samedi 19 février 2022

Plus d’une femme sur quatre dans le monde a déjà été victime de violence conjugale

Par   Publié le 17 février 2022

La revue scientifique « The Lancet » a publié, jeudi, la plus large étude sur les violences faites aux femmes. Menée entre 2000 et 2018 grâce à des données de l’OMS, elle montre que plus d’un quart des femmes dans le monde ont déjà subi des violences domestiques. 

Plus d’un quart des femmes dans le monde ont déjà été victimes de violence domestique. C’est ce que révèle une étude de la revue britannique The Lancet, publiée le 17 février. Conduite entre 2000 et 2018, il s’agit de la plus large enquê­te sur les violences faites aux femmes.

Les données compilées attestent que 27 % des femmes entre 15 et 49 ans ont déjà subi des violences physiques ou sexuelles de la part d’un partenaire intime masculin. Parmi elles, 13 % ont subi ces violences dans les douze mois précédant leur sondage. Et ces violences commencent tôt – 24 % des 15-19 ans et 26 % des 19-24 interrogées ont déclaré en avoir déjà fait l’expérience.

« La prévalence des violences contre des adolescentes était plus élevée dans les pays au revenu bas et moyen inférieur, où le mariage précoce est plus répandu, où les filles ont moins accès à une ­éducation (…) et où les inégalités de genre sont susceptibles de prévaloir », analysent les autrices de l’article du Lancet, chercheuses à l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Claudia Garcia-Moreno et Lynn Sardinha. Les ­chiffres inquiètent cette dernière : « L’adolescence et les ­premières années de l’âge adulte sont des étapes importantes de la vie, où les bases pour des relations saines se construisent. La violence que ces jeunes femmes subissent a un impact permanent sur leur santé et leur bien-être », explique-t-elle.

L’étude du Lancet s’appuie sur une base de données de l’OMS incluant 366 sondages menés auprès de 2 millions de femmes dans 161 pays et régions du monde. Cette base de données couvre près de 90 % de la population féminine globale. Des travaux supplémentaires sont en cours pour améliorer la collecte des données relatives aux violences psychologiques. « Cette étude est plus large en termes d’échelle. Auparavant, on avait des données pays par pays, mais c’est inédit d’avoir des données globales qui unifient toutes les sources disponibles », souligne Jessica Leight, économiste et chercheuse à l’Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (Ifpri), qui étudie les violences conjugales dans des pays en voie de développement.

L’analyse des données de l’OMS met par ailleurs au jour des disparités régionales, avec une prévalence des violences subies au cours de la vie constatée dans des régions défavorisées du globe. Les occurrences les plus élevées ont été relevées en Océanie (49 %) et en Afrique centrale subsaharienne (44 %). Au contraire, les régions avec les taux les plus bas sont l’Asie centrale (18 %) et l’Europe centrale (16 %). Sur les 30 pays avec les taux les plus faibles, 24 sont des pays aux revenus élevés, 23 se situent en Europe.

Probable sous-estimation

Difficile, néanmoins, d’identifier des facteurs précis expliquant ces contrastes. « C’est la première fois qu’on a une vue aussi large qui nous permette de voir à quel point ces disparités sont prononcées. Ça va nous pousser à chercher plus loin », indique Jessica Leight. « Il y a plusieurs facteurs qui peuvent entrer en ligne de compte : les tensions économiques, les normes sociétales… Beaucoup de données semblent attester d’un lien possible entre pauvreté et violence conjugale, mais il n’est pas entièrement établi », précise l’économiste.

« Cela peut être associé à des sociétés dites “plus traditionnelles, patriarcales”, où ce type de violence est perçu comme plus acceptable », jugent Claudia Garcia-Moreno et Lynn Sardinha. L’accès aux études secondaires et supérieures, à des services d’aides, un travail rémunéré ou encore des lois de protection implémentées sont, selon elles, des facteurs qui réduisent les risques de violences liées au genre.

L’Organisation des Nations unies s’est fixé comme objectif de mettre fin aux violences domestiques à l’horizon 2030 dans le cadre de son programme de développement durable. « Malgré des progrès ces vingt dernières années, cela reste largement insuffisant pour atteindre l’objectif fixé (…) d’éliminer les violences faites aux femmes d’ici à 2030 », affirme Claudia Garcia-Moreno. Elle souligne aussi une aggravation des violences conjugales en raison de la pandémie de Covid-19, dont l’étude, menée jusqu’en 2018, ne rend pas compte. « Des recherches ont montré que la pandémie a exacerbé les problématiques qui mènent aux violences domestiques comme l’isolement, la dépression, l’anxiété et la consommation d’alcool, ainsi qu’un accès réduit aux services de soutien », précise Claudia Garcia-Moreno, qui souligne l’urgence « vitale » d’inclure la problématique des violences de genre dans les efforts de relèvement post-Covid de chaque gouvernement.

En 2018 seulement, près de 492 millions de femmes entre 15 et 49 ans ont été victimes de violences, soit une femme sur sept. Des calculs probablement sous-évalués, selon les autrices de l’étude, puisqu’ils s’appuient sur ce qu’ont rapporté les femmes sondées sur un sujet souvent difficile à aborder.

« Les résultats de cette étude (…) ne doivent que réitérer l’urgence de développer (…) des stratégies pouvant cibler la prévention et la réduction des violences conjugales pour les femmes du monde entier, plus particulièrement les plus vulnérables », conclut Jessica Leight.


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