mardi 14 août 2012

A La Pastellière, à Toulouse, l'équipe tente d'alléger les ordonnances

LE MONDE | 
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La résidence La Pastellière, à Toulouse, s'est portée volontaire en 2010 pour participer à une enquête sur la prise en charge des patients en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Baptisée Iquare, l'étude concerne 203 établissements en Midi-Pyrénées et 7 375 résidants.
Crédits : Arno Brignon pour le Monde /
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Le club restauration, qui rassemble une dizaine de résidents, s'achève et Anne-Marie Maalem ne s'est pas exprimée. Rien à dire sur les repas à La Pastellière, à Toulouse, où elle est arrivée il y a un an et demi. Mais quand une question est posée sur les médicaments, elle se lance : "Je trouve que nous en prenons beaucoup. J'en avais avant de venir, et on en a ajouté."
Cette élégante femme de 91 ans en prend six, trois fois par jour. "Mon médecin pense que c'est nécessaire à mon âge. Moi, je trouve que c'est trop." Un autre commente : "Nous n'avons pas de photocopie des ordonnances." Une réflexion courante, selon le directeur de cet établissement privé à but non lucratif.
Lucien Ruffel, bientôt 92 ans, "lecteur du Monde", a des choses à dire, en aparté : "Des médicaments, j'en prends uniquement pour la tension, mais toutes les personnes qui résident là, et qui sont relativement dépendantes, ont-elles un avis sur ce qu'elles prennent ?" Il ajoute :"Souvent, le médecin traitant établit l'ordonnance et la donne à l'infirmière, les gens ne la voient pas."
"C'EST PSYCHOLOGIQUE, JE LE SAIS BIEN"
Anne-Marie Maalem, qui reçoit dans son coquet deux-pièces, sait qu'elle prend des psychotropes. "L'hiver, toute seule dans mon petit appartement, j'angoisse facilement, alors ma petite pilule pour dormir est la bienvenue. C'est psychologique, je le sais bien, quand je suis avec mes enfants à la campagne, j'en prends moins."
L'Ehpad s'est porté volontaire en 2010 pour participer à l'étude Iquare, et le bilan transmis par l'Agence régionale de santé est plutôt mitigé. Il y a de quoi être satisfait pour les indicateurs de nutrition : les résidents sont tous pesés au minimum une fois par mois, ce qui permet d'enrichir leur alimentation en cas de perte de poids. Mais pour les médicaments, les résultats ne sont pas bons. En moyenne, ils s'en voient prescrire 8,6. Pour les psychotropes, le bilan était "très négatif", selon le médecin coordonnateur, Jean-Marc Lacaze ; 25 % des résidents en prenaient trois ou plus. "Le gérontopôle nous a aidés dans le toilettage", explique-t-il.
Si limiter les prescriptions au strict nécessaire est un objectif, la tâche est difficile, vu le nombre d'intervenants : il a affaire à 40 médecins traitants pour 88 patients. C'est la règle dans les Ehpad, chaque patient arrive avec le praticien qui le suivait jusque-là. "Des médecins assez attachés à leur liberté de prescription, comme les décrit le docteur Florence Decottignies, directrice médicale de Promoaccueil, le groupe auquel appartient l'établissement. Autant nous avons la main sur le suivi nutritionnel, autant sur les prescriptions, nous ne l'avons pas."
DES VOIES POUR ALLER MIEUX
"Je pense que l'on a globalement allégé les ordonnances, mais c'est un travail de longue haleine, explique le docteur Lacaze, qui consacre deux jours par semaine à La Pastellière. J'essaye de sensibiliser mes confrères qui n'ont pas tous été formés à la gériatrie. Certains viennent discuter d'un cas, mais c'est souvent moi qui provoque la discussion."Pourtant, l'équipe voit bien qu'il existe d'autres voies pour aider les patients à aller mieux.
L'atelier zoothérapie en est une. Un vieil homme, apathique durant le club restauration, change de visage à l'arrivée du chien, des lapins et des cochons d'Inde. Tant qu'ils sont là, son sourire ne s'estompe pas. Il aime bien les câlins, dit-il à sa voisine. C'est la première fois que l'on entend sa voix. En face de lui, une femme en fauteuil roulant tient une peluche sur ses genoux. Depuis que les soignants ont vu à quel point les animaux lui faisaient du bien, son doudou l'accompagne partout, et elle crie moins.
L'équipe est persuadée d'avoir trouvé avec la zoothérapie un moyen de réduire les recours aux psychotropes – il y aura aussi bientôt un jardin thérapeutique. L'atelier a lieu tous les quinze jours. Toutes les semaines, ce serait mieux. Mais question financement, cela fait encore partie du budget animations, pas du soin. Cela changera-t-il un jour ?

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