samedi 24 décembre 2022

La Bulgarie sous le choc après un échange de bébés dans une maternité

Par   Publié le 27 décembre 2022

L’événement serait survenu dans la pouponnière où les nouveau-nés sont placés quasi obligatoirement après l’accouchement. Le parquet de Sofia a ouvert une enquête.

Une infirmière nourrit un nouveau-né dans une maternité en Bulgarie, le 13 septembre 2022.

La mère aurait découvert le pot aux roses en raison du manque de ressemblance de son bébé et notamment de la couleur de ses yeux, plus foncée que celle à laquelle elle s’attendait. Mercredi 21 décembre, différents médias de Bulgarie ont révélé une spectaculaire histoire d’échange de bébés digne du scénario du film La vie est un long fleuve tranquille.

Selon leurs révélations, confirmées par le parquet de Sofia, qui a ouvert une enquête, deux bébés nés le 13 septembre dans le même hôpital très réputé de la capitale ont été échangés à la naissance. L’événement serait survenu dans la pouponnière où les bébés bulgares sont toujours placés quasi obligatoirement après l’accouchement et pendant leurs premières heures, conformément à une pratique héritée du communisme qui a la vie dure même si elle est de plus en plus contestée par les jeunes parents bulgares.

Les deux bébés avaient bien été dotés de bracelets numérotés censés les différencier avant d’être envoyés en pouponnière, mais « ils n’ont ensuite pas été vérifiés » à leur retour auprès de leurs mères, a déploré le directeur de la maternité Sheinovo, Roumen Velev, qui a présenté ses excuses aux deux familles en assurant « que cela ne lui était jamais arrivé en trente ans de carrière »« Des négligences ont été démontrées à plusieurs étapes de la chaîne », a aussi dénoncé le ministre de la santé, Asen Medzhidiev, en annonçant une enquête administrative et en promettant des « mesures très sérieuses ».

« Je me battrai jusqu’au bout devant les tribunaux »

Pétrie de doutes sur sa maternité, la mère qui a découvert le problème aurait entrepris un test ADN qui a confirmé la mégarde début décembre. Elle a contacté ensuite l’hôpital qui a tout de suite identifié et prévenu l’autre famille.

Le directeur de la maternité, M. Velev, a assuré que personne n’avait intentionnellement échangé les bracelets dans la pouponnière et estimé qu’il était « intriguant » qu’aucun des parents n’ait « fait attention au numéro de bracelet pendant plus de trois mois ». Pour éviter la répétition d’une telle mégarde, il préconise de passer à un système de « code-barres ».

L’issue d’une éventuelle procédure de restitution est pour l’instant complètement incertaine. Maria Sharkova, avocate spécialiste en droit de la santé, assure ainsi qu’elle « n’a jamais entendu parler d’un tel échange » en Bulgarie, même après avoir étudié la jurisprudence de « ces quinze dernières années ».

Si la mère qui a découvert la méprise reste silencieuse, l’autre a par ailleurs fait savoir devant les caméras bulgares qu’elle n’entendait pas revenir en arrière. « Le médecin est venu à l’improviste chez nous et m’a dit : “Restez calmes, je vais vous expliquer et vous montrer des photos de l’autre bébé.” Mais depuis que j’ai découvert ce truc, je ne peux pas dormir ni manger, a raconté Sevda Mihailova. Mon enfant va bien, je me battrai jusqu’au bout devant les tribunaux. »

« Façon toujours paternaliste de voir l’accouchement »

Le procureur adjoint de Sofia, Ivan Stefanov, a confirmé que les deux enfants resteraient pour l’instant chez leurs parents légaux, le temps d’une éventuelle procédure.

« En premier lieu, les actes de naissance de ces enfants doivent être contestés du point de vue de la mère. Je ne sais pas si les parents sont mariés. Ce sont des choses qui vont vraiment prendre du temps », a estimé Maria Petrova, une autre avocate spécialisée en droit médical sur la chaîne bTV, en dénonçant « l’organisation archaïque » des hôpitaux bulgares où « il n’y a pas de possibilité pour la mère de rester avec son enfant ».

« Tout cela n’aurait pas pu se produire sans cette façon toujours très paternaliste de voir l’accouchement, estime aussi Maria Sharkova, qui est très active sur cette question. La plupart des maternités ne prévoient pas de peau à peau et les pères doivent souvent payer des frais supplémentaires s’ils veulent être présents dans la salle d’accouchement. Du coup, les parents ne peuvent bien souvent pas voir tout de suite leur bébé à la naissance, surtout en cas de césarienne. »

Le procureur Ivanov a estimé que si son enquête établissait le responsable de cet échange, il pourrait se voir infliger une peine allant « jusqu’à deux ans de prison ». Face au choc généré par cette affaire, l’association des sages-femmes bulgares a, de son côté, dénoncé « un acte inacceptable », mais fait aussi savoir son « inquiétude quant aux commentaires infondés sur l’affaire et à la recherche de coupables avant que l’enquête ne soit conclue ».


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