dimanche 11 juin 2023

Interview Attaque au couteau à Annecy : comment en parler aux enfants ?

par Cécile Bourgneuf.  publié le 8 juin 2023 

Selon la psychanalyste Claude Halmos, les parents ont tout intérêt à parler de cet événement traumatisant aux enfants pour ne pas les laisser seuls avec leur angoisse.

«La Nation sous le choc», a réagi le Président, Emmanuel Macron, après l’attaque au couteau qui a fait six blessés ce jeudi 8 juin à Annecy (Haute-Savoie). Parmi eux, quatre enfants âgés de 22 à 36 mois, poignardés sur l’aire de jeux d’un parc très fréquenté au bord du lac de la ville par un homme de 31 ans. Les enfants n’étant pas hermétiques aux informations anxiogènes relayées dans les médias, la psychanalyste Claude Halmos conseille aux parents d’en parler avec eux, pour les rassurer.

Quatre enfants en bas âge ont été blessés au couteau dans une aire de jeux. C’est particulièrement perturbant lorsqu’on est très jeune d’apprendre cette nouvelle.

Bien sûr, puisque la violence et l’horreur pénètrent tout à coup leur monde, ce qui paraît encore plus incompréhensible, impensable. Ils peuvent donc se dire que si cela peut arriver à des enfants, cela peut leur arriver. Et cela peut leur arriver dans un lieu public qui fait partie de leur univers connu et rassurant, où il n’y a traditionnellement pas de violence.

Quelles angoisses cela peut-il entraîner chez eux ?

Cela dépend des enfants et de la façon dont ils vont l’apprendre. Ce n’est pas la même chose si cela vient de leurs parents, qui vont les rassurer, ou s’ils l’apprennent brutalement dans la cour de l’école par un autre enfant, plus grand, qui pourra se servir de la nouvelle pour leur faire peur. Cela peut déclencher chez eux, de façon brutale, un sentiment d’insécurité, l’impression que le monde est subitement devenu dangereux, ce qui est traumatisant.

Les parents doivent donc prendre les devants pour leur expliquer ce qu’il s’est passé ?

C’est indispensable à partir du moment où tout le monde en parle dans les transports, dans la rue, chez le boulanger, à l’école. Les nounous vont en parler entre elles au parc avec les enfants autour d’elles, qui peuvent entendre des mots qui font peur. Il faut parler à l’enfant dès qu’il est en contact avec les autres, et c’est possible dès 3 ans. Les paroles de ses parents, dans une relation de confiance et de tendresse, créent pour lui une sorte de cadre intérieur dans lequel tout ce qu’il pourra entendre ensuite viendra s’inscrire ; et cela en atténuera la violence éventuelle. Et surtout, si ses parents lui parlent d’un sujet, l’enfant sait qu’il a, lui aussi, le droit d’en parler, que ce n’est pas interdit. C’est fondamental pour qu’il ne garde pas les informations traumatisantes pour lui et qu’il ne reste pas seul avec son angoisse. Il serait très important aussi que les enseignants puissent en parler en classe parce qu’il y aura forcément des parents qui n’en auront pas parlé.

Comment les adultes doivent-ils s’y prendre pour expliquer un tel événement ?

Il n’y a pas de bonne façon de faire. C’est tellement bouleversant que chacun fait comme il peut. Il faut juste ne pas montrer de photos, d’images qui peuvent happer les enfants. Et il ne faut pas non plus donner des détails pour éviter que l’enfant ne se fasse un petit film d’horreur dans sa tête. C’est important de lui dire qu’il est normal qu’il ait peur, que ce n’est pas parce qu’il est peureux et petit, mais parce qu’une agression comme celle-là fait peur à tout le monde, même aux grandes personnes, parce qu’elle est effrayante. Donc on peut parler ensemble de sa peur. On peut aussi leur dire qu’il y a eu une minute de silence à l’Assemblée nationale. C’est rassurant pour l’enfant de savoir qu’il y a un collectif autour de nous, que tout le monde est très ému, qu’on n’est pas seul au monde.

Les enfants demanderont forcément pourquoi l’attaquant a commis cela. Que peut-on leur répondre ?

Il faut dire la vérité. Qu’on ne sait pas pour l’instant. Mais il faut expliquer que, quelles que soient ses motivations, un homme qui fait une chose pareille est un homme qui va très mal dans sa tête, et que c’est très rare d’aller mal à ce point-là. Qu’en général cela donne des signes avant, qui permettent d’arrêter et de soigner ces personnes qui ne vont pas bien. On peut aussi leur dire que la police est présente dans les rues, qu’il y a des caméras de surveillance. Il faut que l’enfant comprenne que de tels faits sont exceptionnels. Et que c’est pour cela, d’ailleurs, que l’on en parle tellement.


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