lundi 7 novembre 2022

Dans le Michigan, des gynécologues montent au front pour protéger le droit à l’avortement

Par   Publié le 7 novembre 2022

Depuis la décision de la Cour suprême américaine d’abolir le droit fédéral à l’avortement, le Michigan accueille de plus en plus de femmes venues de loin pour avoir recours à une interruption volontaire de grossesse. Les gynécologues et obstétriciens se mobilisent afin de sanctuariser cet acquis fragile.

Shari Maxwell, gynécologue depuis trente-quatre ans, engagée dans la défense du droit à l’avortement. Ici dans son cabinet, à Dearborn (Michigan), le 21 octobre 2022.

Shari Maxwell a trente-quatre ans de gynécologie et d’obstétrique ­derrière elle. L’écouter dérouler ses souvenirs, c’est voir défiler des femmes et leurs souffrances dans son cabinet de l’hôpital Beaumont, à Dearborn, dans le Michigan.

« Je pense à une jeune fille violée par un gang. Je pense à ces femmes pauvres à la santé fragile, dont la grossesse va considérablement aggraver le diabète ou les problèmes cardiaques. Je pense à une femme atteinte d’un cancer très agressif, on sait que la chimio et les radiations sont néfastes pour le fœtus, doit-elle attendre neuf mois ces soins urgents en prenant le risque de mettre au monde son enfant et de mourir ? Je dois leur donner l’option de l’avor­tement. Ce sont des décisions ­difficiles. Les femmes pleurent, ici. J’en ai vu qui m’ont dit qu’elles préféraient prier plutôt qu’avorter. C’est leur choix et rien d’autre, mais au moins nous en avons discuté. Ce qui se passe ici, c’est entre elles et moi, et je ne veux personne d’autre qu’elles et moi, je ne veux aucun politicien dans mon cabinet. »

Ils y sont entrés, pourtant, et sans effraction, avec la bénédiction de la Cour suprême des Etats-Unis, qui a aboli, en juin, le droit fédéral à l’avortement. Alors Shari Maxwell en est sortie, de son cabinet, avec ses histoires et sa voix ferme. La gynécologue ne s’était jamais engagée auparavant, mais elle doit défendre le droit d’avorter, toujours légal mais fragile dans le Michigan.

« Vous savez, comme praticienne, je me dis souvent en pensant à tout ce qu’il faudrait faire dans ce monde : “Je n’ai pas le temps, je suis débordée”, mais là, je l’ai trouvé, le tempsIl s’agit des femmes. Il s’agit de nous. De ce à quoi j’ai dévoué toute ma vie. Je devais faire quelque chose. J’ai été dévastée quand la décision de la Cour suprême est tombée. J’en ai été malade. J’ai eu de violentes brûlures d’estomac. Comment en est-on arrivé là ? »

Une proposition soumise au vote

On pourrait résumer ce « là » par la froide page d’accueil du site Internet fédéral Abortion­Finder.org. « 1. Entrez votre adresse. 2. Entrez le premier jour de vos dernières règles. 3. Donnez votre âge. 4. Cliquez sur “Trouver un centre d’avortement” ».

On y arrive par le site du Planning familial du Wisconsin, où l’avortement est désormais interdit, ou par celui du Texas, qui annonce : « A la suite de la décision de la Cour suprême américaine de rompre avec la jurisprudence Roe vs Wade, les ­services d’avortement sont pour le moment suspendus dans nos centres et peuvent être perturbés dans d’autres Etats. » Abortion­Finder.org peut vous envoyer dans le ­nord-est du pays, vers les Grands Lacs et les ruines de l’ère industrielle : vers les médecins et les ­cliniques du Michigan.

Du côté de Detroit, sur 97.9 WJLB, entre hip-hop et R’n’B, on y entend la voix de la gynécologue Shari Maxwell : « Voter oui à la proposition numéro 3, c’est du bon sens. C’est permettre aux femmes du Michigan de faire leur choix en toute liberté, et à leur médecin de les accompagner sans craindre d’être poursuivi. » Elle fait campagne.

La Proposal 3 recommande d’inscrire le droit à l’avortement dans la Constitution de l’Etat du Michigan. Elle sera soumise au vote le 8 novembre, jour des ­élections de mi-mandat, car il est possible aux Etats-Unis d’ajouter des sujets, locaux ou non, sous forme de référendum, au choix rituel du gouverneur, du député, du sénateur ou du procureur général. Il faut, pour cela, aligner au moins 450 000 signatures.

Dès le mois de juin, les associations comme l’ACLU (American Civil Liberties Union) du Michigan ont fait tourner une pétition en faveur de l’avortement, qui a circulé comme jamais aucune autre, n’évitant pas les lieux de travail, alors que les bureaux sont généralement préservés de la politique. Cette pétition a recueilli 735 000 signatures. Du jamais-vu.

Si le oui l’emporte, les fièvres de Washington ou les assauts religieux du vieux monde n’y changeront plus rien, l’avortement sera inscrit dans le marbre constitutionnel de l’Etat. Si le non l’emporte, le droit à l’interruption de grossesse sera toujours à la merci d’un juge ou d’une alternance politique.

Une loi du Michigan de 1931 interdisant tout avortement sauf en cas de risque mortel pour la mère plane encore. Elle n’a jamais été abrogée. Elle était tombée en désuétude avec les jurisprudences des années 1970 et la reconnaissance du droit fédéral à avorter, mais elle aurait pu de nouveau s’appliquer après l’arrêt de la Cour suprême si la gouverneure démocrate, Gretchen Whitmer, ainsi que plusieurs associations n’avaient saisi les tribunaux, qui ont pour l’heure gelé son application.

L’Eglise à la pointe du combat

« L’avortement est toujours légal dans le Michigan », triomphait, en juin, le site du Planning familial de l’Etat. Il a, depuis, vu affluer des patientes du Wisconsin, et de l’Ohio voisin qui, dès le mois de juin, a réduit le délai légal à six semaines de grossesse (décision remise en cause par une cour de justice en septembre). Il a donné des rendez-vous à un nombre très élevé de femmes arrivant du lointain Texas.

Là-bas, un médecin risque désormais la ­prison à vie s’il pratique une interruption de grossesse, et le taux de mortalité maternelle serait en forte en hausse. Voilà pourquoi, d’après les chiffres qui circulent dans les cliniques, les IVG ont bondi de 40 % dans le Michigan.

« Les antiavortement racontent n’importe quoi, mais ils ont beaucoup d’argent, ils reçoivent des fonds de tout le pays. » Shari Maxwell, gynécologue

Ainsi va « post Roe ». C’est l’expression désormais consacrée pour dépeindre les Etats-Unis depuis le revirement de la Cour suprême et l’abandon du droit fédéral d’avorter. La langue américaine a le don de synthétiser, d’écourter, de broyer les mots pour les prendre de vitesse jusqu’à l’acronyme. Les ondes, les médias, les candidats, parlent de ça quand s’épuisent les questions sur l’inflation et le pouvoir d’achat.

Post Roe… Pro choice… Pro life… Des mots moignons à l’opposé des ­émotions, des complications, du supplice des décisions à prendre, à l’opposé d’une grossesse, interrompue ou non. Il faut ajouter ici Prop 3, pour cette Proposal 3 que la médecin Shari Maxwell défend donc sur les ondes. En consultation, les femmes lui demandent si quelque chose a changé, si elles ne risquent rien – ce « elles » pouvant désigner la patiente autant que la gynécologue. Elle répond que, pour l’instant, tout est comme avant, qu’elle ne veut pas avoir les mains liées et ce quoi qu’il arrive. « Je n’en ai rien à faire d’être poursuivie si je dois l’être. »

Un des centres de Planning familial du Michigan.

Au pied de l’hôpital, une ville aux multiples populations, aux multiples religions (la plus forte concentration de musulmans des Etats-Unis), et des autoroutes à n’en plus finir où scintillent des panneaux lumineux qui appellent à voter« no », prétendant, à coups de montages photo, que la proposition numéro 3, c’est la stérilisation chirurgicale des mineurs sans le consentement de leurs parents.

« Les antiavortement racontent n’importe quoi, mais ils ont beaucoup d’argent, ils reçoivent des fonds de tout le pays. L’Eglise catholique est très en pointe dans ce ­combat », soupire Shari Maxwell. A Royal Oak, le sanctuaire de la basilique Petite-Fleur a installé sur sa pelouse au bord de la route des centaines de petites croix blanches, cimetière fictif des enfants qui auraient dû naître.

La mort est bien plus proche quand on écoute les médecins. Femme en état critique, avec grossesse sur cicatrice de césarienne, à qui le médecin n’osait plus prodiguer les soins d’urgence par crainte de finir en prison dans un Etat où l’avortement est interdit.

Femme avec placenta ­praevia (localisation anormale du placenta pouvant entraîner des hémorragies) et fœtus mort de 19 semaines qu’on envoie en urgence cet été à l’hôpital de l’université du Michigan d’Ann Arbor depuis l’Ohio, faute d’infrastructure chirurgicale à proximité pour pratiquer l’avortement. « Par chance, cet hôpital n’est qu’à quarante-cinq minutes de notre clinique », explique la gynécologue qui a décidé ce transfert.

Appelons-la Elisabeth. Ce n’est pas son prénom, mais elle ne veut pas voir son nom publié. « Je serais virée », dit-elle, assise dans sa cuisine. Elle travaille dans un hôpital catholique, elle est donc doublement contrainte par la loi de l’Ohio et la doctrine de l’archevêque. Elle est loin d’être la seule à ne pas pouvoir parler ouvertement. Le système hospitalier américain est aux mains de fondations privées mais aussi, très souvent, d’organisations religieuses qui combattent avortement et contraception.

Des procès de médecins à venir

Avant même la décision de la Cour suprême, 86 % des comtés américains étaient dépourvus de structure pour avorter. Voyager, passer d’un Etat à l’autre, d’une loi à l’autre… C’était déjà comme ça. « Disons que, depuis le mois de juin, on est passé d’une heure de transport en moyenne pour avorter, à trois ou quatre heures de route », explique Elisabeth.

Elle a suivi de près le cas de cette fillette de 10 ans, enceinte après avoir été violée, dans cet Etat où elle exerce, l’Ohio. Les six semaines de grossesse étaient dépassées, l’avortement était impossible. Son histoire a fait le tour du monde cet été« Dix ans ! Violée, enceinte de six semaines, déjà traumatisée, et forcée de se rendre dans un autre Etat ! », s’était étranglé le président Joe Biden.

Une médecin de l’Indiana avait finalement pris l’enfant en charge. « Et elle a été poursuivie par le procureur de l’Etat !, s’indigne Elisabeth. Non pas pour avortement puisque c’est encore légal dans l’Indiana, mais sur des bases juridiques douteuses, pour l’avoir rendu public et avoir ainsi défendu une idéologie politique. Ça n’a abouti à rien, mais ils ont essayé de l’avoir ! Elle a reçu le soutien de tous les gynécos de ce pays. Nous savons qu’il faudra un premier procès. Un procès qui aura valeur de test. Aucun de nous ne veut être le premier médecin devant la justice. Mais il en faudra un. » Qui montrera que les médecins n’ont eu d’autre choix que celui d’enfreindre la loi.

Elisabeth raconte des patientes pauvres, qui la consultent grâce au Medicare, « qui n’ont pas 30 dollars pour se payer un taxi » et ne pourront donc s’en aller avorter ailleurs s’il le faut. Comment les femmes qui ne peuvent pas voyager feront-elles ? Les consultations à distance existent, par téléphone ou ordinateur. Jusqu’en juin, les centres agréés pouvaient prescrire une pilule abortive et même l’expédier. Mais depuis la décision de la Cour suprême, les médecins envoient l’ordonnance, et c’est à la patiente de se débrouiller pour la récupérer dans les plus brefs délais. Car un médecin certifié dans le Michigan ne l’est pas au Texas, et les antiavortement, leurs juristes, leurs gouverneurs sont à l’affût de cette médecine sans frontières.

Tout est à réinventer. Le Planning familial de l’Illinois, où l’avortement est légal, a posté des camions transformés en cliniques ambulantes à la frontière sud de l’Etat pour s’approcher des femmes du Kentucky, du Tennessee, du Mississippi, de l’Alabama. Ses instances nationales réfléchissent à certifier des médecins à l’échelle du pays. Dans le Michigan, les levées de fonds s’intensifient pour payer déplacements et nuits d’hôtel à celles qui n’en auraient pas les moyens. « Quand les conservateurs attaquent le droit à l’avortement, à qui s’en prennent-ils ? Aux pauvres ! », tempête Shari Maxwell dans son hôpital de Dearborn.

Elle a grandi à Flint – « vous savez, là où il y a eu ce scandale de l’eau… » –, cette cité ouvrière et noire, mise sous tutelle financière en 2011 par le gouverneur républicain Snyder, comme beaucoup de villes pauvres du Michigan, et dont l’approvisionnement en eau potable fut subitement raccordé à la rivière chargée de plomb et de légionellose, pour faire des économies. Toute une population et ses enfants ont été empoisonnés durablement, parfois mortellement.

Shari Maxwell vient de là, sa famille y vit encore, et devenir médecin n’était sûrement pas le scénario le plus probable pour elle. « Je déteste l’idée que les conservateurs ciblent consciemment les pauvres, et les Afro-Américains en particulier. Disons qu’ils ne les prennent jamais en considération. Ils nous affirment qu’il est possible d’apporter un soutien psychologique à une jeune fille tombée enceinte après un viol, mais je sais que si leur propre fille était violée, ils ne se contenteraient pas de lui faire suivre une psychothérapie. »

Se préparer à l’afflux de patientes

Elisabeth n’a pas la même histoire. Mais accompagner les femmes, leurs cycles, deviner chez chacune d’elles la marge des choix, la douceur ou la violence qui l’entoure, c’est regarder lucidement l’histoire de son pays. « Dans les années 1980, il y avait cette figure de la Welfare queen, cette fraudeuse à l’aide sociale et médicale, souvent noire et pauvre. Pure propagande ! Toutes les études ont montré que les fraudes étaient microscopiques. C’est la même chose avec l’avortement. Les politiciens jouent avec l’idée que les femmes n’en font qu’à leur tête et avortent quand ça leur chante. C’est si loin de ce qu’elles vivent. Et lorsque les femmes avortent tardivement, ce qui est très rare, nous découvrons que c’est toujours à cause de quelque chose d’extrê­mement grave. Tous ceux qui attaquent leur libre choix sont ­également les plus fermement opposés au congé maternité, qui n’existe pas dans ce pays ! Les femmes ne sont qu’un pion dans le jeu politique. »

Elle écarte une mèche brune qui tombe sur ses yeux cernés par deux jours de garde. Elle s’apprête à ­prêter main-forte à une clinique qui pratique l’avortement dans le Michigan, deux jours par mois, en plus de son plein-temps à l’hôpital.« Quand Roe est tombé, j’ai compris qu’il y aurait un afflux de demandes, et ça m’a semblé important d’y répondre. »

DJ, assistante médicale dans un Planning familial du Michigan, le 24 octobre.

L’afflux est là. Le Planning familial du Michigan a mis en place une seconde plate-forme d’appel. Dès le printemps, quand une possible décision de la Cour suprême a fuité, les salariés ont reçu un e-mail du sommet, qui disait en substance : « Nous allons tenir. Nous saurons répondre. Mais préparez-vous au pire. » DJ s’en souvient, de cet e-mail. « Préparez-vous au pire », répète cette assistante médicale.

Elle aussi parle anonymement, après le travail, depuis sa petite maison aux murs colorés, en s’excusant du désordre. « Seul l’état-major est autorisé à parler publiquement. On est soumis à des règles très strictes quand on est embauché. On ne doit, par exemple, jamais parler aux manifestants, jamais réagir. On en a sûrement le droit en dehors des heures de travail, si on les rencontre au supermarché. Mais, même ça, notre direction ne préfère pas. Ils veulent contrôler chaque mot. Je peux ­comprendre… »

Faut-il qu’une guerre soit déclarée pour qu’une assistante médicale soit tenue au silence du soldat, que seule la chaîne de ­commandement soit autorisée à parler, et si débordée qu’elle ne répond jamais. DJ a besoin de raconter. « De trois avortements par jour, on est passé à huit, dans mon centre. Holy shit ! Peut-être les gens pensent-ils que ce choix ne sera plus possible dans le futur. » Il y a un an, quand elle a rejoint le Planning familial, sa grand-mère, en l’apprenant, a poussé un cri. « J’ai un instant pensé avec horreur : “Oh non, pas toi, t’es pas contre l’avortement.” Elle m’a dit : “Mais non ! j’ai peur que tu te fasses tuer ! »

DJ – dont on ne peut raconter l’histoire, sinon une enfance dans un milieu blanc très modeste (« white trash », comme elle dit), semble avoir franchi un pas énorme en passant derrière l’accueil vitré d’un centre du Planning familial. Elle voit arriver toutes ces jeunes femmes « sans assurance médicale, donc persuadées qu’elles n’ont droit à rien, mais aussi et surtout sans éducation sur la variété des moyens de contraception. Je leur parle pilule, stérilet, implant, diaphragme, je leur dis qu’elles y ont droit, elles me regardent avec des yeux ronds. I fucking love it ! », sourit-elle sous ses cheveux verts, couleur de la lutte pour l’avortement.

Les femmes qui avortent ont en moyenne entre 27 et 32 ans, comme elle. Il est clair, à l’écouter, que le prix des soins aux Etats-Unis a fait de l’avortement un moyen de contraception. Elle aussi a avorté l’an dernier, dans un centre du planning. « Il y avait des manifestants devant la porte. Ils m’ont rendue dingue. Une sale expérience. Mais je n’étais pas là en tant qu’employée, alors j’ai hurlé et leur ai dit ce que je pensais d’eux. Je mesure combien on peut être impressionné un jour comme celui-là. »

Tensions autour des cliniques

Depuis longtemps, il existe aux Etats-Unis des clinic escorts. Ces volontaires en gilet coloré proposent à celle qui arrive de l’accompagner depuis sa voiture ou depuis l’arrêt de bus où elle est descendue jusqu’à la porte de la clinique, afin de la protéger des manifestants antiavortement, souvent présents dès le matin.

Le 20 octobre, le planning du Michigan offrait une formation en ligne, sur la plate-forme Zoom, pour en recruter davantage. L’approche des élections et du vote de la proposition numéro 3 laissait présager des tensions autour des cliniques. Sur l’écran, des visages, des PowerPoint. « Ignorer vos adversaires, c’est le meilleur moyen de leur ôter du pouvoir. »

Une formatrice, rodée à l’accompagnement : « On veut que vous vous sentiez en sécurité pour pouvoir aider les patients. Restez calme. Ne touchez jamais personne. Ne criez pas. Contrôlez votre voix. Vous n’êtes pas là pour faire changer d’opinion les manifestants, vous êtes là pour aider les patients à accéder à leurs soins. Ne vous engagez dans aucun affrontement, vous n’êtes pas entraîné, préparé pour ça. Les services de sécurité sont là. »

Roselyne, institutrice à la retraite et militante anti-IVG. « Le Planning familial tue-t-il les démocrates ? », peut-on lire sur sa pancarte.

Les heurts sont rares, assure-t-elle. « Si, finalement, la police est appelée, témoignez de ce que vous avez vu, mais demandez expressément que vos identité et adresse soit retirées du rapport de police, qui peut-être consulté par tout le monde. » Quatre cliniques sont ensuite montrées à l’écran, car particulièrement exposées.

Devant l’une d’elles, quatre jours plus tard, les manifestants se sont présentés vers 10 heures. D’abord Louis, un vieil homme qui vient trois fois par semaine et a l’impression qu’avec la proposition numéro 3 on va pouvoir pratiquer un avortement dans une station-service. Puis Roselyne, ancienne institutrice d’une école catholique, qui ne déteste pas l’idée qu’à force d’avorter, les démocrates vont disparaître.

Comme disait DJ, chez elle, quelques jours plus tôt, « parmi les manifestants, personne n’a l’âge d’attendre un enfant ».Ils étaient peu nombreux. Mais régulièrement des voitures les klaxonnaient en signe de soutien. Les sondages semblaient, en revanche, indiquer une nette victoire du oui à la proposition numéro 3. Qui sait ? Tant de choses se sont passées aux Etats-Unis ces dernières années.

Il est des données déjà plus définitives. Si les médecins sont surpris par la flambée des IVG, ils le sont encore plus par les demandes de stérilisation. Depuis juin, les cliniques et les centres du planning ont vu grimper en flèche les opérations de ligature des trompes, et, dans une moindre mesure, les vasectomies pour les hommes. Des choix irréversibles, comme si l’avenir était bouché, quels que soient les cycles politiques.

« On peut le comprendre, soupire Elisabeth. Aux Etats-Unis, les opinions semblent figées. Combien de mass shootings et d’enfants tués à l’école, et la loi sur les armes ne change pas. On peut craindre que ce ne soit pareil, maintenant que les libertés comme le droit à l’avortement reculent. Nous, les médecins, nous racontons des histoires, nous disons que la santé des femmes est en danger, mais nous pourrons hurler sans que rien ne change. C’est mon angoisse. »


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