lundi 27 novembre 2023

Interview Santé mentale : au festival Pop & Psy , «le public jeune nous intéresse davantage parce qu’il est éminemment concerné»

par Katia Dansoko Touré   publié le 24 novembre 2023

Initiée par le médecin psychiatre Jean-Victor Blanc, la deuxième édition de ce rendez-vous autour de la santé mentale s’ouvre ce vendredi 24 novembre à Paris. Objectif : lever les tabous dans un cadre ludique et festif.

Ce vendredi 24 novembre et pour trois jours, s’ouvre à l‘espace Ground Control, dans le XIIe arrondissement de Paris, la deuxième édition du festival Pop & Psy. L’événement a été fondé par Jean-Victor Blanc, médecin psychiatre exerçant à l’hôpital Saint-Antoine (XIIe), professeur à la Sorbonne et auteur de l’ouvrage Pop & Psy. Comment la pop culture nous aide à comprendre les troubles psychiques (Plon, 2019). Un essai éclairant où le psychiatre analyse notamment les représentations de la santé mentale dans la musique, les séries télé ou le cinéma.

Le festival, dont la direction artistique a été confiée à la journaliste Florence Trédez, s’inscrit dans la droite ligne de sa démarche. Il est principalement destiné à lever les tabous et déconstruire les idées reçues sur le sujet. Ce week-end, des personnalités, philosophes, praticiens ou écrivains seront amenés à échanger au cours de diverses tables rondes ou ateliers. En 2022, l’événement a attiré sur trois jours 10 000 visiteurs, toutes générations confondues. Qu’en sera-t-il cette année ? Trois questions à Jean-Victor Blanc qui voit en ce festival un rendez-vous amené à devenir pérenne.

Quels sont les grands axes de ce projet et, plus précisément, de cette deuxième édition ?

Nous souhaitons, au sein d’un espace inclusif, informer le grand public et les personnes concernées sur la santé mentale. Nous nous adressons à tous : curieux, personnes concernées, aidants et professionnels. L’idée est de jongler entre un aspect scientifique, d’où l’appel aux experts et cliniciens, et un côté festif avec expositions, ateliers et concerts. L’aspect pop, c’est aussi la participation de personnalités qui viendront témoigner de leur propre expérience vis-à-vis de la santé mentale. Je pense à l’humoriste et comédienne Camille Lellouche ou à la chanteuse Camélia Jordana. Nous aborderons aussi des sujets de société comme les masculinités, la périnatalité ou le coût mental du racisme. Si nous nous adressons à tous, le public jeune nous intéresse davantage parce qu’il est éminemment concerné et parce que le secteur de la psychiatrie est en souffrance car déserté. Nous cherchons donc à créer des vocations. Nous avons besoin de futurs soignants, de psychiatres, de psychologues, d’infirmiers…

Le réseau social chinois TikTok va, cette année, être utilisé comme outil de diffusion mais il est surtout partenaire du festival. N’est-ce pas contradictoire quand on sait que cette plateforme joue un rôle dans la dégradation de la santé mentale de ses utilisateurs ?

Ce festival est gratuit pour les participants. Aucune subvention publique ne nous a malheureusement été accordée. Tout cela n’est donc possible uniquement grâce au soutien de fondations, mécènes et acteurs privés qui s’engagent à nos côtés. TikTok en fait effectivement partie. Ce partenariat avec le réseau social s’inscrit dans la volonté d’améliorer les contenus disponibles sur la plateforme. Nous nous sommes évidemment posé des questions. Nous savons que TikTok est une application qui peut être problématique et chronophage pour le jeune public. Mais si l’on veut s’adresser aux jeunes aujourd’hui, nous ne pouvons pas faire l’impasse sur la plateforme qu’ils plébiscitent le plus. TikTok est une source d’information incontournable pour toute une jeune génération. Nous utilisons des vidéos aux formats courts pour informer, bousculer les idées reçues et permettre aux plus jeunes de trouver les outils adéquats pour, si besoin, se faire aider. Nous voulons dédramatiser l’accès aux soins et prévenir les dérives sectaires qui pullulent aujourd’hui en surfant sur le développement personnel sur les réseaux sociaux. Cette démarche avec TikTok vise donc à faire de la sensibilisation avec des messages scientifiques et accessibles.

Que pensent vos confrères et consœurs de l’organisation d’un tel festival ?

Beaucoup de mes confrères et consœurs sont impliqués dans l’organisation du festival, mais aussi les professionnels du médico-social avec l’entremise de notre partenaire la Fondation Falret [association qui accompagne les personnes atteintes de troubles psychiques et en difficultés psychosociales, ndlr]. Cela passe par l’animation des ateliers par le Groupe hospitalier universitaire Paris, le village des solutions et les tables rondes où un clinicien intervient systématiquement. Nous avons constitué un comité scientifique, avec des jeunes professionnels, qui nous aide à réfléchir sur la priorité et la pertinence des sujets. Depuis la parution de mon livre Pop & Psy, je me sens très soutenu par mes pairs. Je suis régulièrement invité aux grands congrès nationaux de psychiatrie pour évoquer ce travail de déstigmatisation de la santé mentale. Je retrouve donc de la bienveillance voire un engouement pour notre démarche globale, sur les réseaux sociaux comme ailleurs. Cela montre aussi l’ouverture d’esprit des psychiatres.


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