lundi 24 octobre 2022

Drogues Amendement de Julien Bayou sur le cannabis : une brèche vers la légalisation ?

par Charles Delouche-Bertolasi   publié le 20 octobre 2022

Le député écologiste a déposé un amendement visant à taxer les produits du cannabis dans le cadre du vote du projet de loi de financement de la Sécurité sociale. L’occasion de relancer le débat autour de la plante et de ses dérivés.

par Charles Delouche-Bertolasi

publié le 20 octobre 2022 à 18h17

Entre 4 et 5 milliards d’euros de recettes fiscales en France (en basant nos calculs sur les chiffres du Colorado, Etat américain symbole de la ruée vers l’herbe) : c’est ce que pourrait rapporter une légalisation du cannabis dans l’Hexagone, estime le député écologiste Julien Bayou. «Légaliser pour mieux prévenir et réduire les risques», promet le député de Paris. L’ancien secrétaire général d’Europe Ecologie-les Verts a déposé ce mercredi un amendement pour la légalisation, jugé recevable par les services de l’Assemblée nationale. Sauf si le gouvernement dégaine un deuxième 49-3 sur le budget de la Sécurité sociale, le texte devrait être examiné ce jeudi ou vendredi.

«Historiquement, les écolos sont pour la légalisation. Au départ, c’est surtout la question de la sécurité qui m’intéressait autour du sujet du cannabis. Les trafics, la police qui y consacre énormément de temps et le fait que c’est une cause de la surpopulation carcérale, détaille Julien Bayou auprès de Libération. Plus je me suis renseigné, plus j’ai vu qu’il fallait l’approcher sous l’angle de la santé publique. Les études sont formelles : sur le cerveau en développement, le cannabis pose de réels problèmes.»

«Légaliser est le moyen de prévenir»

Que prévoit le texte ? Cet amendement vise à créer une taxe autour du cannabis et de ses produits qui figurerait dans le code de l’imposition sur les biens et services (CIBS), affectée à la branche «maladie, maternité, invalidité et décès» du régime général. En France, la détention et la consommation de cannabis sont régies par la loi de 1970 qui a instauré les mesures répressives, toujours en vigueur. Egalement signé par Aurélien Taché, Sandrine Rousseau et l’ensemble des membres EE-LV de l’hémicycle, cet amendement a bénéficié de son approche purement fiscale. Une manœuvre technique et habile qui a permis au texte d’être jugé recevable.

«Nous avons le taux de consommation chez les jeunes parmi les plus élevés en Europe et nous possédons la réponse pénale la plus stricte. C’est un fiasco. Pour les jeunes, il est plus simple de se procurer une barrette de shit qu’une bouteille de whisky, assure le député.Légaliser est le moyen de prévenir, de faire la prévention et d’assurer la réduction des risques.» Ce n’est pas la première fois que l’élu écologiste prend position sur ce sujet. En janvier 2022, il s’était insurgé contre la décision prise le 31 décembre 2021 par le gouvernement d’interdire les fleurs de cannabis à la vente, véritable coup de massue sur l’industrie naissante du CBD en France, le marché du cannabis non psychotrope en pleine expansion.

82 % des Français favorables à un débat

Au sein de la majorité présidentielle aussi, plusieurs élus verraient d’un bon œil une évolution des pratiques autour de la marie-jeanne. On peut citer la députée du Loiret Caroline Janvier, ou encore le député de Moselle Ludovic Mendes, tout comme le député ex-LR aujourd’hui à Renaissance Robin Reda.

En février 2021, Danièle Obono (La France insoumise), Robin Reda et Jean-Baptiste Moreau, alors député LREM de la Creuse, s’étaient entretenus avec Libération et plaidaient la légalisation du cannabis. A l’époque déjà, ils militaient pour l’ouverture d’un débat autour du statut de la plante. «Il faut se souvenir que dans son livre Révolution,Emmanuel Macron était pour une légalisation du cannabis. Aujourd’hui, l’Allemagne prépare sa légalisationJoe Biden a fait une amnistie spectaculaire en décidant d’annuler les condamnations fédérales pour consommation ou détention de cannabis, note Julien Bayou. Le débat est mûr et la population est prête pour un débat éclairé.»

En janvier 2021, à l’initiative du Collectif pour une nouvelle politique des drogues réunissant des associations telles que la Fédération Addiction, le Syndicat de la magistrature ou encore Médecins du monde, un sondage a été réalisé par l’institut CSA pour savoir ce que pensent les Français de la politique des drogues du pays. Pour 66 % des Français, la pénalisation pour usage n’est pas efficace pour lutter contre la consommation de drogues. Ils sont 69 % à considérer qu’elle n’est pas non plus efficace dans la lutte contre les trafics. Plus de la moitié des personnes interrogées sont favorables à une approche qui ne soit pas centrée sur la pénalisation et 82 % des Français contactés se disent favorables à l’organisation d’un débat sur les politiques des drogues.


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