jeudi 9 novembre 2023

Enfance Sensibilisation à l’école, délais judiciaires plus courts… un nouveau livre blanc pour la protection des enfants victimes de maltraitances

par Lucie Lefebvre  publié le 8 novembre 2023

L’association l’Enfant Bleu a présenté ce mercredi 8 novembre au gouvernement un livre blanc pour une meilleure protection des enfants contre les maltraitances, préconisant notamment de renforcer la prévention. Un comité interministériel à l’enfance doit avoir lieu d’ici la fin du mois.

Vingt-trois recommandations pour agir vite et mieux. L’association l’Enfant bleu a présenté ce mercredi 8 novembre un livre blanc pour une meilleure protection des enfants contre les maltraitances au ministre de l’Education nationale et de la Jeunesse, Gabriel Attal, et à la secrétaire d’Etat chargée de l’Enfance, Charlotte Caubel. L’objectif est d’aboutir à une nouvelle proposition de loi au Parlement, alors que la problématique a été particulièrement médiatisée ces dernières semaines, avec la mort, fin septembre, d’une fillette de 3 ans dans l’Eure et le triple infanticide commis par un gendarme dans le Val-d’Oise, fin octobre.

Tous les cinq jours en France, un enfant meurt sous les coups de ses parents, selon les chiffres de l’Observatoire national de la protection de l’enfance (ONPE). Une réalité sous-estimée. Le nombre de décès enregistrés par les forces de l’ordre ne prend pas en compte les cas non signalés, tels que les meurtres de nouveau-nés à la naissance ou les victimes du syndrome du bébé secoué. Sur ces derniers cas, l’Enfant bleu veut notamment créer une «infraction criminelle autonome». «Le seul fait que le syndrome du bébé secoué soit médicalement constaté devrait permettre l’ouverture d’une information judiciaire et la diligence d’une instruction», pointe le livre blanc. Les dernières propositions de l’association datent de 2016. Certaines ont été transposées dans la loi, comme l’amélioration des dispositifs de visites inopinées des services sociaux.

Formation des personnels éducatifs

Pour Isabelle Debré, présidente de l’Enfant bleu, la protection des enfants doit s’imposer comme grande cause nationale : «Les enfants d’aujourd’hui seront les adultes de demain. Si on ne les protège pas, que vont-ils devenir ? Malheureusement, le schéma est amené à se répéter. Quand un parent a été violent, il est très fréquent que l’enfant soit à son tour violent. Il faut faire en sorte de casser cette chaîne», explique-t-elle. Du côté du gouvernement, on assure vouloir faire de la lutte contre les violences faites aux enfants une «priorité numéro un», a souligné mercredi Charlotte Caubel.

Pour prévenir les maltraitances, l’association, qui intervient en classes, préconise de multiplier les actions de sensibilisation auprès du grand public mais surtout dans les établissements scolaires, en première ligne. A ce sujet, Gabriel Attal a indiqué vouloir «inscrire cet enjeu dans la formation initiale et continue des enseignants et des personnels éducatifs». «Un nouveau module axé sur les vulnérabilités de l’enfant dans le parcours de formation de chaque enseignant de France» est en préparation, selon le ministre.

La vigilance doit également être de mise lors du recrutement des professionnels et bénévoles qui approchent des enfants. Actuellement, seules les autorités judiciaires et administratives ont accès au Fichier judiciaire national des auteurs d’infractions sexuelles et violentes (FIJAISV), qui recense les personnes majeures ou mineures condamnées pour ce type de faits. L’association défend la création d’un référent national qui pourrait être sollicité avant une embauche par tout employeur, public ou privé, exerçant au contact des enfants. Selon la secrétaire d’Etat chargée de l’Enfance, une plateforme nationale est d’ores et déjà en cours de finalisation, et devrait voir le jour début 2024. Pour faciliter le suivi des enfants victimes de maltraitances, l’Enfant bleu réclame aussi la création d’un fichier national centralisant les informations préoccupantes et des signalements judiciaires. Objectif : empêcher, comme c’est le cas aujourd’hui, que «certaines familles passent sous les radars» après un déménagement, explique la directrice nationale de l’association, Laura Morin.

Empêcher les poursuites ordinales des médecins

L’Enfant bleu veut encourager tous les acteurs à signaler les cas de maltraitance. Les professionnels de santé jouent notamment un rôle clé dans la détection des violences, qu’ils s’agissent des généralistes, des spécialistes ou encore des urgentistes. Même si le fait que la victime soit mineure fait partie des exceptions permettant de lever le secret médical, il arrive que l’Ordre des médecins engage des poursuites contre les médecins ayant signalé une suspicion de maltraitance. Un risque qui «freine certains médecins dans le signalement»dénonce Isabelle Debré, pour qui ces poursuites ordinales doivent être empêchées.

Autre axe majeur d’amélioration pour l’association, les délais de réponses judiciaires. L’année dernière, le délai moyen entre la commission des faits et le classement sans suite ou la première orientation était de seize mois. L’association demande qu’une enquête soit ouverte dans les trois mois suivant son dépôt, et qu’elle s’accompagne systématiquement de l’audition de la victime et d’une recherche de preuves. Comme dans de nombreuses autres affaires, «les éléments de preuve tendent à disparaître avec le temps. Il est essentiel que les choses puissent avancer plus vite», insiste la directrice nationale.

«On ne peut pas les pousser à s’exprimer et les laisser sans réponse»

L’association réclame aussi la gratuité du suivi psychologique pour les enfants victimes de maltraitances. «Il y a une libération de la parole des enfants, mais il faut derrière pouvoir prendre les victimes en charge. On ne peut pas les pousser à s’exprimer et les laisser sans réponse», pointe Laura Morin, qui témoigne de «listes d’attente très longues pour obtenir une consultation» chez un psychologue.

Plusieurs acteurs du secteur appellent à manifester le 18 novembre «contre les violences faites aux enfants et en faveur de leurs droits». Une mobilisation qui précède le prochain comité interministériel à l’enfance, prévu pour fin novembre, alors que la Journée internationale des droits de l’enfant se tiendra le 20 novembre.


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