jeudi 11 janvier 2024

Interview Endométriose : un test salivaire prometteur pour réduire «l’errance des patientes»

par Marie Greco   publié le 8 janvier 2024

Dans un avis rendu ce lundi 8 janvier, la Haute Autorité de santé ouvre la porte à une commercialisation d’un test pour diagnostiquer l’endométriose. Un soulagement pour Priscilla Saracco, directrice générale de l’association Endomind, qui juge toutefois cette décision tardive.

Cela fait plus d’un an que l’Endotest est commercialisé dans une dizaine de pays d’Europe et du Moyen-Orient. Développé par la biotech lyonnaise Ziwig, le potentiel de ce test salivaire a été reconnu ce lundi 8 janvier par la Haute Autorité de santé (HAS). Elle le juge «prometteur» pour diagnostiquer l’endométriose, maladie chronique frappant environ une femme sur dix. L’autorité attend cependant de nouvelles études avant de le commercialiser et de permettre sa prise en charge en France. Priscilla Saracco, directrice générale de l’association de lutte contre l’endométriose Endomind, déplore la lenteur du processus alors qu’un retard d’en moyenne dix ans persiste entre la première apparition des symptômes de la maladie et son diagnostic officiel.

Comment accueillez-vous la décision de la Haute Autorité de santé sur l’Endotest ?

Ce test salivaire est une révolution. Parce que, pour le moment, en France, il faut subir une échographie par voie vaginale pour se faire diagnostiquer, et ce n’est pas agréable. L’Endotest sera accessible partout et ne sera pas invasif, c’est-à-dire qu’il ne touchera pas à l’organisme. Néanmoins, on déplore une décision tardive de la part de la HAS. L’Endotest est une invention française, mais on est en retard par rapport à nos voisins comme la Suisse, où le test est commercialisé et remboursé depuis 2022. C’est contre-intuitif.

Quelles sont les conséquences d’un diagnostic tardif sur la santé des femmes atteintes d’endométriose ?

Si une maladie n’est pas diagnostiquée, elle ne sera pas prise en charge. Donc, dans le cas de l’endométriose, cela peut avoir des conséquences physiques lourdes comme la chronicisation. A savoir que les femmes atteintes de cette pathologie, qui connaissent d’abord des douleurs pendant leurs règles, vont petit à petit en ressentir pendant toute la durée de leur cycle. Et cela peut entraîner d’autres troubles, notamment urinaires et digestifs. Puis, dans 40% à 60% des cas, l’endométriose entraîne des complications pour avoir un enfant naturellement. Il est donc nécessaire qu’une femme atteinte de cette maladie soit diagnostiquée tôt pour pouvoir envisager ses éventuels projets de maternité en connaissance de cause. Enfin, le diagnostic est important d’un point de vue psychologique. Il pose un terme sur des symptômes et permet aux femmes de comprendre leur histoire, pourquoi elles ont eu mal à tel ou tel moment. Sans oublier que pour avoir accès à des aides, le diagnostic est déterminant. Il permet notamment la prise en charge de certains frais médicaux et le droit à des taxis conventionnés gratuits pour se rendre à des rendez-vous médicaux, ce qui est primordial quand on habite dans un désert médical.

De nombreuses femmes atteintes d’endométriose subissent une errance de diagnostic…

Tout à fait, mais il n’existe pas de chiffre précis. La HAS dit que cela toucherait 5% des patientes. Pour nous, ce sont plutôt 10% à 20%. Mais le plus important à savoir, c’est que l’errance de diagnostic est un parcours du combattant. Certains médecins disent encore à des jeunes filles de 20 ans que la douleur est dans leur tête. Ce sont des discours anxiogènes et violents qui subsistent encore de la part du corps médical.

Comment expliquez-vous que l’endométriose est encore peu connue alors qu’elle touche de nombreuses femmes ?

D’une part, cela est dû à un manque de formation. L’endométriose est entrée dans le programme de médecine en 2020 seulement. De fait, on n’a pas encore de médecin formé et diplômé à cette maladie. D’autre part, une partie de la population voit encore cette pathologie comme «le nouveau truc à la mode». Pourtant, l’endométriose touche 2 millions de personnes et elle fatigue énormément. Ainsi, 60% des femmes atteintes de cette maladie ressentent un effet sur leur vie professionnelle. Et ce n’est pas la seule conséquence. Cette pathologie affecte également la vie scolaire, sociale, familiale et sexuelle d’une femme. On a donc encore un gros travail de pédagogie à faire pour qu’elle soit connue et reconnue.


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