mardi 14 avril 2020

L'engagement des patients, une deuxième vague pour bientôt ? (partie 3/3)

Publié le 10/04/20


Partie 3/3

Un modèle de déploiement en établissement émerge

Il existe une réelle marge de progression des démarches d'engagement des usagers dans les CHU français. Un modèle de déploiement est proposé aux établissements, avec cartographie de l'existant à l'appui, afin de déployer davantage les initiatives.
"La politique d'engagement des usagers dans les CHU français semble émergente : mentionnée dans tous les projets d'établissement, où le patient est parfois décrit comme "partenaire", elle est mise en œuvre notamment via les représentants des usagers et les commissions des usagers, et l'expérience du patient est mesurée, sous forme de satisfaction le plus souvent." Dans un état des lieux de la stratégie d'engagement des usagers dans la sécurité des soins publié dans la revue Risques & qualité*, une marge de progression des démarches d'engagement des usagers se dessine clairement dans les hôpitaux universitaires français car ils semblent trop peu impliqués dans les activités cœur de métier de l'hôpital, auprès des personnels soignants et des autres patients.


Dans ce travail, les chercheurs français et québécois (dont le premier auteur est Arthur Barnay, de la direction organisation, qualité, risques et usagers des Hospices civils de Lyon (Rhône)), ont adapté un questionnaire de nos cousins outre-Atlantique et laissé 50 jours aux directeurs qualité pour y répondre en équipe. Mention de l'engagement du patient, mise en œuvre, organisation, formation, indicateurs... quelque 80 questions ont permis d'identifier des aspects positifs mais avant tout liés à des dispositions obligatoires en France. Ce panorama, bâti sur du déclaratif, n'est pas surprenant, selon les auteurs. Il a surtout pour but de sensibiliser les directions des CHU français et de leur faire prendre conscience des multiples façons d'impliquer et de faire participer les usagers à leur fonctionnement.

Une cartographie de l'existant


En parallèle de cet état de lieux dans les CHU, un travail de recherche a aussi été mené par une élève-directrice d'établissement sanitaire, social et médico-social, Sylia Mokrani. À l'issue d'un stage extérieur au Canada aux côtés des professionnels à l'origine du modèle de Montréal (consulter le descriptif en partie 2) poursuivi par un projet de recherche au CHU de Nancy (Meurthe-et-Moselle), elle propose un modèle de partenariat et une méthodologie de conduite de projet pour l'implantation de ce modèle au sein des établissements. "Le déploiement peut être adapté dans n'importe quel établissement après avoir établi une cartographie de l'existant", explique-t-elle à Hospimedia.
On n'entend pas beaucoup parler de patient-partenaire.
Sylia Mokrani, secrétaire générale et directrice référente du projet de responsabilité populationnelle du GH de Haute-Saône de Vesoul

En France, beaucoup d'initiatives ont été mises en place sous l'angle de la démocratie sanitaire, avec les associations de patients et représentants d'usagers, et en parallèle avec les patients-experts dans l'éducation thérapeutique du patient et avec les patients-formateurs dans l'université des patients, argumente-t-elle. Le modèle de Montréal, "le plus abouti actuellement" selon Sylia Mokrani, s'appuie sur un patient-partenaire au niveau du soin, de la formation et de la recherche, avec un guide de recrutement des patients, une identification précise en fonction du rôle des patients et un accompagnement des équipes. Pourtant, malgré les outils disponibles, la mise en œuvre ne s'est pas réellement concrétisée dans les établissements français : "On n'entend pas beaucoup parler de patient-partenaire."

Un modèle de déploiement


Le partenariat patient dans les soins et les services que la jeune dirigeante a imaginé est donc un modèle innovant nécessitant une stratégie de déploiement en interne soutenue par la direction générale. Il s'appuie sur une démarche projet et le recrutement rigoureux des usagers. L'approche nécessite par ailleurs une pratique collaborative afin de partager les expériences et les outils mais aussi promouvoir le partenariat lui-même. Il s'agit d'inscrire la démarche dans une vision partagée. Le déploiement opérationnel interviendra alors au sein de services pilotes. Il sera suivi et évalué à l'aide d'indicateurs avant d'être déployé progressivement au sein de l'ensemble des services de l'établissement voire du territoire.

Un modèle adaptable


À condition d'adapter le vocable (de patient à résident), le modèle est tout à fait transposable au secteur médico-social, souligne Sylia Mokrani. Elle imagine ainsi des résidents experts au niveau individuel dans le projet de vie et des résidents ambassadeurs au niveau collectif pour coconstruire le projet d'établissement, participer à l'accueil des nouveaux résidents ou à l'instant repas... Il faudrait tout de même s'assurer de la compréhension du résident et ou de l'aidant, et de la phase d'intégration dans les équipes pour leur apprendre à travailler différemment dans une coconstruction (pour ne pas faire "à la place de").


Depuis le 1er janvier 2020 secrétaire générale du groupe hospitalier de la Haute-Saône à Vesoul (Haute-Saône), Sylia Mokrani est aussi directrice référente du projet de responsabilité populationnelle de son établissement (lire nos articles ici et ). L'expérimentation s'inscrit pleinement dans cette idée de coconstruction des projets avec l'ensemble des acteurs du territoire.


* Stratégie d'engagement des usagers dans la sécurité des soins par les gestionnaires : un état des lieux dans les CHU français, Arthur Barnay et al., Risques & Qualité, mars 2020

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