lundi 21 novembre 2022

La mort de Charles Melman, grand maître de la psychanalyse


 



Par    Publié le 20 novembre 2022

Proche de Jacques Lacan, il fut responsable des enseignements au sein de son Ecole freudienne de Paris. Il s’est éteint le 20 octobre à l’âge de 91 ans.

Charles Melman.

Le 20 octobre, un des derniers grands maîtres de la psychanalyse nous a quittés. Charles Melman, né le 3 juillet 1931, fondateur de l’Association lacanienne internationale (ALI), se disait, lui, plus volontiers élève que maître. En l’occurrence celui de Jacques Lacan (1901-1981) surtout, qu’il suivra dès 1957, année où il commence une analyse avec lui.

Quelques années plus tard, il devient ainsi l’un de ses plus proches élèves, responsable des enseignements au sein de son Ecole freudienne de Paris et directeur de sa revue, Scilicet. A la mort de Lacan, en 1981, la confusion, les guerres d’égos et les coups bas meurtrissent le milieu lacanien, de nombreux analystes sont en plein désarroi.

Melman décide alors de répondre à ce malaise en fondant, en juin 1982, avec quelques collègues (Jean Bergès, Marcel Czermak, Claude Dorgeuille), l’Association freudienne, devenue ensuite Association lacanienne internationale (reconnue d’utilité publique en 2007). L’ALI compte en 2022 plus de 600 membres (ils étaient 26 en 1982) et de nombreux adhérents. Elle continue de former des analystes et de contribuer à la recherche psychanalytique, et a notamment publié la transcription intégrale et fidèle de tous les séminaires de Lacan (réservés à ses membres pour des questions de droit).

Charles Melman y a assuré un enseignement fédérateur pendant plus de quarante ans. Il a ainsi formé, depuis la fin des années 1960, plusieurs générations de psychanalystes. En 2010, il fonde l’Ecole pratique des hautes études en psychopathologie (Ephep) pour permettre à de futurs cliniciens, qui ne le trouvent plus guère à l’université, d’avoir accès à une formation solide en psychopathologie et en psychanalyse.

Importantes avancées théorico-cliniques

Melman a publié de nombreux ouvrages (dont beaucoup sont des retranscriptions de ses séminaires), articles et conférences. En 2002, L’Homme sans gravité. Jouir à tout prix (Denoël), son livre d’entretiens avec Jean-Pierre Lebrun, a eu un retentissement au-delà du seul milieu psychanalytique. Il met l’accent sur les conséquences cliniques des évolutions sociétales récentes (levée des limites, chute du patriarcat, promotion des jouissances, règne de l’objet, etc.).

Les questions posées par la pratique analytique ont toujours été au cœur de ses travaux, dans lesquels il était soucieux de montrer comment l’enseignement de Lacan, réputé difficile, voire abscons, permettait au contraire de se repérer dans la clinique, qu’elle soit classique ou nouvelle, individuelle ou sociale.

Outre la formation des analystes et la production d’avancées théorico-cliniques importantes (le « complexe de Moïse », qu’il ajoute au complexe d’Œdipe freudien, le « phénomène du mur mitoyen » dans la psychose, la « nouvelle économie psychique »…), Charles Melman s’est aussi impliqué dans des débats de société. Il a notamment eu une influence importante dans la mise en place des traitements de substitution pour les toxicomanes en France dans les années 1990, estimant qu’il fallait calmer leur course infernale pour leur permettre de pouvoir parler à un clinicien (et éviter en même temps de nombreux morts du Sida, maladie qui faisait de nombreuses victimes dans cette population).

Subversif et sans concessions

Il a également contribué à la mise en place de la détection précoce de l’autisme, par le truchement de l’association Préaut (même si ses positions théoriques sur cette question ont été critiquées). Lors de la discussion de l’amendement Accoyer sur la réglementation des psychothérapies en 2004, il s’est engagé pour que le gouvernement reconnaisse la place et la spécificité de la psychanalyse. Encore récemment il a été auditionné à l’Assemblée nationale pour éclairer la commission d’enquête sur la sombre affaire du meurtre de Sarah Halimi.

Jusqu’à la fin il est resté au travail, plein d’énergie, soucieux de ses patients et de l’avenir de la psychanalyse. Son franc-parler, son côté subversif et sans concession (autoritaire, diront certains) lui ont valu quelques inimitiés parmi les analystes et dans les médias. Cela explique sans doute, sans le justifier, le relatif silence qui a suivi sa mort.

Charles Melman nous laisse un enseignement rigoureux et inventif qui vient poursuivre et compléter ceux de Freud et de Lacan, et dont de nombreux analystes s’inspirent déjà. Pour ceux que la psychanalyse intéresse, questionne ou dérange, de nombreuses transcriptions de ses séminaires ou conférences sont déjà publiées, d’autres paraîtront.

Charles Melman en quelques dates

3 juillet 1931 Naissance à Paris

1962 Responsable de la direction de l’Ecole freudienne de Paris

1982 Fonde l’Association freudienne

2010 Fonde l’Ecole pratique des hautes études en psychopathologie

20 octobre 2022 Mort à Paris


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