samedi 30 mai 2020

Confinement : les mères allemandes présentent la facture

Par Johanna Luyssen, correspondante à Berlin — 
Petit-déjeuner en RDA en 1980.
Petit-déjeuner en RDA en 1980. Photo Jean-Pierre Delagarde. La Collection

«Qui prend la plus grande part dans la prise en charge des enfants?» Plus de 50% des femmes répondent «Moi seule», contre 10% des hommes. En Allemagne, un hashtag «les parents corona font les comptes» interpelle les pouvoirs publics.

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«Merci pour vos vœux fleuris à l’occasion de la fête des mères [le 10 mai en Allemagne, ndlr]. Voici ma facture!» écrit Karin Hartmann au ministère de l’Education de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, le Land où elle vit. Cette mère célibataire de trois enfants est à l’origine d’une initiative singulière en Allemagne, popularisée par le hashtag #CoronaElternRechnenAb («les parents corona font les comptes»). Il s’agit de calculer les frais de prise en charge des enfants pendant le confinement et d’envoyer la facture aux autorités. Une participante, Patricia Cammarata, réclame 22296 euros et conclut: «Je me réjouis du doublement de mes points de retraite.»
Cette initiative, qui pose également la question de la rémunération du travail domestique, a déclenché un violent retour de bâton, dans un pays où plane la figure de la Rabenmutter, la mère indigne. «Quelle horreur de ne pas pouvoir se décharger de ses enfants 40 heures par semaine comme d’habitude», ironise un internaute (masculin), quand on ne demande pas aux plaignantes: pourquoi avoir mis des enfants au monde, si c’est pour refuser de s’en occuper?
Ces zélés contempteurs ont manifesté moins d’intérêt à la publication de deux récentes études sur la condition des femmes avec enfants pendant la crise du coronavirus. Dans celle de la fondation Hans-Böckler, à la question, posée pendant le confinement, «Qui prend la plus grande part dans la prise en charge des enfants?», plus de 50% des femmes répondent «Moi seule», contre 10% des hommes. 
Les femmes sont aussi les premières concernées par les réductions de temps de travail, le constat de la fondation est sans appel: la crise du coronavirus a opéré une sorte de «retraditionalisation», un retour aux schémas traditionnels de répartition du travail en fonction du genre qui peut «renforcer les inégalités existantes en conduisant à une répartition inégale des services de garde d’enfants, et se traduire par des opportunités de carrière plus difficiles pour les femmes». Une autre étude, de l’Institut allemand pour la recherche économique, en vient aux mêmes conclusions, ajoutant: «Les mères à temps plein et à temps partiel avec un partenaire consacrent à peu près le même temps à la garde des enfants que les mères célibataires ayant un niveau d’emploi similaire.»
Pendant ce temps, à l'occasion du Muttertag, le ministère fédéral de la Famille et des Femmes tweetait: «Merci pour tout, chères mères! Ce que vous faites tous les jours est formidable –surtout en ces temps difficiles.»


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