jeudi 20 novembre 2014

L’intelligence du nourrisson

LE MONDE DES LIVRES 
Par 
Illustration de couverture pour "Le Langage des contes", d'Elzbieta.
Quand le génie de l’enfance s’exprime, on a envie de tout noter. Quel parent n’a pas éprouvé le besoin, en entendant son bambin énoncer telle ou telle ­sentence enchanteresse, de consigner immédiatement la trouvaille par écrit ? ­Conserver ces mots, c’est garder la trace de la lucidité propre à l’enfance, de son exigence de vérité. « Le ­génie, c’est l’enfance retrouvée à volonté », disait Baudelaire. Ce génie, de Proust à Catherine Millet, la littérature s’efforce d’en reconstituer les accents. Les contes, eux, et plus généralement la littérature de « jeunesse », essaient de s’y tenir, comme à un principe absolu. Ici, l’enfance n’est pas une fantaisie légère mais une forme ­de rigueur à laquelle nous autres adultes n’avons plus accès. Une manière de préserver la multiplicité des ­expériences sensibles, la pluralité des mondes possibles.
En ces domaines, les auteurs les plus avisés sont donc ceux qui s’en remettent à l’intelligence du nourrisson. Qui y croient dur comme fer, avec une naïveté volontariste. On le vérifiera en lisant le joli ­livre qu’Elzbieta publie sous le titre Le Langage des contes(Rouergue, 128 p., 15 €).
Née près de la frontière ­russo-lituanienne, exilée en France en 1939, abandonnée par sa mère à l’âge de 3 ans, Elzbieta est l’un des grands noms de l’album jeunesse, auteure, notamment, de Flon-Flon et Musette (L’Ecole des ­loisirs, 1998). Revenant sur son itinéraire, elle tente aujourd’hui de définir l’élan qui a porté son œuvre. Avec une souveraine simplicité, elle mêle souvenirs intimes, personnages de légende (une citrouille attelée à des souris, entre autres) et références buissonnières pour mettre au jour la logique de l’enfance, sa méthode miraculeuse, ses pouvoirs illimités, qui la rendent seule ­capable de voir ce que nous avons sous les yeux. A la veille du 30Salon de Montreuil, dont « Le Monde des livres » est partenaire et dont Elzbieta est l’invitée, il faut lire ce texte ­convaincu et éclairant. Il montre ­comment le livre illustré, l’image immobile et leur « stupéfiante magie » ­restent les meilleurs ­instruments pour honorer la ­jeunesse comme « état de grâce ».

D’Elzbieta, signalons également la réédition du récit autobiographique, et illustré, L’Enfance de l’art (Rouergue, 256 p., 25,40 €).

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