mardi 21 février 2023

Un jeune sur cinq présente des troubles dépressifs

Par   Publié le 14 février 2023

Une enquête de Santé publique France a montré une hausse des épisodes de dépression en 2021 dans toute la population ; la part des 18-24 ans touchés a quasiment doublé depuis 2017.

La crise sanitaire provoquée par l’épidémie de Covid-19, qui dure depuis trois ans, a eu un fort impact sur la santé mentale de la population. La hausse du nombre de personnes souffrant de troubles dépressifs est « sans précédent »depuis 2017, selon le dernier Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH), publié mardi 14 février par Santé publique France (SPF).

Globalement, 13,3 % des personnes âgées de 18 à 75 ans ont connu un épisode dépressif au cours de l’année 2021, une hausse de 36 % par rapport à 2017. La hausse est majeure chez les jeunes adultes (18-24 ans), avec 20,8 % de cette tranche d’âge touchée en 2021, contre 11,7 % quatre ans auparavant, une hausse de près de 80 % ; les jeunes femmes sont plus concernées (26,5 %) que les jeunes hommes (15,2 %).

Ces chiffres sont issus du baromètre de Santé publique France, qui a interrogé 24 514 personnes âgées de 18 à 85 ans par téléphone et en ligne, selon un sondage aléatoire qui évalue régulièrement l’état de santé psychique de la population depuis 2005.

Pour mesurer la dépression, l’agence sanitaire utilise comme instrument de mesure une version courte du questionnaire Composite International Diagnostic Interview, développée par l’Organisation mondiale de la santé, qui sert à définir l’épisode dépressif caractérisé. Celui-ci correspond à l’existence d’un épisode de tristesse ou de perte d’intérêt pendant au moins deux semaines consécutives, et d’au moins trois symptômes dits « secondaires » (fatigue, perte ou prise de poids, problème de sommeil, de concentration, idées de mort…), avec un retentissement sur la vie quotidienne. Ces épisodes sont qualifiés de légers, modérés ou sévères. « On s’attendait à cette hausse, mais pas à un tel niveau, notamment chez les jeunes », constate Christophe Léon, chargé des enquêtes dans l’unité santé mentale de SPF, et également l’un des auteurs.

Cette forte prévalence dans la tranche d’âge 18-24 ans, une période-clé, « est en partie liée à des situations de vie – situations professionnelle, familiale et financière – rendues sans doute plus précaires dans le contexte de crise sanitaire », signalent les auteurs du BEH.

« L’isolement social généré par les confinements, les incertitudes quant aux études et à l’avenir, la précarité mise en lumière lors de la pandémie, et probablement le contexte actuel très anxiogène – crise climatique, guerre, situation économique –, ont pesé fortement sur les plus jeunes », décrypte Enguerrand du Roscoät, responsable de l’unité santé mentale à SPF, coauteur de l’étude. Avoir des antécédents de troubles mentaux est aussi un facteur de risque.

Stress causé par l’épidémie de Covid-19

« Les personnes vivant dans les grandes villes, notamment en Ile-de-France, sont les plus concernées, de même que ceux qui ne sont pas à l’aise financièrement, qui vivent seules ou en famille monoparentale, qui sont au chômage », précise cette enquête. Parallèlement, « le fait d’avoir eu des symptômes du Covid-19, le stress sans précédent causé par l’épidémie, et les mesures de contrôle en découlant semblent être des facteurs majeurs », soulignent les auteurs. « Les femmes sont plus concernées quel que soit l’âge, elles sont notamment exposées à davantage de facteurs de risque en raison de conditions de vie plus compliquées, de revenus plus faibles, elles sont soumises à davantage de violences », précise Enguerrand du Roscoät.

Ces données vont dans le même sens que de nombreuses études internationales et nationales sur l’état psychique de la population. Ainsi, les données du réseau Oscour (société française de médecine d’urgence) ont montré une hausse des passages aux urgences pour troubles de l’humeur (des épisodes dépressifs dans 80 % des cas) et/ou idées suicidaires, 23 % chez les 18-24 ans, et 58 % chez les 11-17 ans en 2021 par rapport à 2018. Cette tendance s’est même accentuée en 2022, selon SPF. Vulnérable, la population étudiante déprimée a doublé de 2010 à 2021, pour atteindre 20,3 %.

La même tendance est retrouvée avec CoviPrev – un suivi mis en place par SpF en mars 2020, qui interroge en ligne, avec la société d’études et de conseils BVA, des échantillons de 2 000 personnes. Selon la dernière mesure, réalisée en décembre 2022, 17 % des Français montrent des signes d’un état dépressif, 7 points de plus qu’avant l’épidémie et 24 % un état anxieux.

Les professionnels de santé s’inquiètent, d’autant plus que de nombreuses personnes ne consultent pas. Or, l’important, pour mieux prendre soin de soi, est de pouvoir en parler, aux proches, à son médecin, ou de s’informer et surtout d’appeler par exemple le 3114 en cas d’idée suicidaire, pour soi-même ou pour un proche.


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