samedi 26 août 2023

Interview Résurgence du Covid : «La priorité est de comprendre le nouveau variant et préparer la campagne de vaccination»

par Yoanna Herrera   publié le 22 août 2023

La présidente du Comité de veille et d’anticipation des risques sanitaires, Brigitte Autran, fait le point avec «Libération» sur la situation épidémiologique en France.

Comme un air de déjà-vu. Rassemblements et autres festivals, gestes barrières oubliés et tests PCR non remboursés ont favorisé cet été les infections au coronavirus, désormais devenu endémique depuis décembre 2022. Malgré cette recrudescence, le scénario pandémique de l’année 2020 reste encore loin. «La circulation est faible, les impacts sur les hospitalisations sont faibles, la posture des autorités sanitaires est une posture de vigilance»avait rassuré la Direction générale de la Santé lors d’un point presse il y a deux semaines. La présidente du Comité de veille et d’anticipation des risques sanitaires (Covars), Brigitte Autran, revient pour Libération sur la situation sanitaire en France.

Alors que Covid-19 connaît un regain dans plusieurs pays, l’Organisation mondiale de la santé et les Etats-Unis ont annoncé vendredi surveiller attentivement un nouveau variant : BA 2.86. Est-il présent en France ? Quelles sont les caractéristiques ?

Le sous-variant BA 2.86 appartient à la dynastie omicron. Il a été détecté au Danemark, en Israël et aux Etats-Unis, mais il n’est pas encore présent en France. Il fait l’objet d’une plus grande vigilance notamment parce qu’il présente un plus grand nombre de mutations que les autres sous-variants de cette famille. Ces mutations le rendent susceptible d’évoluer de façon plus importante et par conséquent, de se répandre plus facilement.

Le variant Eris (BEG5.1), présent en France, vous inquiète-t-il ? Quelles sont les caractéristiques ?

Nous avons repéré Eris (BEG5.1) au cours du printemps et sa circulation s’accroît dans plusieurs pays dont la France, mais sans atteindre des taux catastrophiques pour l’instant. Même si on n’exclut pas qu’il devienne majoritaire, nous n’avons pas de signes d’une gravité particulière. Il découle du sous-variant XBB1.5 et les premières données scientifiques suggèrent qu’il est sensible aux nouveaux vaccins qui seront disponibles au début de l’automne.

Quels seront les vaccins proposés lors de la prochaine campagne de vaccination ?

Il y aura deux vaccins à ARN messager qui ont été mis au point pendant le printemps par les laboratoires Pfizer et Moderna ainsi qu’un vaccin aux particules recombinantes, développé par le Novavax en suivant les préconisations de l’OMS. En juin, l’Organisation mondiale de la santé a estimé qu’il était légitime de construire des vaccins monovalents, c’est-à-dire des vaccins composés sur la base du variant qui circulait le plus en juin afin de mieux affronter la période hivernale. En l‘occurrence, il s’agit du variant XBB 1.5. Ces vaccins seront proposés aux populations à risque.

Quelles sont les stratégies de surveillance actuellement en France ?

Les moyens de surveillance ont été réduits depuis le 30 juin. Une décision qui était par ailleurs prévue dans le cadre de la phase qui suit la reculade de la situation épidémiologique. Au printemps dernier, le taux de positivité au Sars-CoV-2 était extrêmement faible, en France comme à l’étranger, ce qui a permis d’alléger le système de surveillance. Actuellement, on a un système de vigilance qui est proche de celui de la grippe. On traque quotidiennement le nombre de cas qui font l’objet d’une consultation aux urgences ou chez SOS médecins. Tous les incidents sont remontés automatiquement à Santé publique France.

D’autres données comme le sexe, la classe d’âge et autres pathologies sont enregistrées et cela permet d’avoir un aperçu global du paysage épidémiologique. Lorsqu’une forme grave de la maladie se présente à l’hôpital, le virus est séquencé par les laboratoires du réseau Emergen. Les symptômes sont par ailleurs toujours séquencés. Enfin les informations sont partagées dans la base de données internationale Gisaid qui fait une compilation des variants présents dans tous les pays. Cela permet d’identifier les souches inquiétantes.

Notre système de surveillance est-il prêt à affronter une nouvelle vague épidémique ?

Nous traversons actuellement ce qu’on appelle une «phase intermédiaire». C’était attendu. Il est prévu que pendant l’automne, à une date pas encore déterminée, le système soit réajusté pour faire face de manière optimale à une amplification de risques. A ce moment, le système de veille sera modifié. Les mesures, telles que les prescriptions et les remboursements ou encore le séquençage des tests, se déploient par paliers. Tout ne peut pas être mis en place automatiquement. Les préconisations que nous avons connues dans le passé ont été instaurées et autorisées grâce à la loi d’urgence sanitaire. Pour l’instant, la priorité est de comprendre le nouveau variant et préparer la campagne de vaccination. Je rencontrerai le ministre de la Santé cette semaine.

Faudra-t-il revenir au port du masque obligatoire ?

Concernant le port du masque, il sera envisagé si on repassait dans une phase épidémique intensive, mais pour l’instant on n’en est pas là. En revanche, on recommande aux personnes infectées de s’isoler et de porter le masque si elles ont besoin de fréquenter un lieu public.

Pensez-vous qu’on en fait assez pour la qualité de l’air et la ventilation ?

On n’en fera jamais assez. C’est un sujet énorme. Je ne suis pas certaine que toutes les écoles et lieux publics soient équipés de système de filtration de l’air. Il est important de continuer à faire des efforts sur cet aspect.

Quant à la désinfection par rayonnement ultraviolet, est-elle efficace pour tuer le virus dans l’air ?

Non, cette méthodologie est efficace pour tuer certaines bactéries mais pas pour les virus comme le Sars-CoV-2.

Des chercheurs du CNRS, de l’Institut Pasteur et du Collège de France, en collaboration avec d’autres laboratoires internationaux ont publié récemment une étude dans la revue Nature qui montre que la diversité génétique humaine induite par la sélection naturelle influence la réponse immunitaire au Sars-CoV-2. Pouvez-vous nous expliquer ces résultats ?

On n’est malheureusement pas égaux devant toutes les maladies. Des sujets ont la chance de ne pas être malades lorsqu’ils sont infectés par un virus. Et ce sont les facteurs génétiques qui règlent ça. C’est également le cas pour d’autres virus comme le sida. Les groupes HLA (antigènes qui se trouvent à la surface d’une cellule) sont ceux qui permettent de ne pas avoir des symptômes et chaque corps est équipé différemment.

La sévérité de la maladie dépend de deux facteurs : la virulence et nos capacités de protection. La virulence propre du virus lui permet de s’attacher plus facilement aux cellules humaines quelle que soit la génétique de l’homme. Elle va augmenter ou diminuer selon les mutations. Les défenses immunitaires en revanche seront plus ou moins capables de faire face au virus lorsqu’il navigue dans l’organisme. Et ces capacités de protection sont dictées par notre génétique.


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