samedi 27 novembre 2010

Les handicapés ont-ils droit à une vie sexuelle ?
VÉRONIQUE DUBARRY adjointe verte au maire de Paris en charge des personnes en situation de handicap
25/11/2010

Comme si. Comme s’ils ne voulaient pas d’enfant, comme s’ils n’avaient pas de désir, comme s’ils n’avaient pas de peau, de cœur… Comme si les personnes en situation de handicap n’étaient que de purs esprits sans corps. Bien qu’on les réduise la plupart du temps à ce corps dit contraint. Au fond qu’est ce qui coince ? Notre propre angoisse face au flou de la frontière entre le «normal» et le «pathologique» ? Quel que soit le type de handicap, «ces gens-là» ne peuvent prétendre à une vie affective et sexuelle. Ils sont «fous» donc ne pourraient pas être conscients de leur corps et leurs pulsions seraient forcément contre-nature ; leur corps n’est pas dans la norme donc leur sexualité ne peut être «normale».

La question de la sexualité des personnes handicapées fait encore frémir, elle fait peur. Peut-être parce que notre passé collectif en la matière est effrayant : avortements forcés, périodes d’eugénisme, viols dans les institutions… Tout cela rend difficile un discours posé et serein. Sujet tabou, «effrayant», passionné… et complexe. Complexe parce que chaque situation est particulière : en fonction de chaque personne, du type de handicap, de l’âge, de la vie en établissement, à domicile… Et certaines réalités fort dérangeantes : ces aides-soignants confrontés aux pulsions de leurs malades, ces éducateurs qui racontent qu’ils sont «bien obligés d’emmener leurs pensionnaires aux putes», ou bien cette femme d’une soixantaine d’années demandant que quelque chose soit mis en place pour qu’elle n’ait plus, tous les matins, à masturber son fils handicapé mental, sous la douche…

Alors que faire ? Évidemment en parler. Parler de sexualité, d’amour, de pilule, de préservatifs. Informer, sensibiliser, décomplexer la parole. Pour tous : grand public, personnes «normales», «handicapées», parents, enfants, professionnels, que le sujet puisse être abordé dans toute sa complexité. Favoriser les rencontres. En rendant les lieux de sorties accessibles. En utilisant les sites de rencontres. Et aussi en considérant la question au sein des établissements.

Souvent créés par des parents d’enfants handicapés, les établissements ont longtemps passé sous silence la question de la sexualité puisque, comme chacun le sait, les enfants n’ont pas de sexe - même à 40 ou 50 ans. Pourtant, progressivement, on voit fleurir ici et là des initiatives : une chambre double, des cours d’éducation sexuelle, des possibilités de retrouver une intimité, à deux ou seul.

Et puis, dans certains pays européens (Belgique, Suisse…) a été mis en place un service d’assistants érotiques. Ces professionnels, spécifiquement formés, proposent des services sexuels aux personnes qui en font la demande via des associations - services pouvant être remboursés.

Oui, il peut y avoir acte sexuel mais, comme le montrent les photos de Frédérique Jouval (1), il y a surtout regards, tendresse, câlins, contact de corps à corps : parce que l’autre en me touchant me fait reprendre conscience de mon corps et de mon existence comme personne. Que l’on ait, ou pas, deux bras, deux jambes et «toute sa tête».

(1) Dans le cadre du colloque «Handicap : affectivité, sexualité et dignité», le 26 novembre à l’hôtel de ville de Paris, en partenariat avec l’association CQFD.


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