reconnaissance vocale ainsi que des logiciels de lecture des textes à l'écran. Des conventions de couleur permettent aussi aux dyspraxiques de se repérer sur les systèmes électroniques", explique Gérard Lefranc.

Au-delà du recrutement, l'une des actions essentielles des entreprises en faveur du handicap réside toutefois dans le maintien dans l'emploi. En effet, 85 % des personnes handicapées le deviennent au cours de leur vie, en moyenne à 45 ans.

Il s'agit donc de s'assurer qu'elles puissent conserver un poste, grâce à des bilans de compétences, des formations ou des reclassements. "Les horaires peuvent devenir plus flexibles pour permettre aux salariés d'aller à des rendez-vous médicaux ou de faire des pauses plus fréquentes. Un budget est aussi alloué à des aides personnelles, comme l'aménagement du logement ou du véhicule. Enfin, on envisage des changements de postes", détaille Gyslaine Prost, responsable de la mission handicap d'ERDF.

Ces aménagements, Ludovic Michel, 32 ans, en a bénéficié. En 2006, un accident vasculaire cérébral paralyse la moitié de son corps, l'empêche de marcher et de parler. Impossible, alors, de poursuivre son activité de conseiller clientèle chez GDF. Après deux ans de rééducation, il se voit embauché à ERDF, au Puy-en-Velay (Haute-Loire), sur un poste administratif, où il doit renseigner les entreprises de travaux publics et les communes sur la présence de réseaux électriques. "L'équipe a été formidable, raconte-t-il. Mes collègues m'ont tenu la souris de l'ordinateur le temps que je devienne plus autonome. J'ai aussi un téléphone avec kit mains libres et le photocopieur a été installé juste à côté de mon bureau."
Ces actions en faveur de l'environnement de travail des personnes handicapées permettent bien sûr aux entreprises de respecter la loi et d'améliorer leur image en termes de responsabilité sociale. "Mais ces initiatives contribuent aussi à améliorer les conditions des autres salariés et peuvent changer le climat au sein de la société", estime Sylvain Gachet.