vendredi 8 décembre 2023

Newsletter L «Les Petits Mâles», une génération plus réceptive à l’égalité entre les sexes


 


par Marlène Thomas    publié le 29 novembre 2023

Le nouveau documentaire de Laurent Metterie et de la philosophe féministe Camille Froidevaux-Metterie, qui sort en salles ce mercredi, interroge la réception des discours féministes par les jeunes garçons de 7 à 18 ans.

Leurs propos se teintent parfois d’une maturité désarmante comme lorsqu’un pré-ado lâche : «En tant que père je lui apprendrai les choses de la vie, ce qui est bon et pas bon, je lui apprendrais à faire la cuisine, le ménage.» Ils ont entre 7 et 18 ans, une trentaine de garçons de tous milieux sociaux et de toutes les régions de France discourent face caméra sur l’apparence, le sexisme, l’amour, les émotions, les violences, les droits des personnes LGBT +… Le documentaire les Petits Mâles, réalisé par Laurent Metterie avec l’accompagnement scientifique de la philosophe féministe Camille Froidevaux-Metterie, tire le fil de l’espoir, celui qu’une génération d’hommes féministes serait en train de naître. «Sans dire que ces petits mâles seront demain de formidables hommes féministes, j’ai l’impression que le terrain est plus meuble, plus prêt à recevoir ces discours féministes et à progresser. Je pense qu’une bascule a été faite», résume le réalisateur. Diffusé dans une dizaine de salles dès ce mercredi dont l’Espace Saint-Michel à Paris et d’ici le printemps en VOD, ce film de 73 minutes, loin d’une utopie piégeuse, apparaît comme une photographie honnête et nuancée d’une amorce de changement.

Dans leur précédent documentaire sorti en 2021, les Mâles du siècle, une trentaine de personnes de 17 à 95 ans se prêtaient au même exercice. Les trentenaires – envisagés comme une potentielle génération de bascule – se révélaient être encore dans l’effort, là où les vingtenaires «donn[aient] le sentiment d’être passé à quelque chose de nouveau», relevait la philosophe. Les paroles brutes de ces garçons, décorrélées de toute présentation pour «éviter les présupposés», esquissent certains progrès, bien que largement inégaux comme quand ce pré-ado lâche à propos des règles «ça ne me dérange pas, c’est les choses de la vie, il faut les apprendre» tandis qu’un autre plus âgé exprime son dégoût : «J’aime pas le sang. Je veux pas parler des règles avec les filles». Grand écart aussi sur les diktats vestimentaires notamment en milieu scolaire entre celui pour qui les filles peuvent «largement porter des crop tops, des shorts courts» et un autre pour qui «les minijupes il ne faut pas les interdire mais bien réfléchir avant de porter ça. Il y a d’autres élèves, comme des adultes qui peuvent être attirés par ça».

«Elles sont plus douées en ménage que nous les garçons»

Pour la plupart convaincus, selon leurs dires, de la nécessité du féminisme, ces garçons n’en demeurent pas moins les produits d’une société patriarcale mouvante. Un avertissement alerte d’ailleurs sur les propos sexistes, LGBTphobes, racistes ou grossophobes pouvant être entendus dans ce film. «Des choses coincent encore. On a une espèce d’omerta sur les sujets de violence, de harcèlement», remarque notamment Laurent Metterie, bien que l’indignation traverse la majorité des témoignages sur ces sujets. Sur l’expression des émotions («tu vas vouloir parler d’un sujet avec tes potes, on va se foutre de ta gueule, tu ne vas plus jamais en parler de ta vie») comme sur la répartition genrée des tâches domestiques, du chemin reste encore à parcourir. «Elles sont plus douées en ménage que nous les garçons», tente l’un d’eux en comparant la qualité de son balayage à celui de sa sœur.

La bascule est davantage palpable sur le sujet des droits des personnes LGBT + et du genre. «Tout est possible. Il n’y a pas de “t’es un gars tu resteras un gars”, “t’es une fille tu resteras une fille”. On fait ce qu’on veut, c’est notre choix», appuie un collégien. Un plus jeune garçon estime également : «Il n’y a aucun problème qu’on aime un homme ou une femme pour une femme. C’est normal d’avoir envie de se marier quand on aime la personne.» Laurent Metterie reconnaît que «ce sont les réponses qui [l’ont] le plus étonné. Si je me projette à leur âge dans les années 80, je n’aurais jamais pu aborder ces sujets-là avec autant de facilité et de maturité».

Dialogue intergénérationnel

Cette fracture générationnelle est accompagnée d’archives familiales du réalisateur. Filmée à la Super 8 par son grand-père dans les années 70, on y voit par exemple sa toute jeune cousine à qui un adulte tend un magazine érotique. «Ces images paraissaient banales à l’époque et presque drôles, aujourd’hui on est mal à l’aise. On ressent dans notre chair ce chemin parcouru», ajoute Laurent Metterie. Sur ces bobines apparaît notamment son oncle Jean-Pierre, à qui il rend hommage. «Il a mis fin à ses jours. Il a été victime d’une société patriarcale qui ne supportait pas ce qu’il était, ne supportait pas son homosexualité. J’aurais voulu qu’il ait 15 ans aujourd’hui.»

Ces archives intimes forment un trait d’union avec les témoignages de six femmes, âgées de 72 à 89 ans, ponctuant chaque thématique. Par le jeu du montage se forme un dialogue intergénérationnel, mettant en perspective les propos de ces hommes en devenir face aux comportements de ceux «d’hier». «Je devais m’occuper du ménage, de mes enfants, du jardin, un peu tout», introduit l’une d’elles. «A part de savoir que papa rentrait dans maman, je ne savais rien sur la sexualité», embraye une autre de ces voix, avant que les ados témoignent de l’omniprésence de la pornographie. «Cela permet de voir d’où on vient. On a rarement parlé avec sa grand-mère de son avortement, de comment elle draguait les garçons», remarque le réalisateur. Pensé comme un «film miroir» éducatif contre le sexisme et les inégalités – des discussions sont engagées avec l’Education nationale – les Petits Mâles s’adresse tout autant aux parents et grands-parents. Une manière de jauger leur propre place sur cette voie et de les encourager à avancer.


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