lundi 7 juillet 2014

Le doux parfum de la couche-culotte (pleine)

LE MONDE | 
Par 
Selon une interprétation évolutionniste, le dégoût est un comportement qui confère un avantage aux personnes qui y sont sujettes : en s’éloignant de l’immonde, en fermant les yeux ou en se pinçant le nez, on se met à l’abri des microorganismes pathogènes.
Il est toutefois, dans la vie, des circonstances où l’on surmonte son dégoût, soit pour accéder à la sainteté en avalant les crachats de tuberculeux, soit pour accéder à son téléphone portable tombé dans les toilettes à la turque d’une aire d’autoroute. Et, en dehors de ces cas exceptionnels (mais véridiques), il arrive aussi de passer outre ses haut-le-cœur sur une base quotidienne, parce qu’il faut changer la couche de bébé.
Dans une étude publiée en 2006 par la revue Evolution and Human Behavior, une équipe australo-américaine s’est demandé si les stations répétées devant le plan à langer parvenaient à amadouer le dégoût. Pour le dire prosaïquement, s’habitue-t-on au doux parfum de la couche-culotte remplie par sa généreuse progéniture ?

Afin de le savoir, nos chercheurs ont commencé par un questionnaire distribué à 42 mamans. (N’accusons pas ces scientifiques de sexisme mais accordons-leur, au contraire, une bonne dose de lucidité : plutôt rares sont les hommes qui mettent la main à cette pâte...) Les jeunes mères devaient, de mémoire, noter leur répugnance face au derrière conchié de leur marmot ainsi que l’odeur y afférente. De 1 à 7 : 1 pour « facile, je change bébé d’une main et de l’autre je mange un osso-buco », 7 pour « je vais défaillir, passez-moi les sels, je vous passe les selles ». Il est ressorti de ce mini-sondage que le dégoût éprouvé devant la couche de son enfant était moindre que celui ressenti en changeant l’enfant d’un autre couple.
Pour le confirmer, il fallait passer aux travaux pratiques. Treize mamans ont donci été conviées au laboratoire pour une expérience olfactive. Elles devaient apporter une couche fraîchement lestée par leur bébé depuis moins de douze heures. Les chercheurs s’étaient, eux, fournis en échantillons de contrôle auprès d’un jeune producteur indépendant âgé de 16 mois. Leur stock était conservé au réfrigérateur et en était extrait deux heures avant l’expérience pour remonter à température ambiante et récupérer tout son arôme.
COUCHES ANONYMES ET « EFFET BEURK »
La couche de bébé et celle du « donneur » étaient placées dans deux seaux, pour que les femmes ne puissent pas les voir. Un dispositif leur permettait cependant de les humer à loisir. Suivant les cas, les couches étaient anonymes ou nommées... et les chercheurs intervertissaient parfois les étiquettes sans prévenir les mamans. Celles-ci testaient l’odeur et estimaient, toujours de 1 à 7, la puissance de l’« effet beurk ».
Ces dames ont, en moyenne, été nettement moins dégoûtées par l’odeur émanant des excréments de leur bébé, même quand elles ignoraient quel seau les abritait et même quand on essayait de les tromper sur la « marchandise ». On pourrait croire que ce résultat est dû au fait que le « donneur » avait des selles particulièrement odorantes mais l’expérimentateur qui a manipulé toutes les couches (quel métier exaltant !) a assuré que les échantillons de contrôle ne puaient ni plus ni moins que les autres.

Pour les chercheurs, cette baisse ciblée du dégoût peut s’expliquer de deux manières : soit les mamans sont habituées au parfum de leur petit, soit elles perçoivent dans les effluves un signal indiquant la parenté, ce qui permet de moduler leur écœurement. Instinct maternel, quand tu nous tiens par les tripes. 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire