jeudi 28 avril 2022

Un demi-siècle de prescription de psychotropes : quel bilan pour les utilisateurs, la psychiatrie et la société ?

Préambule

N

é d’un étonnement et d’une inquiétude, ce travail en exprime les enjeux : étonnement devant la croissance spectaculaire, depuis les années 1980, de la prescription des psychotropes : inquiétude devant le déséquilibre ainsi créé entre les deux principales offres de soin dans le domaine de la santé mentale et de la psychiatrie, chimiothérapie et psychothérapie – qui fournissent l’essentiel du « marché » de la souffrance psychique.

Après un demi-siècle de prescription, une tentative de bilan concernant les psychotropes s’imposait avec, dans un premier temps, ces questions : s’agit-il d’une croissance réelle ? y aurait-il vraiment des abus ? Cette tentative s’est appuyée sur une enquête, orale ou écrite, auprès d’une quarantaine de spécialistes : certains propos des contributeurs principaux sont rapportés ici. Dans un second temps seulement, une tentative d’interprétation des causes et des mécanismes de la surprescription est proposée à travers l’examen des pratiques prescriptives des psychiatres et des médecins généralistes.

Lithium, 1949 ; Largactil, 1952 ; Marsilid et Tofranil, 1958 ; Librium, 1960 : entre 1950 et 1960, sans aucune donnée biologique ni la moindre hypothèse scientifique de départ, les psychotropes, les neuroleptiques, les antidépresseurs, les tranquillisants, les thymorégulateurs, fondent les bases de toutes les chimiothérapies actuellement prescrites en psychiatrie et en médecine de ville. « L’apparition des premières molécules tranquillisantes et antidépressives fut une véritable révolution » écrivait en 1995 Jean-Didier Vincent, alors directeur de l’institut Alfred-Fessard dans un travail destiné au Comité international de bioéthique. Il est vrai qu’il ajoutait un peu plus loin : « … malgré des efforts considérables consentis par la recherche institutionnelle et l’industrie pharmaceutique, aucune famille de molécules réellement nouvelle n’est apparue au cours de la dernière décennie. » Dix ans après, ce constat reste d’actualité : le contraste est saisissant entre une première époque, celle d’une véritable révolution, qui contribue à ouvrir les asiles et permet à un grand nombre de malades mentaux d’être soignés en ambulatoire, et une seconde période qui se prolonge encore aujourd’hui, caractérisée par l’absence de progrès dans l’efficacité des nouvelles molécules, mais qui est aussi celle où l’on constate une diffusion de plus en plus large des prescriptions par l’intermédiaire des médecins de ville.

Que sait-on de la prescription et de la consommation des psychotropes ?

Quantitativement et à propos de ces médicaments, il convient de bien distinguer leur prescription de leur vente, mais aussi de leur consommation. Les quantités vendues sont connues par les remboursements d’assurance-maladie, mais ce décompte ne permet pas de savoir ce qui est consommé. En effet, comment savoir si les quantités vendues sont réellement consommées ? Qu’en est-il vraiment de ce qui reste stocké dans les pharmacies familiales ? Aucune étude d’envergure dans le monde n’a été conduite sur l’observance réelle de ce type de traitements. On a déjà les plus grandes difficultés à obtenir des informations précises sur les prescriptions effectuées et à savoir si l’augmentation du nombre de cas traités – question cruciale – est due ou non à une amélioration de la prise en charge. Cependant, une étude de la drees apporte des précisions sur l’évolution des ventes d’antidépresseurs entre 1980 et 2001 [1].

Ainsi, la valeur des ventes des antidépresseurs en France est passée de 84 millions € en 1980 à 543 millions € en 2001, soit une multiplication par 6,7 (670 %) en vingt et un ans.

Durant la même période, les ventes de l’ensemble des médicaments ont été multipliées par un facteur de 2,7 (270 %), ce qui a pour effet arithmétique de faire croître la part des antidépresseurs dans le marché des médicaments : elle passe de 1,74 % à 3,5 %. Ce sont bel et bien les antidépresseurs qui, pour l’essentiel, contribuent durant cette période de vingt et un ans à la croissance du marché des psychotropes. Et à partir de 1990, c’est le Prozac qui favorisera le plus cette progression.

Le document de la drees constate également que ce ne sont pas les augmentations de doses qui provoquent le gros de la croissance, mais les journées de traitement, qui sont multipliées par un facteur de 6,2 (620 %) durant la même période de vingt et un ans.

Premières raisons d’une telle croissance

Dans son document, la drees formule quatre hypothèses rationnelles et vraisemblables :

  • une augmentation du nombre des personnes atteintes par la maladie dépressive ;
  • une croissance du nombre des cas traités du fait de l’amélioration de la prise en charge des malades ;
  • un allongement de la durée des traitements ;
  • des modifications du diagnostic différentiel de la maladie dépressive.
Toutefois, aucune de ces hypothèses n’est en mesure d’expliquer à elle seule une pareille croissance, même si certaines en expliquent une partie. La pathologie dépressive – prévalence annuelle en population générale – est effectivement en hausse, passant de 3,1 % de la population en 1980 à 5,2 % en 2001. Mais, toujours selon cette même source, « l’augmentation des volumes d’antidépresseurs paraît bien plus élevée que celle du nombre de malades déclarés ». Le vieillissement de la population joue vraisemblablement un rôle car 40 % des patients traités ont plus de 55 ans : mais la structure de la pyramide des âges s’est relativement peu déformée durant cette période et cette explication est incluse dans l’explication précédente qui ne fait pas de différence entre les âges.

Si des études conduites en population générale montrent qu’un certain nombre de malades ne sont pas pris en charge alors qu’ils devraient l’être, ces mêmes études insistent avant tout sur le fait qu’une partie notable des populations prises en charge ne présente pas de symptômes dont la sévérité justifierait une prescription. C’est ainsi que : sur 100 personnes ayant consommé un antidépresseur dans l’année, 33 % répondent aux critères d’un trouble dépressif, mais 56 % d’entre elles n’ont ni trouble anxieux, ni trouble dépressif, ni trouble de l’usage de substances psychoactives. Alors que la majorité des personnes consommant des antidépresseurs n’a pas de troubles dépressifs en cours, il est établi de surcroît que 20 % des consommateurs d’antidépresseurs n’ont jamais souffert de troubles dépressifs de leur vie.

L’augmentation de la consommation, n’est donc pas due à un nombre plus élevé de personnes réellement atteintes mais à une part de prescriptions inadéquates. Les antidépresseurs sont trop et mal prescrits : trop, sur un seul symptôme ou quelques symptômes et non sur un état dépressif constitué en entité syndromique : mal, car pas assez longtemps (moins de deux mois), trop longtemps (plus d’un an) ce qui veut dire plus de six mois après la disparition des symptômes : mal sans doute encore parce que la présence de symptômes dépressifs est trop souvent résolue par la chimiothérapie seule, soulignant s’il en était besoin le déséquilibre entre les deux thérapeutiques majeures. L’augmentation de la croissance n’est donc pas due à une amélioration de la prise en charge, mais plutôt à une dégradation de la prescription. Et cette dégradation elle-même, à quoi – ou plus exactement à qui – est-elle due ?

Si les psychiatres ne sont pas les prescripteurs les plus nombreux, cela ne suffit pas pour autant à les exonérer de toute responsabilité dans la dérive actuelle : la clinique psychiatrique se trouve là comme prise en défaut – sans doute faute de recherche – et manquant de fournir une assise critique à ses praticiens. On verra par ailleurs que les « consommateurs » ne sont pas non plus pour rien dans l’étendue du phénomène.

L’utilisation des psychotropes par les psychiatres

D’après nous, la manière d’utiliser les psychotropes par un psychiatre, dépend essentiellement de sa grille de lecture en termes de causalité psychique, sachant qu’en pratique, la plupart des psychiatres disent adopter une approche éclectique, combinant thérapies diverses et médications (ce qui reste à vérifier). En outre, le caractère de gravité de la situation est également déterminant dans le choix de la thérapie. Mais quel que soit le modèle de référence du psychiatre, et surtout si le patient est instruit et du groupe social dominant, les cas peu sévères ont plus de chances de se voir proposer des thérapies non médicamenteuses, de type psychothérapeutique. Les cas graves à l’inverse, surtout s’ils sont peu instruits et socialement démunis et/ou issus des minorités, se verront davantage proposer une chimiothérapie, à l’exclusion de toute autre forme de prise en charge.

Pour illustrer la question du modèle et de ses conséquences, prenons l’exemple d’un état dépressif simple, d’intensité moyenne, chez un patient coopérant. Soulignons que la brièveté de cet exemple n’a pas à être interprétée comme une critique réductrice ou caricaturale.

En référence à un premier modèle, le psychiatre peut mettre l’accent sur la vulnérabilité individuelle, de nature biologico-génético-cérébrale : dans ce cas, c’est tout à fait logiquement qu’il prescrira des médicaments antidépresseurs, d’autant plus sereinement que leur efficacité est largement vantée, sinon démontrée. Le recours à l’insight empathique ou au contexte environnant sera considéré comme un apport auxiliaire à la décision, ou au contraire, comme un élément perturbateur de cette même décision. En revanche, c’est la « résistance » au traitement qui pourra amener le praticien à proposer l’aide de thérapies non médicamenteuses.

Dans un second modèle, le psychiatre s’autorise à prendre en compte l’histoire du sujet et la manière dont certains conflits inconscients s’actualisent dans la symptomatologie dépressive. En adoptant ce point de vue, il peut être amené à proposer une psychothérapie individuelle, d’autant plus approfondie que prolongée : ce n’est qu’en l’absence d’amélioration qu’il pourra proposer l’adjonction d’une thérapie médicamenteuse, administrée en général par un autre praticien.

Un troisième modèle permet d’envisager que la symptomatologie dépressive prend sens, remplit une fonction et se maintient dans le contexte où elle émerge : pour le formuler différemment, le praticien s’interroge sur la valeur subjective du symptôme dépressif et se demande si, pour le patient, ce symptôme ne représente pas un moyen métaphorique de communiquer à propos de certains dilemmes, ou même d’établir des relations avec son entourage, à une étape particulière de sa vie familiale. Si le dernier modèle n’exclut pas nécessairement les deux premiers, il mobilisera logiquement les proches dans une démarche psychothérapeutique.

Dans notre propre pratique de psychiatre (S.K.), praticien hospitalier du secteur public, d’autres réflexions surgissent en permanence, car les deux tiers de notre clientèle sont des cas graves, qu’il s’agisse de schizophrénies ou de psychoses sévères, d’états dépressifs complexes ou de personnalités limite, de décompensations abruptes ou de crises psycho-socio-familiales dramatiques. Mais concrètement, que signifie « cas grave » ? Si l’on reprend l’exemple d’un état dépressif et que l’on met de côté les inévitables tâtonnements concernant le type de médicament, les associations qu’il peut nécessiter, la durée indispensable du traitement de l’épisode ou de sa récurrence, il se trouve qu’entre la moitié et un tiers de ces « états dépressifs » ne sont améliorés significativement par aucun traitement médicamenteux. La dépression est alors dite « résistante », c’est-à-dire que des facteurs non connus à ce jour, biologico-génético-cérébraux et pharmacologiques, constitueraient un frein au traitement : à l’opposé, on fait l’hypothèse que c’est le patient qui « résiste », qu’il ne parvient pas à prendre son traitement, complètement ou partiellement, qu’il le dise ou qu’il le cache. Il arrive aussi qu’il adopte des comportements extrêmes (suicide ou tentatives) qui impressionnent le praticien, le freinent ou le poussent à mettre en place d’autres stratégies thérapeutiques qui se révèlent inappropriées, qu’elles soient médicamenteuses ou non. Enfin, le patient peut se révéler non seulement dépressif, mais également alcoolique ou toxicomane, brouillant la réflexion thérapeutique et l’évaluation de l’efficience psycho-pharmacologique. Un même raisonnement peut s’appliquer au suivi des schizophrénies sévères ou aux autres situations déjà évoquées, et à propos desquelles la question de l’observance – quelle qu’en soit la nature – demeure l’aspect le plus problématique.

Autrement dit, dès qu’il s’agit de cas graves, c’est-à-dire qui se prolongent dans le temps, qui exposent les patients à des symptômes extrêmes, qui concernent des sujets faiblement ou non coopératifs, la question de l’alliance thérapeutique avec le patient et son entourage devient centrale (si elle a jamais cessé de l’être). Elle accompagne l’instauration de tout traitement médicamenteux, en conditionne et en cadre l’observance comme l’évaluation. Dès lors, la meilleure efficacité thérapeutique est obtenue par une combinaison de stratégies thérapeutiques médicamenteuses et non médicamenteuses : celle-ci requiert des savoir-faire qui ne sont pas uniquement nosographiques ou pharmacologiques, mais relationnels, souvent de façon formalisée, c’est-à-dire supposant une formation spécifique d’une certaine durée, visant l’individu comme ses proches. Le médicament doit y tenir toute sa place, mais rien que sa place. On est par ailleurs en droit de se demander si l’absence ou la limitation d’une telle formation chez les praticiens ne contribue pas directement à cette augmentation des stratégies médicamenteuses, même pour les situations de moindre souffrance psychique.

Quant au traitement « moderne » des états psychotiques, il peut contribuer à illustrer cette proposition. Dans la littérature internationale de recherche clinique évaluative, il existe en effet plusieurs méta-analyses particulièrement intéressantes sur ce plan [2]. Deux d’entre elles montrent l’intérêt significatif d’approches combinées associant chimiothérapies et traitement médical d’une part, psychothérapies et psycho-éducation familiale d’autre part : on observe alors que la fréquence, la durée et la gravité des hospitalisations comme des rechutes sont moindres, que le recours aux neuroleptiques se fait à des doses moins élevées, et enfin que la satisfaction du patient et de sa famille est accrue, sans augmentation du risque suicidaire, le tout par comparaison avec les résultats obtenus par chaque approche isolément. À ce sujet, G. Thornicroft (Londres) et M. Tansella (Vérone) indiquent :

« Les interventions psycho-sociofamiliales, pour les patients souffrant de schizophrénie, ainsi que pour leurs aidants, font maintenant la preuve d’une efficacité bien établie. Elles comportent sept éléments : la construction d’une alliance thérapeutique qui inclut les proches du patient, la limitation des effets contre-productifs liés à l’ambiance familiale, c’est-à-dire l’abaissement de la surimplication émotionnelle dans le groupe des proches, par la réduction du stress et du fardeau qui leur sont imposés, le développement de la capacité de la famille à prévoir et résoudre les problèmes, la diminution de l’expression des sentiments de colère et de culpabilité par l’entourage, le maintien, par les mêmes, d’attentes raisonnables concernant les réalisations du patient, l’encouragement des proches à poser et garder des limites adéquates, tout en maintenant des aspects de séparation lorsqu’ils sont nécessaires, et l’obtention d’un changement désiré et désirable dans le comportement de l’entourage et ses présupposés concernant la maladie mentale. »

Ces deux auteurs ajoutent plus loin que « de telles interventions psycho-sociofamiliales sont appliquées extrêmement rarement en pratique clinique de routine [malgré leurs résultats] [3] ».

Les conditions de prescription des psychotropes par les généralistes

À eux seuls, les généralistes prescrivent 80 % des psychotropes, toutes classes confondues. Comment expliquer cette situation, très certainement discutable du point de vue médical stricto sensu ? Plusieurs hypothèses ont été avancées pour essayer de rendre compte de ce phénomène qui, dans le domaine de la santé mentale, représente vraiment l’exception française.

– 80 % des patients vus en médecine générale sont considérés comme des « fonctionnels », pour qui la prescription permet de transformer la relation en geste technique, ce que le médecin ressent comme un soulagement.

– Pris par le temps, les généralistes trouvent là un moyen de réponse facile à l’expression de plaintes dites « d’origine psychique », alors que dans bien des cas, une approche psychothérapique serait davantage souhaitable. Dans le même ordre d’idée, les généralistes considèrent que le temps moyen de la consultation ne leur permet que le temps de la prescription.

– Devenus trop souvent des « distributeurs du bonheur », les généralistes participent activement à l’abrasion de l’ambivalence propre à l’être humain, que celle-ci s’exprime dans le cadre professionnel ou familial. Ils constituent sans doute, à leur corps défendant, ce qu’Édouard Zarifian appelle « une soupape de sécurité pour la société en médicalisant la détresse sociale et ses conséquences individuelles [4] ».

– Sur le plan technique, les généralistes ne savent pas bien prescrire les psychotropes : doses trop faibles, mauvaises indications, prescriptions de plusieurs psychotropes de la même classe, etc. À leur décharge, il faut reconnaître qu’ils n’ont pas facilement accès à une source objective et indépendante d’information.

– Peu en contact avec les équipes de santé mentale, contrairement aux psychiatres et malgré la politique de réseau, les généralistes sont confrontés le plus souvent aux seuls discours commerciaux des visiteurs médicaux. Malaise individuel et molécules sont présentés comme en interaction et, pris dans une logique individualiste, les médecins ont tendance à éluder les questions existentielles, renforçant l’inflation de leurs prescriptions.

– Aussi, nombre de médecins ne savent pas distinguer la dépression du simple « ras-le-bol », de la tristesse ou du chagrin, sentiments qui participent habituellement à la complexité de l’existence. C’est ainsi qu’une prescription facile et rapide permet aux généralistes de suivre certains patients, notamment dans certains tableaux réactionnels, comme les deuils, les séparations, les échecs, etc.

Conduite dans les Yvelines par un médecin-conseil de la Caisse primaire d’assurance-maladie (cpam), le docteur Chantal Chabry, une enquête vient à point pour examiner en détail les difficultés des généralistes pour prendre en charge des patients déprimés. Réalisée en juin 2004, cette enquête portait sur 101 généralistes. Ceux-ci déclarent suivre dans leur clientèle en moyenne 13 % de patients dépressifs.

Quant aux difficultés ressenties durant ce suivi, elles sont, par ordre d’importance : le suivi proprement dit (47,5 %), le diagnostic (28,7 %) et la mise en œuvre du traitement (23,8 %). S’agissant du diagnostic, la majorité de ces médecins (80 %) ont buté soit sur des formes atypiques de la dépression (42 %), soit sur une complication diagnostique liée à des pathologies intriquées (30 %), soit sur une évaluation ardue du risque suicidaire (25 %). Mais ces difficultés portent aussi sur la prise en charge : comment annoncer le diagnostic (25 %) ? comment s’y prendre avec les personnalités difficiles (23 %) ? comment gérer le risque d’échec thérapeutique (16 %) ? À cela s’ajoutent des difficultés d’observance, avec les patients qui jonglent avec les doses ou arrêtent leur traitement. Dans l’ensemble, les généralistes ont peu de relation avec les psychiatres. Par ailleurs, ils reconnaissent eux-mêmes, d’une part manquer de temps pour suivre leurs patients et d’autre part manquer de connaissances pour les traiter efficacement. Les deux tiers d’entre eux expriment le désir d’une formation médicale continue qui leur permettrait d’acquérir la maîtrise d’outils d’évaluation dans ce domaine. Ils souhaitent aussi être formés à toute forme de dialogue permettant d’aider le patient à accepter puis à respecter le traitement proposé.

On voit clairement à travers ces quelques chiffres, que les généralistes n’expriment pas le besoin de prescrire toujours plus, mais plutôt celui d’une formation qui leur donnerait un savoir faire pour une prise en charge « globale », ce qui ne va pas sans une meilleure connaissance de l’offre de soins. Quant aux commentaires sur la formation à la thérapeutique désignée comme insuffisante au cours de leurs études, ils laissent dans l’ombre la suppléance offerte par la visite médicale des laboratoires pharmaceutiques, suppléance que les médecins généralistes savent intéressée, mais à laquelle ils ne savent pas pour autant se soustraire.

En définitive, le défaut de temps et la peur de la relation éprouvée par les généralistes sont des phénomènes bien réels, qui ont simultanément pour conséquence, une prescription trop fréquente de psychotropes, parfois en l’absence d’apprentissage, souvent sans véritable fondement théorique, et le tout pour des durées bien trop longues. Au total, il s’agit bien de prescriptions excessives et mal contrôlées, tout particulièrement pour les enfants et les personnes âgées.

Indiscutablement, la diffusion des psychotropes a contribué à modifier en un demi-siècle le paysage de la folie, désormais marqué par le changement de paradigme, de la psychiatrie à la santé mentale. Si cette évolution, par l’élargissement des pratiques du soin psychique, a contribué au succès du concept de « souffrance psychique », cet avantage ne va pas sans inconvénient. Or l’éventuelle dangerosité de ces substances, à moyen ou long terme, ne semble pas faire jusqu’à présent l’objet des recherches sérieusement documentées, qui permettraient de les débusquer pour, éventuellement, réussir à les corriger. Et pourtant, les inconvénients de tous les psychotropes, anciens ou récents, au-delà de leurs effets somatiques [5] concernent aussi, on ne s’en étonnera pas, le psychisme, provoquant de manière paradoxale, tantôt l’apathie et ses impasses, tantôt le passage à l’acte et ses conséquences délétères. À ce sujet, dénoncer la faiblesse des études épidémiologiques sur le long terme constitue une première et sévère critique : elle laisse en effet planer un doute sur l’existence possible, à bas bruit et pendant longtemps, d’effets secondaires impossibles à détecter dans le court terme. On peut d’ailleurs s’étonner d’une telle négligence, à une époque où le principe de précaution est presque érigé en dogme.

L’impact de la prescription sur la psychiatrie et sur la société

Impact sur la psychiatrie et son exercice

Soigner la personne ou soigner le symptôme ? Soigner la personne en soignant le symptôme ? Soigner le symptôme en oubliant la personne ? Qu’est devenue la psychiatrie aujourd’hui, que sont devenues ses structures institutionnelles et qu’en est-il aujourd’hui de ses fondements psychopathologiques ?

Les bénéfices de la première période, nous l’avons dit, sont considérables. On peut reprendre l’énumération : l’ouverture des asiles psychiatriques et l’invention du secteur, avec, dans un premier temps au moins, l’essor de la psychothérapie : la psychothérapie institutionnelle qui débouche en effet alors sur la psychiatrie communautaire. On l’a également rappelé avec force : l’arrivée de ces molécules a métamorphosé la vie en institution, alors composante essentielle de la prise en charge, les hospitalisations diminuant alors en durée comme en fréquence. En outre, ces médicaments ont permis de faire comprendre à la personne malade le sens et les impératifs de sa maladie, ce qui n’était pas le cas lors de l’existence de certains symptômes (violence, croyance délirante active). L’entourage du malade a pu participer au traitement, etc. Tout cela est remarquable, mais cette première période se termine bien avant que ne commence la croissance exponentielle des prescriptions, bien avant le début des années 1980. Or, c’est à partir de là que la clinique a commencé à se tarir, quand elle s’est limitée à l’impact des prescriptions sur la seule symptomatologie, le corps professionnel psychiatrique se fracturant alors entre les tenants d’une psychiatrie neurobiologique et comportementaliste, et les défenseurs d’une psychiatrie psychodynamique.

La formation des psychiatres se faisait traditionnellement « sur le tas ». Elle se fait désormais dans le secteur universitaire qui la coupe en grande partie de la culture psychiatrique historique et institutionnelle. Ce secteur universitaire édifie peu à peu sa légitimité dans son expertise médicamenteuse, en même temps qu’il se conforme aux pratiques (l’idéologie ?) américaines. Les jeunes psychiatres formés dans ces services pensent la psychiatrie en termes de catégories américaines (dsm IV, Diagnostic and Statistical Manual of mental disorders), avec pour principales références thérapeutiques les molécules de l’industrie mondiale.

L’efficacité à court terme des psychotropes (la seule actuellement reconnue), associée au développement des connaissances en neurosciences, réduit désormais la vie psychique affective et intellectuelle à une série de réactions chimiques sur lesquelles une action spécifique serait possible. La conséquence en est l’abandon des recherches sur le fonctionnement psychique et affectif du sujet considéré dans sa dynamique historique. L’arrivée des psychotropes dans le champ de la psychiatrie a permis de conceptualiser une psychiatrie dont les références seraient purement biologiques, d’éliminer progressivement le concept de psychisme avec ses théories et sa pratique thérapeutique, pour créer finalement des marchés extensifs. En médicalisant la souffrance psychique existentielle et les comportements humains les plus divers, en insistant aussi au cours de ces dernières années sur la prévention précoce chez l’enfant, en tendant ainsi à des prises en charge médicamenteuses à longueur de vie, sont engrangés d’immenses bénéfices, qui profitent à l’industrie bien davantage qu’au sujet souffrant. Comme l’indique Antoine Lazarus : « … si la psychiatrie soignait la personne, le médicament soigne le symptôme. L’alliance avec le patient pour une lutte commune contre le symptôme par le tiers du médicament est d’une autre nature que l’emprise sur et avec lui pour soigner sa personne. »

Ce que cette situation a de redoutable, c’est sans doute l’oubli du sujet au bénéfice réduit d’un seul de ses aspects. Tant sur les idéologies que sur les pratiques psychiatriques, des clivages apparaissent entre la personne et son symptôme, entre sa parole et son comportement, entre la nature et la culture de la maladie, et donc, aussi, sur les pratiques de soins et de prises en charge différentes que des concepts opposés sous-tendent en les entraînant.

Psychotropes vs psychothérapies : quel avenir respectif ?

Bien entendu, la réponse à une telle question dépend de la personne à qui on la pose. Toutefois, la majorité des spécialistes sollicités ici, estiment que psychothérapies et psycho-chimiothérapies se complètent. L’offre de soins devrait donc continuer à s’appuyer sur les unes comme sur les autres, si du moins leur souhait était réalisé :

« … l’idéal serait, pense le psychiatre Michel Petit, une pratique médicale associant les deux versants de la thérapeutique (chimiothérapie et psychothérapie associées par le même médecin). Mais un pis-aller auquel il faudra, sans doute, se résigner serait celui du psychiatre prescripteur, coordonnateur du projet de soins et de l’évaluation, de l’évolution, et celle du psychothérapeute associé (psychologue clinicien), le duo étant intégré dans le remboursement des coûts de prise en charge. »

Quant à la pédopsychiatre Catherine Isserlis, elle prédit : « … pour les psychotropes, un avenir ouvert, soutenu par les tutelles et l’économie. » Elle note par ailleurs qu’il n’y a pas d’actionnariat dans les psychothérapies, ni d’ailleurs de consensus entre psychothérapeutes, ce qui réduit fortement leur capacité de lobbying. En pratique, conclut-elle, « il est plus rapide et moins coûteux d’apprendre à prescrire que de devenir un bon psychothérapeute. On est encore loin de l’évaluation des psychothérapies alors qu’il est facile de croire à l’efficacité d’une molécule lorsqu’elle est schématisée sur un graphique ».

Quant à Viviane Kovess, psychiatre et épidémiologiste, elle seule fait exception en pariant sur les psychothérapies : « … je pense, écrit-elle, que les psychothérapies ont un bel avenir, et les psychotropes un avenir beaucoup moins brillant », faisant référence à une enquête conduite au sud des Yvelines, où les personnes interrogées estimaient, à 80 %, que les problèmes psychologiques devaient se régler par la psychothérapie et où 40 % disaient qu’elles ne prendraient pas un psychotrope si on le leur prescrivait. « Je crois, conclut-elle, qu’on va vers une situation où, comme dans certains pays (Hollande, Allemagne, Québec), les personnes se défient de plus en plus des psychotropes et cherchent à parler, et ceci quel que soit le milieu. » Elle estime que le problème est plutôt d’assainir le terrain des psychothérapies pour mieux former les médecins et les non-médecins et leur donner une bonne visibilité, une crédibilité et, éventuellement, un remboursement partiel.

L’opinion du psychiatre Édouard Zarifian est construite en deux temps. Tout d’abord, il affirme que :

« l’avenir est aux psychotropes : l’actualité, constate-t-il, nous montre que les psychothérapies, et particulièrement la référence psychanalytique, sont des ennemies à combattre et à éliminer pour ne plus laisser place qu’à un homme, consommateur passif, du plus jeune âge à l’âge le plus avancé. C’est pourquoi il faut faire fondre la résistance que représente la pédopsychiatrie française qui utilise la référence psychanalytique et refuse de céder au rouleau compresseur nord-américain visant à mettre sous psychotropes les enfants turbulents et les adolescents contestataires. Pourtant le programme Teen-Screen de Georges Bush vient d’arriver en France. La presse se félicite parfois de la possibilité (grâce au dernier rapport inserm sur les enfants turbulents) de détecter dès la maternelle les futurs délinquants afin de prendre de manière préventive les mesures pharmacologiques adéquates. Pour résumer je ne vois aucun avenir aux psychothérapies, mais le développement d’un effort considérable et très largement soutenu financièrement pour que chacun dans notre société consomme les psychotropes qui assureront la paix sociale et la meilleure rentabilité pour les actionnaires des grandes entreprises. »

Mais dans un second temps, il ajoute que :

« pour tempérer ce pessimisme apparent, on peut aussi espérer que les usagers eux-mêmes se rebelleront un jour contre la surdité qu’ils rencontrent face à leur demande d’aide spécifique et refuseront la réponse exclusivement médicamenteuse comme solution à leur souffrance psychique. C’est dans les centres anticancéreux, dans les services spécialisés dans le traitement du sida, dans les départements de greffes d’organes que les usagers ont demandé – et obtenu – la présence de spécialistes du psychisme pour pouvoir faire entendre leur souffrance, la mettre en mots et recevoir le bénéfice d’un échange intersubjectif. Les psychothérapies s’étendront peut-être un jour au-delà des soins de la médecine somatique pour retrouver enfin leur place légitime dans les aides proposées par la psychiatrie. »

Tous semblent se rejoindre pour constater à quel point l’actualité témoigne d’une compétition idéologique, d’un conflit en vue d’un divorce entre psychothérapie et chimiothérapie, d’autant plus que les thérapies cognitivistes et comportementales, appuyées sur les neurosciences, sont des alliées objectives des psychotropes. La victoire de ceux-ci n’irait pas sans un ressentiment néfaste, qu’il s’agisse du patient, du prescripteur, ou de l’individu dans la société, sans parler de la culture tout entière à laquelle chacun se réfère : à cette vision pessimiste, une perspective plus optimiste [et sans doute naïve] serait que, face à l’état actuel des choses, une réaction se produise, déclenchant par exemple une amélioration de la chaîne des soins, grâce à un rôle accru dévolu aux psychologues, aux patients et à leurs proches.

Impact d’une consommation de masse des psychotropes sur la société

Bien entendu la consommation en masse de substances psychoactives ne limite pas ses effets à la seule prise en charge de la maladie mentale : du fait même de son importance quantitative et qualitative, elle concerne l’ensemble de la société.

Marcel Jaeger, spécialiste du travail social, propose pour sa part deux interprétations différentes :

« On peut mettre face à face, dit-il, deux livres qui donnent la tonalité de leur époque : Némésis médicale d’Yvan Illitch et Le prix du bien-être d’Édouard Zarifian. Si nous nous référons au premier, l’impact d’une consommation de masse sur la société serait l’extension d’une « addiction médicalisée » qui enfermerait les individus dans une dépendance aux produits des laboratoires pharmaceutiques. Cette idée avait été reprise en 1989 par le rapport du « Groupe des cinq sages » (G. Dubois, C. Got, F. Grémy, A. Hirsch, M. Tubiana) avec cette affirmation : « La prescription massive de tranquillisants est une solution inadaptée aux problèmes de l’anxiété et des difficultés à vivre dans des sociétés qui associent de multiples contraintes à un affaiblissement des rapports affectifs et de la solidarité non financière entre les individus. » Pour Édouard Zarifian, la pression des laboratoires pharmaceutiques est tout aussi inquiétante, mais elle ne doit pas occulter le rôle de plus en plus actif du consommateur. Le curseur se déplace du prescripteur vers le consommateur. La consommation dite de masse est le résultat de l’accumulation de demandes individuelles : elle est le produit de l’individualisme au sens où, avec l’affaiblissement des solidarités sociales primaires, chaque individu exprime avec force sa solitude, son mal-être, sa souffrance. Et donc la responsabilité lui incombe dans ce processus. Pour des raisons qui restent à éclaircir, cela signifie que contrairement à la thèse d’Ivan Illitch, la consommation des médicaments psychotropes a une fonction de (re)socialisation : un coût excessif, certes, qui met à mal le budget de la Sécurité sociale, mais une aide le plus souvent utile en réponse à la demande sociale. Lorsque Édouard Zarifian écrit par exemple, que « l’usager dicte souvent sa prescription au médecin lorsqu’il s’agit de médicaments psychotropes », cela signifie que cet usager s’appuie sur la logique des « droits des usagers » sans que l’on sache trop où cette logique, dès lors qu’elle devient dominante, pourrait nous conduire. Mais il est exact que ce qu’on appelle de manière très vague « société » est au cœur d’un débat central, alimenté par plusieurs sociologues préoccupés par l’individualisme dans les sociétés postmodernes ou hypermodernes, et surtout par des philosophes comme Marcel Gauchet. Pour ma part, j’irai plutôt voir de ce côté, car les discours sur la médicalisation de la souffrance sociale me semblent prisonniers des impasses idéologiques de la thématique du contrôle social des populations. Le problème reste celui de la régulation des déséquilibres que nous constatons entre les demandes individuelles justifiées et les stratégies commerciales de l’industrie pharmaceutique. Car il est sans doute plus facile de réguler l’offre que de réguler la demande, surtout si celle-ci se fonde sur des représentations sociales et des mécanismes psychologiques complexes. »

De son côté, Antoine Lazarus estime lui aussi qu’avec les psychotropes, on se trouve devant un engouement pour un produit de grande consommation avec, comme toujours dans ce cas, des enjeux commerciaux considérables mobilisant toutes les stratégies marchandes possibles, et en particulier la recherche de consommateurs potentiels :

« Peut-être pas plus que pour vendre d’autres biens, précise-t-il, mais sûrement pas moins, si ce n’est que les appels publicitaires et le conditionnement psychique collectif à leur usage sont indirects, notamment par le canal des prescripteurs, mais insidieusement aussi par tous les canaux indirects de vulgarisation, de proposition de banalisation des malades mentaux qui, « bien soignés » deviennent non plus des malades comme les autres mais des personnes comme les autres. »

Et pour le président de l’unafam, Jean Canneva, « avec cette consommation de masse, il s’agit du passage à une société artificielle où il existera une population soumise et dépendante (en toute pseudo-légalité) et une population non dépendante qui décide de tout. Le récent modèle soviétique en est un exemple », ce à quoi il conclut :

« De toute manière, un recours aux psychotropes de manière prolongée (sauf au cours des psychoses) est un signe de dysfonctionnement en apparence légal où les prescripteurs et les utilisateurs sont complices (banalisation des prescriptions, toxicomanie induite, appauvrissement des réactions à la vie normale, banalisation concernant la résolution des éléments de vie). »

Le choix politique pourrait s’exprimer, selon le psychiatre Alain Puech, de cette manière : vaut-il mieux une population euthymique, sous traitement, qu’une population dépressive avec une souffrance des individus et les impacts sur leurs proches ? Mais ce choix est d’avance récusé par Édouard Zarifian, qui refuse de confondre folie et souffrance psychique.

Du côté de la sociologie enfin, Alain Ehrenberg note que :

« Dans les faits, les psychotropes peuvent apparaître en première ligne des réponses que la société propose aux situations anxiogènes qui l’affectent globalement, ou qui touchent certains groupes de la population. En ce sens, leur usage serait comme un baromètre, sensible aux situations sociales de crise […]. Ces médicaments enregistrent ainsi le changement qualitatif des attitudes sociales et des exigences de « bien-être », de confort psychologique, comme de changement des demandes adressées à la médecine face à la douleur, à la maladie, à la mort ou au risque d’échec social. Ils sont utilisés […] dans la gestion de la conflictualité sociale ou familiale et des tensions adaptatives qui habitent les individus. […]. [6] »

En conclusion

En un demi-siècle, l’introduction puis la large diffusion des psychotropes ont contribué à modifier le paysage de la folie, déjà marqué par le passage de la psychiatrie à la santé mentale comme concept dominant. L’efficacité des psychotropes a contribué, dans un premier temps, à l’ouverture des asiles et donc à la sortie du plus grand nombre des malades mentaux pour la plus grande partie de leur existence. Elle a provoqué, dans un second temps et du fait même de la présence de ces malades en ville, une extension de l’usage des médicaments du psychisme, qui contribue à la banalisation de la maladie mentale. Selon le regard qu’on porte sur elle, cette banalisation opère pour le meilleur ou pour le pire : contrôle de la société par une chimiothérapie bien ou mal tempérée, ou début de dé-stigmatisation de la folie par sa confusion, éventuellement dangereuse, avec le concept de la souffrance psychique. Concernant l’actuelle restructuration de la prise en charge en santé mentale, on peut remarquer qu’elle se préoccupe surtout de l’édification d’un nouveau dispositif territorial qui, idéalement, permettrait une réponse plus adéquate à l’évolution des besoins de la population. S’agissant de la mise en place de services et de pratiques mieux adaptées aux soins majoritairement dispensées en ambulatoire (réseaux, filières et structures), ces mesures devront, si elles veulent atteindre leurs objectifs, se préoccuper de la question de l’offre de soins et donc, de la clinique mise en œuvre par tous les protagonistes et pas seulement par les prescripteurs dont il a été question plus haut. Il conviendra donc, au premier chef, de se préoccuper de formation, initiale et continue, mais aussi d’apprentissage de savoir-faire, auxquels, pour l’instant, l’université ne répond toujours pas.

Notes

  • [1]
    Élise Amar et Didier Balsan, Les ventes d’antidépresseurs, Document de travail n° 36, drees octobre 2003.
  • [2]
    L. Dixon, A. Lehman, « Family interventions for schizophrenia », Schizophrenia Bulletin, 21, 1995, 631-643.
    J. Mari ; D. Steiner, « Effects of family interventions for those with Schizophrenia », Schizophrenia Module of the Cochrane Database of Systematic Review, n° 3, 1996.
    J.P. Leff ; C. Vaughn, « The role of maintenance therapy and relative’s expressed emotion in relapse of schizophrenia : a two-year follow-up », British Journal of Psychiatry, 139, 1981, p. 102-104.
    J.P. Leff ; L. Kuipers et coll., « Interventions in families of schizophrenics and its effects on relapse rate », Family Therapy in Schizophrenia, Mc Farlane Ed., The Guilford Press Ed., N.Y, 1983.
  • [3]
    G. Thornicroft, M. Tansella, « The mental health matrix », A Manual to Improve Services, Cambridge University Press Eds, uk, 1999.
  • [4]
    É. Zarifian, Le prix du bien-être, Paris, Odile Jacob, 1996.
  • [5]
    Les effets hypotenseurs, atropiniques des tricycliques et extrapyramidaux des neuroleptiques, sont mieux réduits et tolérés aujourd’hui qu’avec les premières molécules. Pour les antidépresseurs, non imao et non imipraminiques, il apparaît moins de troubles du rythme, d’hypotension orthostatique ; pour les neuroleptiques moins de dyskinésies ; pour les thymorégulateurs (avec le Dekapote) une surveillance biologique moins contraignante et moins d’effets secondaires sur le rein et la thyroïde. À ce confort accru pour le malade, on peut ajouter l’amélioration du confort de prescription pour les médecins du fait de l’écart dose efficace/dose toxique. Enfin, la simplification de la prescription – un seul médicament – par la diminution des effets secondaires, rend inutile la prescription systématique de correcteurs.
    Toutefois, tous les spécialistes ne partagent pas cet optimisme, et certains d’entre eux notent, à côté de la disparition de certains effets secondaires, l’apparition de nouveaux inconvénients : diabète de type 2, hyperlipidémie, obésité, troubles de la coagulation, troubles du rythme cardiaque, etc.
  • [6]
    A. Ehrenberg, La fatigue d’être soi, Paris, Odile Jacob, 2000.
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/05/2008


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