jeudi 11 décembre 2014

Les associations de handicapés fustigent les lacunes de l’accessibilité

LE MONDE  | Par 
Manifestation de personnes handicapées pour l'accessibilité, à Ille-sur-Têt (Pyrénées-Orientales), le 8 décembre 2014.
« Furieuses », « écœurées », les associations de personnes handicapées sont en colère et comptent bien se faire entendre lors de la Conférence nationale du handicap accueillie, jeudi 11 décembre à l’Elysée, par le président de la République.

Vingt-trois associations de handicapés, de familles et de personnes âgées, mais aussi de piétons et de cyclistes, réunies dans le Collectif pour une France accessible pour tous, dénoncent l’ordonnance du 26 septembre 2014, prise par le gouvernement de Manuel Valls. Ils reprochent à ce texte d’amoindrir les exigences d’accessibilité et de retarder l’échéance fixée par la loi du 11 février 2005 qui impose d’adapter tous les lieux, même privés, recevant du public ainsi que les réseaux de transports et les voiries, avant le 1er janvier 2015.


« Après la loi de 1975 restée lettre morte et celle de 2005 dont on recule encore l’application, cela fait quarante ans que nous attendons, et c’est inacceptable », s’insurge Nicolas Mérille, chargé du dossier de l’accessibilité à l’Association des paralysés de France (APF).

Impulsée par le président de la République d’alors, Jacques Chirac, la loi du 11 février 2005, que les députés socialistes avaient à l’époque jugée trop peu ambitieuse et refusé de voter, reste, dix ans après son adoption, bien peu appliquée. Excepté dans quelques villes exemplaires, comme Grenoble ou Nantes, la moitié des écoles ne sont pas accessibles aux personnes à mobilité réduite, comme 42 % des réseaux de transports en commun, selon le baromètre publié par l’APF en 2014. En Ile-de-France, 59 gares de RER sur 65 sont conformes, mais toujours pas le métro, excepté la récente ligne 14. Côté bus, les 63 lignes parisiennes sont dotées de véhicules à plancher bas, mais pas 89 des 274 lignes de banlieue.


« La mise en conformité, c’est loin d’être simple »


« Beaucoup de collectivités ont tardé à prendre la mesure des travaux à envisager, car c’est un immense chantier pour les communes, la SNCF ou Réseau ferré de France, estime Florent Orsoni, directeur du laboratoire Ville durable de Nantes, spécialiste de l’accessibilité. À l’échelle d’une commune qui doit, par exemple, mettre ses écoles en conformité, il lui faut coupler ce chantier avec des réhabilitations et tout concentrer sur les mois de vacances, en juillet et août, ce qui est loin d’être simple. » Quant aux commerces, restaurants, hôtels, leurs efforts sont très inégaux.

Le débat s’annonce donc tendu à l’Elysée, après le recours des associations au Conseil d’Etat contre cette ordonnance, déposé le 8 décembre, et leur appel aux parlementaires à ne pas voter la loi de ratification, d’ici au 27 février 2015. Le collectif juge trop longs – jusqu’à 10 ans – les nouveaux délais de réalisation des travaux. Il déplore, ensuite, que s’allonge encore la liste des dérogations. La loi de 2005 n’en prévoyait que trois : l’impossibilité technique, le caractère patrimonial des lieux et un motif économique.

A ces trois-là, le nouveau texte ajoute, pour les bureaux et commerces, le refus de l’assemblée générale de la copropriété dont ils font partie – « Cela exonère donc une multitude de locaux, cabinets d’avocats ou de médecins, boutiques et autres, en milieu urbain », proteste M. Mérille. Enfin, l’ordonnance prévoit, dans les transports, que seuls les arrêts dits prioritaires seront rendus accessibles, pas les autres : « On nous supprime donc le droit aux transports en commun ! », s’insurge M. Mérille.


« Marges de manœuvre »


Dans un autre cadre, celui des mesures de simplification portées par le secrétaire d’Etat à la réforme de l’Etat et à la simplification, Thierry Mandon, des allégements sont aussi prévus pour les logements neufs : ainsi, seuls 5 % (au lieu de 100 %) des logements en résidence étudiante seraient accessibles aux personnes à mobilité réduite.

L’ordre des architectes, très impliqué dans les 140 heures de concertation qui ont précédé la réforme, et qui la trouve « raisonnable », milite pour l’accessibilité universelle mais souhaite « des marges de manœuvre » dans l’application des normes : « Chaque construction est particulière, dans un site donné, et il faut pouvoir trouver des solutions techniques négociées au sein des commissions départementales », plaide Catherine Jacquot, sa présidente.

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