jeudi 1 septembre 2022

Décryptage Don de gamètes et identité des donneurs : ce qui change à partir de ce jeudi 1er septembre

par Margaux Gable  publié le 1er septembre 2022 

Dès aujourd’hui, les donneurs de spermatozoïdes ou d’ovocytes devront consentir au partage de leurs informations, dans le cas où l’enfant en ferait la demande une fois majeur. Pour les dons réalisés avant cette date, une commission dédiée sera chargée de retrouver les archives, sans garantie de succès.

A partir de ce jeudi 1er septembre, les enfants nés grâce à un don de gamètes pourront plus facilement connaître l’identité de leur donneur, une fois qu’ils seront majeurs. Avec cette mesure, prévue par la loi de bioéthique promulguée en août 2021, les donneurs et donneuses de sperme et d’ovocytes devront consentir à partager des informations personnelles au moment du don. Ils devront ainsi s’attendre à ce que les enfants puissent les contacter à leur majorité.

Pour parvenir à connaître l’identité des donneurs, une commission dédiée, la commission d’accès des personnes nées d’assistance médicale à la procréation aux données des tiers donneurs (CAPADD), rattachée au ministère de la Santé, a été mise en place. L’objectif : aider les adultes qui cherchent à avoir des informations sur leurs géniteurs. Ils n’ont toutefois pas de garantie que cela fonctionne car, contactés par la commission, les anciens donneurs pourront toujours s’y opposer.

Depuis 1994, et la première loi de bioéthique, l’anonymat strict était la règle. La seule possibilité pour les enfants nés par don de gamètes était de réaliser des tests ADN, interdits en France. Cette réforme qui vise à faciliter «l’accès aux origines personnelles» était attendue par les associations, qui saluent «une évolution».

A quelles informations les personnes nées de don pourront-elles avoir accès ?

Devenu adulte, l’enfant pourra, d’une part, accéder à des données non identifiantes du donneur (âge, situation familiale et professionnelle, état de santé décrit au moment du don, caractéristiques physiques, pays de naissance et motivations du don rédigées par ses soins) mais également à des informations permettant de l’identifier (prénom, nom, date et lieu de naissance). Seule la personne conçue par don peut accéder à ces informations. On ne peut donc pas réellement parler de levée de l’anonymat : le donneur ne pourra pas demander à connaître le ou les enfants nés de son don, et les parents ne pourront pas non plus accéder à l’identité du donneur. Ce changement n’a aucun impact sur la filiation, aucun lien légal ne pouvant être établi entre le donneur et l’enfant né du don.

La nouvelle loi permet «aux enfants qui le souhaitent de trouver des réponses. [L’enfant] n’est plus contraint de rester dans le secret», se félicite Alexandre Mercier, président de l’association PMAnonyme, qui regroupe des personnes nées grâce à un don. Selon lui, «il était dans la logique des choses d’inscrire ce droit dans la loi».

Comment obtenir ces informations pour les dons réalisés avant le 1er septembre 2022 ?

Les anciens dons seront toujours soumis à la législation antérieure. Si elles souhaitent obtenir des informations, les personnes nées de dons devront passer par la CAPADD. Pour ce faire, deux solutions : la personne en quête de réponses sur ses origines doit adresser une demande à la commission qui sera chargée d’essayer de retrouver les donneurs pour leur demander leur accord. Sinon, le donneur peut se manifester spontanément à cette même institution pour consentir au partage de ses données, dans le cas où l’enfant en ferait la demande une fois majeur.

Faut-il craindre une baisse des dons ?

L’obligation du consentement au partage des informations personnelles du donneur est perçue par certains comme un potentiel frein pour les donneurs. Une idée balayée par Alexandre Mercier, qui prend comme point de comparaison d’autres pays européens ayant assoupli les règles en matière de protection d’identité des donneurs. «En Suède ou au Royaume-Uni, on a constaté une petite baisse de dons après la loi mais ils sont vite retournés à un niveau normal voire supérieur à avant», commente-t-il. «L’écrasante majorité» des donneurs qui se présentent dans les centres d’étude et de conservation des œufs et du sperme humain (Cecos) sont favorables à la divulgation future de leur identité, confirme la professeure Florence Eustache, de la fédération française des Cecos, interrogée par l’AFP. Un consentement informel, qui sera désormais confirmé par écrit.

A l’heure actuelle, pas de raison de s’alarmer pour les niveaux de dons de gamètes. Au 1er août 2021, les centres de dons comptabilisaient «87 926 paillettes de spermatozoïdes attribuables», selon l’Agence de biomédecine, sachant qu’en 2019, 6 875 paillettes ont été utilisées en une année. Bien que l’ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules a augmenté la demande de dons, «les stocks de spermatozoïdes sont suffisants pour répondre à la demande», assure l’Agence de biomédecine. En revanche, «pour les ovocytes, nous sommes en flux tendu», regrette l’Agence.

Y a-t-il des risques d’inégalités de traitement entre les enfants souhaitant connaître l’identité de leur géniteur ?

Les stocks de dons, qui obéissent à l’ancienne législation, continueront à être utilisés pour de nouvelles PMA, jusqu’à une date limite, qui sera fixée plus tard, par décret. Ainsi, les anciens gamètes et les nouveaux gamètes seront utilisés de manière aléatoire en France. Ce qui induira une différence de droits entre ceux qui recevront des anciens dons et ceux qui en recevront des nouveaux.

La commission n’a pas non plus la garantie de trouver les informations demandées. En plus des données qui peuvent avoir été perdues au fil des années, «il y a un risque selon le lieu où la personne a réalisé le don», poursuit Alexandre Mercier. Avant les années 90, les dons pouvaient se faire dans des banques de sperme privées ou au sein de cabinets gynécologiques privés. Problème : «Ces établissements n’avaient aucune obligation à fournir leur dossier à l’Agence de biomédecine.» Dès lors, pour les enfants conçus grâce aux dons effectués dans ces établissements, les chances de mettre la main sur les informations du donneur sont plus faibles. Le défi : centraliser des décennies d’archives, parfois inexistantes.


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