vendredi 13 août 2010


LES LIVRES DE PSYCHANALYSE

LA LETTRE DE L'ENFANCE ET DE L'ADOLESCENCE (Revue du Grape) n°79

Editions Erès – Juillet 2010 – 16 €

L'origine latine du mot « fiction » est un verbe dont les définitions recouvrent tout autant l'acte de « manier », « caresser », « composer » ou encore « feindre ». Dans quelle mesure est-il nécessaire pour un sujet d'accompagner son histoire subjective de ces mouvements ? Que nous enseigne la clinique de l'enfance et de l'adolescence sur leur caractère nécessaire, tout à la fois symbolique et imaginaire, dans la construction subjective ? Nos pratiques peuvent-elles s'appuyer sur les « fictions » pour accompagner, éduquer, soigner ?

Coordination : Maryvonne BARRABAND (@) - Viviane DURANDOnt participé à ce numéro : Lucie BOUSQUET - Laurence CAMPET-DENISSE - Vincent CORNALBA - Armando COTE - Tristan GARCIA-FONS - Vanessa JULIEN - Karima LAZALI- Marc LEVIVIER - Anne LONCAN -Veronique MASSUY - Jose MOREL CINQ-MARS -Claudine OURGHANLIAN - Didier PILORGE - Ilaria PIRONE - Jean-bertrand PONTALIS -Myriam REVIAL - Alain VERGNIOUX -




Une circulaire pour accélérer le financement de 250 maisons de santé

Le gouvernement a passé la vitesse supérieure dans le déploiement de 250 maisons de santé pluridisciplinaires après le lancement en février d’un plan national par le président de la République.

Les ministères de l’Intérieur, de la Santé et de l’Espace rural et de l’Aménagement du territoire viennent en effet d’adresser une circulaire aux préfets et aux directeurs des agences régionales de santé (ARS) pour accélérer le financement de ces nouvelles structures censées apporter une solution aux problèmes de démographie médicale, notamment dans les territoires ruraux.

Ce document précise les financements dont les maisons de santé pourront bénéficier. Il est ainsi prévu que les maisons de santé puissent profiter de subsides pour « les études préalables et l’ingénierie, sous la responsabilité des ARS (50 000 euros maximum par projet) ainsi que pour les dépenses de fonctionnement dans le cadre de l’expérimentation des nouveaux modes de rémunération des professionnels ». Les promoteurs des structures pourront également solliciter des investissements auprès des Dotations globales d’équipement ou de développement rural ou encore du Fonds national d’aménagement et de développement du territoire sous l’égide des préfets.

La circulaire précise que l’État pourra prendre en charge jusqu’à 25 % du coût du projet, voire 35 % dans les territoires prioritaires identifiés par les schémas régionaux d’organisation des soins (SROS) qui seront établis en 2011.

Les maisons de santé devront respecter un cahier des charges national pour bénéficier des financements de l’État. Des conseils régionaux de sélections seront chargés de faire part avant le 30 octobre des projets sélectionnés et des objectifs fixés de 2010 à 2012.

Un « cadrage national » sera ensuite réalisé pour le déploiement des maisons de santé en 2011 et 2012, conclut la circulaire.

› CH. G.

Quotimed.com, le 30/07/2010





Plus de 40 % des jeunes handicapés se sentent discriminés

Une étude de l’INSEE (Institut national de la statistique et des études économiques)* révèle que plus de 40 % des jeunes handicapés estiment avoir subi au moins une fois une discrimination, soit huit fois plus souvent que les jeunes du même âge sans handicap.

Si insultes et moqueries sont ressenties presque à égalité par les jeunes sans handicap (90 %) ou avec (86 %), la mise à l’écart est déplorée par 62 % des handicapés, contre 35 % des non-handicapés. Le refus d’un droit toucherait 13 % des handicapés contre 1 % seulement des personnes valides.

Les troubles cognitifs (troubles du comportement, de l’apprentissage, du langage ou de la compréhension) entraînent des discriminations pour 31 % des 25-54 ans et 45 % des 10-24 ans.

Dans le cas des handicaps moteurs (paralysie, amputation, gêne dans les articulations...), les discriminations sont ressenties par 40 % des jeunes et 26 % des adultes. Pour les handicaps d’ordre sensoriel (cécité, surdité), le sentiment de discrimination est partagé par 33 % des jeunes et 19 % des adultes.

Parmi les 25-54 ans, les situations sont plus contrastées, si l’on compare les adultes qui travaillent à ceux qui sont au chômage. La moitié des chômeurs déclarent en effet avoir subi une discrimination ou ont le sentiment d’avoir subi une injustice liée à leur santé ou à leur handicap, contre un quart des actifs ayant un emploi.

Selon le dernier rapport de la HALDE (Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité), le handicap ou l’état de santé constituent la deuxième cause de discrimination (18,5 %), derrière l’origine (28,5 %).

› AU. B.

* « INSEE Première », n° 1308, juillet 2010.
Quotimed.com, le 30/07/2010



Chronique
La psychanalyse à la portée du plus grand nombre

C'est une petite tache d'encre qui en dit long. Pendant vingt-cinq ans, de 1970 à 1994, elle a orné chacune des 50 couvertures de la Nouvelle Revue de psychanalyse (NRP). Une sorte de test de Rorschach. A l'interprétation libre, donc. Dans son bureau perché en haut des escaliers en colimaçon de la maison Gallimard, Jean-Bertrand Pontalis s'amuse encore aujourd'hui de ce choix illustratif, qui, bien sûr, n'avait rien d'anodin. L'intellectuel, ancien élève de Sartre et collaborateur des Temps modernes, n'avait qu'une idée en tête lorsqu'il décida, en 1970, de se lancer dans l'aventure de la NRP : créer une revue libre où "chacun pouvait y voir ce qu'il voulait".

A la fin des années 1960, la guerre des clans fait rage en France au sein de la psychanalyse. Pour faire simple, c'est freudiens contre lacaniens. "J.-B." a beau être un ancien proche de Lacan, avec qui il a fait son analyse didactique, il ne supporte pas cette "allégeance à la parole d'un Maître", quel qu'il soit. Dans le premier numéro, "Incidences de la psychanalyse", qui paraît au printemps 1970, Pontalis expose son projet : "Ne pas rester entre soi", pourfendre les chapelles, et "s'ouvrir à des travaux d'auteurs étrangers, par leur pays, leur discipline, leur pensée singulière". La revue, qui sortira deux fois par an, ne sera donc ni l'organe officiel d'une institution, ni réservée aux seuls analystes.

Cette liberté se traduit d'abord par la présence, au sein du comité éditorial, de cinq analystes d'obédience différente - Didier Anzieu, André Green, Masud R. Khan, Guy Rosolato et Victor Smirnoff - mais aussi du philosophe et ethnologue Jean Pouillon, et de l'historien des idées et critique littéraire Jean Starobinski. J.-B. refuse aussi que ses auteurs jargonnent. Le vocabulaire technique est proscrit. "Une seule exigence, écrit-il : rendre sensible, sans l'effacer, l'animation de l'inconscient, rendre son travail intelligible, sans prétendre le maîtriser." Pas question de "sortir la grosse artillerie psychanalytique".

Ces principes se retrouvent dans le choix des titres des 50 volumes collectifs publiés, et tous centrés sur un thème. Le numéro 5 est ainsi intitulé "L'espace du rêve" pour éviter le terme "interprétation". De même celui (n° 13) consacré à la question du narcissisme se dénomme "Narcisses" : "Le narcissisme avait été théorisé en long et en large, explique l'analyste Michel Gribinski, qui fut pendant treize ans membre de l'équipe de rédaction de la revue. L'intitulé "Narcisses" permettait d'explorer les différents destins de ce concept cher à la pensée grecque, à la mythologie et à la philosophie."

J.-B. Pontalis semble particulièrement fier du titre du 33e numéro : "L'amour de la haine" qui rompait avec le traditionnel "amour et haine", grand classique de la littérature analytique. Un choix éditorial inspiré de la nouvelle de Joseph Conrad, Le Duel, qui raconte comment la vie de deux officiers napoléoniens s'organise autour de la haine qu'ils ont l'un pour l'autre.

Mis à part ceux à qui la psychanalyse fait trop peur, peu d'auteurs sollicités pour collaborer à la NRP refusent d'y apposer leur signature. Les historiens Georges Duby et Pierre Nora participent à "Mémoires", le numéro 15. Un bel exercice puisque le premier écrit sur "Mémoires sans historien" et le second est interrogé sur "Mémoire de l'historien, mémoire de l'histoire". Fasciné par les mots, J.-B. Pontalis demandera à son ami Georges Perec de collaborer au numéro 16 "Ecrire la psychanalyse", avec un article intitulé "Vues d'Italie".

La liste des invités - Claude Lanzmann, Roger Grenier, Jean Baudrillard... - est trop longue pour en faire une recension complète. Mais ce que l'on pouvait penser n'être au départ qu'un projet marginal au monde de la psychanalyse s'impose rapidement comme une référence. Au point d'y faire écrire des membres de la Société psychanalytique de Paris, la gardienne du temple freudien. "Les réunions du comité étaient un lieu passionnant de remue-méninges, se souvient Michel Gribinski. On brassait les idées, c'était drôle, c'était vif. Chacun y était tout entier soi-même et les désaccords quand il y en avait étaient vite oubliés." Même si la revue déroute parfois, les ventes atteignent au total 250 000 exemplaires, soit une diffusion moyenne de 5 000 numéros par titre. Le plus beau score revient au thème (n° 19) consacré à "L'enfant" (près de 8 000 ventes). Claude Gallimard, qui dirige alors la prestigieuse maison d'édition, est largement satisfait.

Pourtant, alors que la renommée de la revue et les ventes ne font qu'augmenter, J.-B. Pontalis décide de mettre fin à l'aventure. Le cinquantième numéro sera le dernier : il s'appelle "L'inachèvement". Pourquoi ce sabordage ? L'agrégé de philosophie s'en explique dans l'éditorial : "Je m'étais dit, dès le départ, que le jour où la force de l'habitude l'emporterait sur l'amour des commencements, il serait bon de marquer au moins un temps d'arrêt (...). Quelque chose n'est plus au rendez-vous. Quelque chose qui pourrait s'appeler le désir de fonder, à chaque fois, comme au premier jour."

Aujourd'hui, il reconnaît volontiers que cette décision regrettée par ses collaborateurs avait été dictée par "un peu d'égoïsme". "Au bout d'un certain temps, j'ai eu envie de passer à autre chose." J.-B. souhaitait notamment se consacrer davantage à la nouvelle collection "L'un et l'autre", qu'il dirigeait, depuis 1989, chez Gallimard. Mais dans nombre de bibliothèques, il reste comme un vide. Beaucoup de lecteurs n'ont pas compris cet arrêt brutal. Afin de les consoler, J.-B. terminait son éditorial par cet aphorisme : "Quand le train entre en gare, le voyage n'en est pas pour autant fini !"

Nouvelle Revue de psychanalyse. 1970-1994. Dirigée par Jean-Bertrand Pontalis.

Marie-Béatrice Baudet (La saga des revues)

mercredi 11 août 2010




Par Reuters, publié le 29/07/2010

Mères infanticides, malades mais responsables, selon des experts

Il est difficile de dresser un profil-type des mères infanticides, dont le nombre serait stable en France depuis les années 1970, mais dans la majorité des cas, elles sont ordinaires et conscientes de leurs actes, relèvent des spécialistes.

Seule une dizaine d'affaires sont portées à la connaissance de la justice chaque année, comme la découverte cette semaine des restes de huit nourrissons près de Douai (Nord), mais on en dénombre en réalité entre 60 et 80, selon le Dr Jacques Dayan, ancien expert après des tribunaux et spécialiste de la psychiatrie périnatale.

"Les médias braquent les projecteurs sur des cas extraordinaires mais la plupart des histoires ne concernent qu'un nouveau-né", explique à Reuters le médecin du CHU de Rennes.

Le nombre d'infanticides - on parle de "néonaticides" si les nouveau-nés sont tués dans la journée qui suit leur naissance - "est à peu près stable depuis que les avortements sont plus faciles", ajoute-t-il.

A Villers-au-Tertre, dans le Nord, une aide soignante de 47 ans a déclaré avoir accouché seule de ses huit enfants qu'elle a étouffés ensuite.

Mère de deux filles aujourd'hui âgées d'une vingtaine d'années, elle a expliqué aux policiers qu'elle était consciente de ses grossesses mais qu'elle ne voulait plus d'enfants.

Selon Sophie Marinopoulos, psychologue et auteur de "La Vie ordinaire d'une mère meurtrière", l'affaire de Villers-au-Tertre est sans aucun doute "le cas le plus grave en nombre" en France.

"BANALEMENT HUMAINES"

Dans les années 70, un couple de Corrèze a tué sept de ses enfants à la naissance. Plus récemment, Véronique Courjault a été condamnée pour le meurtre de trois de ses nouveau-nés et en mars dernier, Céline Lesage, 38 ans, a été reconnue coupable d'avoir tué six de ses enfants.

"Certains les ont présentées comme des serial-killers. Vu de loin, le nombre rend ces affaires monstrueuses mais de près, elle sont banalement humaines et fragiles", dit Roland Coutanceau, psychiatre et criminologue qui a assisté au procès de Céline Lesage devant les assises de la Manche.

Comme une grande partie de ses collègues, il ne "croit pas au concept de déni de grossesse" mais parle du "déni d'investissement d'être mère": "elles tuent une chose plutôt que leur enfant".

"Psychiquement, en le tuant, elles empêchent leur enfant de naître. Elles gardent le pouvoir sur leur ventre", ajoute le Dr Dayan.

Médecins, psychologues et chercheurs estiment que les causes de ces passages à l'acte sont à rechercher dans le passé des mères - leur histoire familiale, leur rapport à leur corps - qui sont souvent inhibées, souffrent de problèmes névrotiques et ont des difficultés à établir le contact avec les autres.

Selon le Dr Dayan, 20% des mères infanticides seulement ont été prises dans un épisode délirant, une psychose puerpérale. Dans ces cas-là, les mères sont déclarées irresponsables et échappent à un procès mais pour les 80% restants, "ce sont des femmes ordinaires".

Pour la psychologue Odile Verschoot, qui a écrit "Ils ont tué leurs enfants", "le geste infanticide surgit d'un double désir : d'une part, le désir fou de garder en soi l'enfant que l'on craint de perdre et, d'autre part, en éliminant la descendance, celui de conserver sa place de 'nourrisson psychique' au sein de la famille initiale".

Puisqu'on n'arrive pas à concevoir qu'une femme 'normale' puisse tuer son enfant, la société a toujours été assez tolérante à leur égard, note Jacques Dayan.

Lorsque la peine de mort était encore en vigueur en France, elle n'était pas prévue dans le Code pénal pour les mères infanticides.

Véronique Courjault a été condamnée à huit ans de prison et Céline Lesage à quinze années de réclusion.

NOUVELLE ÉTUDE | Pour la première fois, des chercheurs zurichois montrent une corrélation directe entre la possession d’armes à feu et le taux de suicides par balle dans les cantons. Résultat: il y a plus de décès outre-Sarine qu’en Suisse romande.

http://www.tdg.ch/actu/suisse/armes-maison-suicides-balle-2010-07-28

Une telle étude était attendue depuis longtemps en Suisse. Hier, des chercheurs de l’Université de Zurich ont comblé la lacune, en montrant une corrélation directe entre la possession d’armes à feu et le taux de suicides par balle dans les cantons. Confirmant les études étrangères, leurs résultats démontrent que les suicides par balle sont plus fréquents dans les régions où de nombreuses armes sont en circulation. Si la Suisse centrale est particulièrement armée et affiche le plus haut taux de suicides par balle du pays, Vaud, Genève et Neuchâtel font figure de bons élèves en affichant deux fois moins d’armes à feu et de suicides par balle. 
Réalisée sous la conduite de Vladeta Ajdacic-Gross, chercheur à l’Institut de psychiatrie sociale, l’étude apporte d’abord une bonne nouvelle: en Suisse, le taux de suicides par balle a reculé de 30% à 19% entre 1998 et 2007, alors que le taux de possession d’armes à feu a baissé de 38% à 28%. En revanche, l’enquête révèle qu’il y a eu, en neuf ans, pas moins de 13 410 suicides, dont 3169 par balle, réalisés en majorité par des hommes.

Vaud et Genève affichent les taux les moins élevés

Et devant les armes, les cantons ne sont pas tous égaux. En Suisse centrale, plus d’un ménage sur deux possède un fusil ou un pistolet. Uri, Obwald et Nidwald affichent en effet à eux trois le taux de possession le plus élevé, avec 57%, et un taux de suicides par balle de 32,7%. «Dans ces régions, avoir une arme est une composante culturelle, note Vladeta Ajdacic-Gross. Les citoyens font de la chasse, du tir et sont attachés aux traditions.» Que le nombre de suicides par arme y soit aussi élevé n’étonne guère le professeur. L’explication est aussi simple que cynique: il n’y a pas beaucoup d’autres moyens de passer à l’acte à la campagne.

Éviter 100 suicides par an
A l’inverse, plus on s’approche des zones urbaines, plus le taux de suicides par balle diminue. C’est le cas en Suisse romande: seuls 22,2% des foyers vaudois possèdent une arme pour un taux de suicides par balle de 17,2%. Et la proportion est de 18,2% et 15,2% à Genève. «Nous n’avons pas autant de traditions ou de stands de tir qu’en Suisse alémanique, confirme Patrick Pulh, porte-parole de la police cantonale genevoise. Il y a donc moins d’armes à feu à domicile et moins de suicides par balle. En revanche, le nombre de décès par médicament ou par chute est plus élevé.»
«Preuve, hélas, que c’est l’occasion qui fait le suicidé, constate le chercheur zurichois. Mais l’usage d’un pistolet reste la méthode la plus impulsive et sa disponibilité immédiate joue un trop grand rôle.» La solution? «Prendre des mesures! lance-t-il, sans pour autant préciser lesquelles. La Suisse pourrait ainsi éviter 100 suicides par balle chaque année.»

Ceux qui veulent envoyer l’arme à l’arsenal jubilent
Une conclusion qui apporte de l’eau au moulin de ceux qui espèrent renvoyer les armes d’ordonnance à l’arsenal. Alors que le peuple se prononcera
en 2011 sur une initiative populaire allant dans ce sens, l’association Stop suicide voit dans l’étude zurichoise un argument pour faire campagne. «C’est la première enquête qui se penche sur le cas suisse, se réjouit Anne-Marie Trabichet, coordinatrice de l’organisation. Elle montre clairement qu’on ne doit plus garder les armes à la maison. Elle nous sera utile pour répondre à tous ceux qui disent que nous jouons sur l’émotion.»
Mais les chiffres risquent d’être remis en question. «Je doute qu’on puisse réduire le nombre de suicides par arme à feu de 100 par année, relativise Yvan Perrin, conseiller national (UDC/NE) fermement opposé à l’initiative. En revanche, interdire les armes à domicile ferait beaucoup de tort aux nombreux tireurs sportifs et collectionneurs.»






Suicide : tenir compte du mode d’emploi

Certes, il est des thèmes plus réjouissants pour une période estivale. Mais si le suicide peut être sujet à des variations saisonnières, ce n’est pas de saisons dont il est question dans un récent essai dont les résultats sont publiés ces jours-ci dans le British Medical Journal.  Les auteurs de cette étude ont plutôt cherché à déterminer si certaines méthodes utilisées pour une première tentative de suicide pouvaient faire craindre plus que d’autres une « réussite » du suicide en cas de  récidive.

Ils ont pour cela suivi pendant une trentaine d’années près de 50 000 personnes admises dans un hôpital pour une tentative de suicide. Au total, pendant le suivi 5 740 (11,8 %) personnes se sont finalement donné la mort au cours d’une récidive. Mais si l’intoxication médicamenteuse dépasse largement tous les autres modes de suicide en termes de fréquence pour la première tentative (83,8 % des patients), ce sont les tentatives par pendaison, noyade, arme à feu ou par saut dans le vide qui sont suivies par le plus fort taux de récidive « réussie » dans l’année suivant la première tentative (53 à 88 % des cas).

L’on sait déjà que les troubles psychotiques, les pathologies affectives et en règle générale tous les troubles psychiatriques sont un facteur de risque indépendant pour la « réussite » d’un suicide. Mais l’association d’un trouble psychotique et d’une tentative de suicide par pendaison semble particulièrement à risque, puisqu’elle a été suivie dans 70 % des cas chez les hommes d’un nouveau passage à l’acte, mortel, dans l’année qui a suivi et dans 69 % des cas chez les femmes.

La plupart des patients de cette étude ont utilisé la même méthode pour leur récidive que lors de leur première tentative, notamment ceux qui choisissent la pendaison, dont 93 % des hommes et 92 % des femmes utiliseront à nouveau cette méthode, mais cette répétition se retrouve aussi pour la noyade (82 % des hommes et 86 % des femmes), les armes à feu (les hommes seulement) ou le saut dans le vide.

Les auteurs précisent toutefois que, malgré le taux élevé de suicides « réussis » après une première tentative par une méthode autre que médicamenteuse, la plupart des patients (70 % des hommes et 90 % des femmes) choisissent l’absorption de médicaments pour leur première tentative, et la loi du nombre fait que c’est finalement cette méthode qui est à l’origine de la majorité des décès (69 % chez les hommes et 82 % chez les femmes).

Cette étude confirme un élément reconnu par d’autres travaux, la fréquence élevée des récidives après une première tentative de suicide, et donne quelques repères pour le suivi des patients, attirant particulièrement l’attention sur les méthodes à haut risque.

Dr Roseline Péluchon

Runeson B et coll.: Method of attempted suicide as predictor of subsequent successful suicide: national long term cohort study. BMJ 2010; 340: c3222.






Autisme, ethnicité et immigration

Émanant notamment de pays nordiques, un nombre croissant d’études européennes suggèrent l’existence d’une fréquence accrue de l’autisme chez les enfants nés dans une famille de parents migrants. Mais curieusement, cette constatation n’est pas vérifiée dans les recherches analogues réalisées en Amérique du Nord où l’origine ethnique comme le statut migratoire de la mère tendent au contraire à être écartés des facteurs de risque possibles des troubles de type autistique (autism-spectrum disorders). Réalisée sur des données recueillies entre 1999 et 2005, et portant sur 428 enfants avec autisme, une étude prospective menée en Grande-Bretagne confirme cependant la vraisemblance de cette dimension migratoire dans le déterminisme (polyfactoriel) de l’autisme. Les données disponibles montrent en effet que les mères nées hors d’Europe ont, comparativement aux mères nées au Royaume-Uni, un risque accru d’avoir un enfant avec autisme. Ce risque se révèle maximal pour les mères Noires originaires des Antilles (Caribbean group). Une analyse plus précise suggère que cette augmentation du risque dépend surtout du contexte d’immigration, plutôt que de la seule origine ethnique. Autrement dit, ni la couleur de peau ni la culture ni la nationalité d’origine ne semblent liées au risque d’autisme à la seconde génération ; en revanche, ce risque est corrélé au statut d’immigrante de la mère. Une étude de 1995 (R. Goodman & col.) a montré par exemple que ce risque est multiplié environ d’un facteur 5 à la seconde génération de migrants d’origine africaine ou antillaise, et une autre étude (M. Barnevik-Olsson & col., 2008) a montré sa multiplication par un facteur 3,5 chez les enfants de mères d’origine somalienne ayant émigré en Suède. Plusieurs questions demeurent toutefois en suspens. Pourquoi les études nord-américaines ne confirment-elles pas ce phénomène ? Les effets de l’immigration paternelle sont-ils analogues à ceux de l’immigration maternelle ? L’âge de la mère lors de son immigration (avant ou après l’âge de procréer) a-t-il une incidence sur ce risque d’autisme dans sa descendance ? Et ces effets de l’immigration sur le risque d’autisme persistent-ils encore dans les générations suivantes ?

Dr Alain Cohen

Keen DV and coll. : Autism, ethnicity and maternal immigration. Br J of Psychiatry 2010 196(4) : 274-281.
Du rire comme arme de subversion

Si les scientifiques reconnaissent au rire des vertus thérapeutiques, d’autres – détenteurs du pouvoir sous ses formes politiques, religieuses ou économiques – le redoutent aujourd’hui et perçoivent le danger qu’il pourrait représenter pour leur image. Car telle est bien l’ambiguïté sociale du rire. D’un côté, il joue un rôle de catharsis permettant « l’évacuation de la colère, de la frustration ou de la souffrance, et donc des pulsions de violences que nous éprouvons dans certaines circonstances », ce en quoi il désamorce les risques d’affrontements ou de conflits. Mais de l’autre, il ébranle l’autorité, remet en cause le consensus lénifiant et « ruine en peu de mots, de gestes ou de symboles les stratégies de communication manipulatrices et coûteuses des détenteurs du pouvoir. » Ce constat est mis en lumière dans le premier chapitre d’un court essai, Désobéir par le rire (Le Passager clandestin, 64 pages, 5 €), écrit par un collectif (Les Désobéissants) et publié dans une collection dirigée par Xavier Renou.

Nul doute que le rire occupe une place de première importance dans la recherche d’un apaisement social. Il sert, en quelque sorte, de soupape. Rire d’un prince évite à celui-ci d’essuyer des attaques plus vigoureuses qui fissureraient ou renverseraient son trône. Rire d’un prince le rappelle aussi à la mesure, sinon à la raison s’il vient à abuser de son pouvoir ou à se mal conduire en toute impunité. En cela, l’humour se présente comme une version moderne du serviteur placé derrière le général romain lors de son triomphe et lui murmurant « Souviens-toi que tu n’es qu’un homme », ou du fou du roi, autorisé à toutes les insolences. Mais si le général romain et le roi (jusqu’à Louis XIV qui supprima la charge de bouffon) acceptaient, bon gré mal gré, l’humour corrosif attaquant jusqu’à leurs personnes, les princes contemporains (et à fortiori leurs barons…) semblent bien moins enclins à accepter une forme de critique au vitriol ou d’impertinence qui sévit aussi bien sur les ondes qu’au café du Commerce. Les mésaventures de Stéphane Guillon et Didier Porte, remerciés par la radio qui les employait (« lourdés » serait peut-être un terme plus approprié, car leur départ ne se fit pas dans la légèreté), en offrent l’exemple, même si l’on peut penser que l’initiative de ce geste n’était pas partie du Palais, mais avait été prise dans le souci de lui complaire.

Bergson l’avait souligné dans son essai Le Rire : « Le rire châtie certains défauts à peu près comme la maladie châtie certains excès. » Une remarque particulièrement pertinente à la lumière de notre actualité, dans un contexte où le « pas vu, pas pris » est, depuis longtemps, devenu un mode d’exercice des responsabilités. Pourtant, railler un roi ou un baron (quelque fonction qu’il occupe) pose aujourd’hui problème, car, sous les risées et les quolibets, le roi devient nu, un état qui se révèle intolérable dans un monde de communication globale et instantanée, où l’image l’emporte souvent sur le fond. Dans le même essai, Bergson ajoutait : « La seule cure contre la vanité, c’est le rire et la seule faute qui soit risible, c’est la vanité ». Mais, de nos jours, cette cure paraît, pour beaucoup, bien au-dessus de leurs moyens.

Umberto Eco, dans Le Nom de la rose, avait fait d’un hypothétique tome second de la Poétique d’Aristote, sensé traiter de la comédie, donc du rire, le pivot de son célèbre roman policier porté au cinéma. Le bibliothécaire aveugle de l’abbaye, Jorge de Burgos (clin d’œil à Jorge-Luis Borges…) dit, dans les dialogues du film : « Le rire tue la peur, et sans la peur, il n’y a pas de foi. Car, sans la peur du Diable, il n’y a plus besoin de Dieu. […] Pouvons-nous rire de Dieu ? Le monde retomberait dans le chaos. » Ce propos – auquel d’autres religions, sinon toutes, adhèrent encore – montre combien le rire peut saper un projet politique et, en le paraphrasant pour conduire le raisonnement à son extrémité, on pourrait ajouter : « sans la peur, il n’y a pas de pouvoir ». C’est précisément ce sujet qu’aborde Désobéir par le rire. Si les auteurs s’adressent ouvertement aux « militants » et aux « activistes non violents », en d’autres termes à une gauche alternative, à la mouvance altermondialiste et aux anars, son contenu intéressera un ensemble bien plus vaste de lecteurs s’ils parviennent à s’accommoder d’une sémantique parfois un peu trop politiquement connotée.

L’essai définit l’humour comme une arme politique, à forte portée subversive, capable de remettre en question l’ordre établi, mais aussi d’éroder l’autorité, la crédibilité, voire la légitimité des détenteurs du pouvoir à travers les abus auxquels ils pourraient se livrer. Il analyse les différentes formes d’actions possibles, des plus « potaches » aux plus sophistiquées, en s’accompagnant d’exemples parfois comiques. L’une d’entre elles a acquis ses lettres de noblesse avec le mouvement Dada et les Surréalistes, puis les Situationnistes : l’entartage dont Noël Godin, alias Georges Le Gloupier, est le théoricien et le principal praticien depuis la fin des années 1960, dans le cadre d’une démarche anarcho-humoriste. Longtemps considéré comme une blague bon-enfant dont un «philosophe» médiatique et quelques célébrités ou fausses gloires se prenant « très, très, très au sérieux » furent les cibles, l’« attentat pâtissier » est toutefois devenu un acte risqué, depuis que la Cour de cassation a qualifié fort sérieusement la tarte à la crème d’« arme par destination » (ce qui suppose une requalification de l’acte en « agression avec violence ») dans un arrêt de 2002 concernant l’entartage de Jean-Pierre Chevènement.

Autres méthodes décryptées : la parodie, qui permet, notamment, au collectif « Sauvons les riches » d’organiser de « fausses manifestations de droite » et les clowneries de la Brigade activiste des clowns. La dérision n’est pas oubliée, à travers les fausses remises de prix, par exemple aux entreprises pratiquant l’« écoblanchiment » (communi-cation sur les qualités environnementales d’une organisation ou d’un produit à des fins purement marketing) ou proposant des techniques de surveillance sociale (Big Brother Awards). Les Italiens remettent chaque année, dans le même esprit, un « Tapiro d’oro », trophée représentant un tapir doré (par allusion au nez démesurément allongé de l’animal) aux politiciens coupables de bourdes mémorables. Plus inquiétantes sont les impostures, une spécialité des « Yes Men » américains, lesquels se firent inviter à un congrès international en tant que « représentants de l’OMC » et y firent un discours prônant le rétablissement de l’esclavage sans soulever la moindre protestation de l’auditoire…

Dans la dernière partie de l’essai le lecteur trouvera un guide d’humour subversif où sont expliquées par le menu les méthodes permettant d’organiser efficacement un canular, un détournement publicitaire, un attentat pâtissier, etc., ainsi qu’une bibliographie. Pour autant, l’arsenal humoristique présenté se révèle moins subversif que l’on n’aurait pu l’imaginer dans un ouvrage laissant entendre que le rire serait un moyen de « désobéissance civile ».

Les limites posées par les auteurs définissent en effet un cadre assez consensuel, sinon politiquement correct. Sont ainsi déconseillés l’humour déplacé (« quand le sujet est trop grave ») et celui qui serait « trop provocateur en regard des tabous existants chez [les soutiens possibles] ». Nous sommes là très éloignés des sketches et chroniques des humoristes (Stéphane Guillon, Didier Porte, mais aussi d’autres, comme les chansonniers) ou des dessins d’un Siné à l’inoxydable et irrévérencieuse jeunesse. Car l’humour est aussi un moyen efficace d’éviter à une société de se scléroser dans de belles certitudes et dans ses tabous.

Par ailleurs, les exemples cités concernent quasi exclusivement des cibles « de droite », comme si la vanité ou les manipulations qu’il fallait brocarder n’existaient que dans ce camp, vision manichéenne et simpliste qui pourrait nuire à la porté du propos. Chacun se souvient ainsi de ce dirigeant écologiste, si farouchement opposé à l’automobile, affirmant qu’il s’était rendu « à vélo » à une réunion en février 2007, alors que des caméras l’avaient filmé descendant d’une voiture avec chauffeur… Cette tartufferie, qui en vaut bien d’autres, ne fit jamais l’objet d’une remise en place humoristique. On aurait aussi aimé trouver dans cet essai quelques exemples d’autodérision. Car, comme le disait Paul Léautaud, « On rit mal des autres quand on ne sait pas d’abord rire de soi-même.

Illustrations : Le Rire, huile sur panneau, XVe siècle - Le Rire de Démocrite, Hendrick Ter Brugghen, 1628 - Portrait du bouffon, Velasquez.
»
Et si Sigmund Freud avait rencontré Homer Simpson ?


Mario, Peach et Bowser ou la triade oedipienne ?

Mario est un personnage de jeu vidéo crée dans les années 80.
C’est l’un des plus célèbres de la franchise Nintendo.









Dans les différents jeux où Mario est le personnage principal, le joueur retrouve la même trame scénaristique : Mario, amoureux de la princesse Peach se trouve avec elle dans une fête au château. Cependant , l’atroce Bowser arrive et kidnappe la princesse. Mario devra dans le jeu poursuivre Bowser à travers le monde afin de sauver Peach.

Tel l’enfant se trouvant dans la relation dyadique avec sa mère, l’intrusion du père est vécu comme persécutante par Mario. Le père fait passer la relation dyadique à une relation triadique et met en exergue le partage de  l’objet d’amour maternelle avec un autre.

Mario, pour vaincre le père (sous les traits de Bowser: un monstre avec une carapace de tortue recouverte de piquant et le visage d’un dragon), parcours le monde et affronte les dangers extérieurs afin de retrouver l’amour perdu. Bowser représente d’un côté une tortue, avec sa carapace permettant de se protéger et d’agresser, mais également le phallus à travers l’utilisation destructrice qu’il fait du feu qui sort de sa bouche.

Lors de ses aventures, Mario se voit confronter à des champignons, des plantes carnivores, des squelettes, des bombes… Cependant, ce qu’il affronte, peuvent également se retrouver sous forme d’alliés : les champignons qui veulent le tuer sont opposés aux champignons lui permettant de grandir. Les plantes carnivores souhaitant le manger se retrouvent face à des plantes lui accordant des pouvoirs de feu ou de glace. Ou encore, les reptiles tels que Bowser existent également sous forme bienveillante en Yoshi (servant de monture à Mario).

Mario est face à des objets clivés: il est face à une rivalité face au père, mais également à une identification, lui permettant d’évoluer et de tuer symboliquement le père.

A chaque fin de jeu, Mario tue le père et retrouve sa princesse.

Dans les derniers jeux, les enfants de Bowser font leur apparition. Mario est comme face à des frères avec qui il se doit de partager sa princesse. Luigi constitue un frère auquel il peut demander un soutien.



LE MONDE DES LIVRES
Petit Poucet deviendra gore

C'était avant l'invention de la psychanalyse et de l'inconscient collectif. Et bien avant le cinéma, la télévision, le déferlement des images et la surenchère de violence qui s'est abattue sur les écrans. Quand Charles Perrault a raconté l'histoire du Petit Poucet, en s'inspirant d'une tradition orale venue du fond des âges, il ne prenait pas de gants avec la sensibilité de ses lecteurs - lesquels, d'ailleurs, n'étaient pas censés être des enfants.

Les petits qu'on abandonne dans la forêt, les parents indignes, le cadet mal-aimé, l'ogre mangeur de chair fraîche, le père qui finit par assassiner ses propres filles, et même la ruse de Poucet qui, pour sauver sa peau, sacrifie les jeunes ogresses - on ne peut pas dire que les moeurs étaient bien civiles au royaume des fées et des bottes de sept lieues. Mais, enfin, tout n'était pas dit, exposé, détaillé comme sur une table de dissection.

Avec Brigitte Aubert, qui publie chez Fayard Noir Le Souffle de l'ogre (298 p., 17,90 €), fini les zones d'ombre, fini le mystère. Reprenant l'histoire du Petit Poucet, mais aussi d'autres contes, comme Blanche-Neige, cette auteure de polars s'est engagée dans une veine nettement plus lugubre. Poucet y porte un numéro : il s'appelle Sept et il est l'un des deux survivants d'une fratrie décimée par un père qui décapite ses enfants à la hache, on ne sait pourquoi. L'autre, c'est Un, l'aîné, presque aveugle et infirme, qui vit attaché à un piquet au fond de la cour (dans le conte original, c'était un "rousseau" que la mère aimait plus que les autres parce qu'elle-même "était un peu rousse"). L'ogre est bien là, tout comme les petites ogresses (dotées des "mêmes dents taillées en pointe que leur géniteur"), mais l'ambiance a changé. D'une violence inouïe, surtout dans les premières pages, le roman montre un ogre qui finit par empaler un enfant "sur le long manche de sa pioche", pendant que Sept n'en perd pas une miette. Un monstre en proie à des pulsions sexuelles, un "malade" ivre de sperme et de sang, qui éprouve du remords, mais pas bien longtemps. On sait l'interprétation que les psychanalystes, à commencer par Bruno Bettelheim, ont fait des contes de fées, de leur puissance fantasmatique et de leur charge érotique. Mais, en lisant ces aventures, on ne peut s'empêcher d'éprouver un malaise. Comme si la même frénésie d'images sanguinolentes (et souvent complaisantes) s'était propagée du cinéma vers la littérature. Laquelle ne gagne pas forcément à cette escalade, qui menace de la banaliser.

Il y a d'assez bonnes choses dans ce Souffle de l'ogre, en particulier l'humour, par exemple quand Sept rencontre Blanche-Neige au fond des bois : elle y vit seule, les sept nains s'étant fait massacrer par la reine. Quant à Blanche-Neige, elle n'a dû sa survie qu'à un arrangement d'ordre sexuel avec le garde-chasse chargé de la tuer. Mais cet humour lui-même n'est qu'un correctif assez attendu à la violence, une manière supplémentaire de tout expliciter qui fait regretter le pouvoir de suggestion des contes d'origine - et leur force.

Raphaëlle Rérolle
Article paru dans l'édition du 26.06.10