vendredi 17 avril 2020

MAIS POURQUOI IL A UN MASQUE LUI ?

Raphaël, un jeune patient schizophrène, très angoissé et hospitalisé sous contrainte, s'agite. Il croit que Christophe, son infirmier "masqué" pour cause d'épidémie et qu'il ne reconnait donc pas, veut le tuer. La situation dérape. Germaine, une infirmière expérimentée, prend le risque de retirer son masque et parvient à apaiser le jeune homme. Elle explique pourquoi elle a dérogé aux mesures de protection pendant quelques minutes.

Mon nez me démange, l'élastique de ce fichu masque chirurgical cisaille lentement l'arrière de mes oreilles meurtries et je ne respire très mal. La journée est encore longue et bientôt, assurément, je vais m'évanouir. En attendant l’inévitable chute, je sors urgemment fumer une cigarette dans le jardin du service, honteux prétexte pour retirer cet instrument de torture étouffant. Car ce n'est pas tant de nicotine dont j'ai besoin, mais plutôt d'oxygène. J’étouffe, et avant de tomber en syncope, je tombe le masque.

De l'extérieur, j’entends au loin le brouhaha de quelques patients regroupés en salle de télévision. Depuis des semaines, les images de la pandémie tournent en boucle sur le petit écran. On y voit des services de réanimation saturés, des joggeurs improvisés, des magasins fermés, des applaudissements à 20h pour les soignants, des hôpitaux qui souffrent, des morts par milliers. On y entend aussi les rappels incessants des mesures barrières nécessaires pour freiner la progression du virus.

Actuellement, dans notre service de psychiatrie, l'atmosphère est étrange. La vie tourne au ralenti, comme dans un film catastrophe après le tsunami. Les rescapés, hagards, vont sans but dans les rues dévastées, marchent un temps puis s'assoient sur un banc épargné. Chacun se croise sans un mot, les regards sont appuyés, emplis de compassion, de crainte et d'interrogations. "Que s'est-il passé? Comment vont mes proches? Et que vais-je devenir si une deuxième vague de Covid-19 ne m'emporte pas avant?"

Il veut me tuer ?

Quand un cri retentit. Je bondis en rajustant le masque sur mon nez. Tant pis pour l'oxygène, l'urgence est ailleurs. Devant la télévision, deux patients enlacent presque tendrement un troisième. Ils rassurent Raphaël. Les angoisses de ce jeune patient schizophrène hospitalisé sous contrainte sont majeures. Il est pris de panique pour je ne sais quelle raison et s'agite fortement en me voyant entrer dans la pièce.
"Mais pourquoi il a un masque lui ? Qu'est-ce qu'il y a derrière ? Il veut me tuer ?"

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