jeudi 24 février 2022

Allongement du délai de l’IVG : l’Assemblée nationale approuve définitivement l’extension à quatorze semaines de grossesse

Le Monde avec AFP  Publié le 23 février 2022

Le délai était jusqu’ici de 12 semaines de grossesse. Le texte, voté mercredi à l’Assemblée, prévoit aussi d’étendre la pratique de l’IVG instrumentale aux sages-femmes.

En 2009, un nouveau centre de planification et d’éducation familiale était inauguré à l’Institut Alfred-Fournier, à Paris. La mairie de Paris commencait à mettre en place l’interruption volontaire de grossesse (IVG) par voie médicamenteuse dans les centres de planification de la ville, afin d’améliorer l’accès à l’avortement, « défaillant » dans la capitale.

L’Assemblée nationale a définitivement voté, mercredi 23 février, l’allongement du délai légal pour recourir à l’interruption volontaire de grossesse (IVG), de douze à quatorze semaines de grossesse. Le texte, à l’initiative de la députée d’opposition Albane Gaillot mais soutenu par la majorité, vise à répondre à un manque de praticiens et à la fermeture progressive des centres pratiquant l’IVG. Les députés l’ont approuvé à 135 voix, contre 47 et 9 abstentions.

La proposition de loi a suscité une vive opposition d’une partie de la droite au Sénat et à l’Assemblée nationale. Dans un entretien au magazine Elle, la candidate Les Républicains à l’élection présidentielle, Valérie Pécresse, a déploré « une fuite en avant qui détourne le regard du vrai problème : l’accès aux centres d’IVG, l’absence de gynécologues et de sages-femmes (…) il faut garantir le libre choix des femmes ».

Rien n’était acquis pour ce texte et le choix, de la part de la majorité, de le soutenir a été présenté comme une rare marque d’indépendance du groupe La République en marche (LRM) vis-à-vis d’Emmanuel Macron, qui a plusieurs fois exprimé ses réticences sur le sujet. « Le parcours atypique de cette proposition de loi est une leçon à tirer sur le fonctionnement de nos institutions. Elle montre qu’il faut faire fi des étiquettes politiques. Quand une idée est bonne, elle n’est ni de droite ni de gauche », a affirmé Albane Gaillot, ancienne députée LRM, devenue écologiste, qui ne se représentera pas lors des prochaines législatives.

Selon la députée socialiste Marie-Noëlle Battistel, 2 000 femmes seraient contraintes chaque année de se rendre à l’étranger pour pouvoir avorter car elles ont dépassé les délais légaux. Ce sont les « femmes les plus vulnérables », a-t-elle souligné.

La proposition de loi prévoit également d’étendre la pratique de l’IVG instrumentale aux sages-femmes. « Plus nombreuses que les médecins en France, elles peuvent déjà pratiquer les IVG par voie médicamenteuse depuis 2016 », explique Mme Gaillot.

Pas de suppression de la « clause de conscience »

Initialement, le texte prévoyait de supprimer la « clause de conscience spécifique » permettant aux médecins de refuser de pratiquer un avortement. Cette évolution a finalement été abandonnée pour permettre à la proposition de loi d’avancer dans son parcours parlementaire, débuté en octobre 2020. Le ministre de la santé, Olivier Véran, favorable à titre personnel à l’allongement du délai de l’IVG, en avait fait un préalable. C’est un texte « responsable », qui se « montre fidèle au combat pour l’émancipation des femmes », a salué M. Véran.

Les prises de position sans équivoque du chef de l’Etat ont paru longtemps torpiller la réforme. Marquant son opposition dans une interview publiée en juillet 2021, M. Macron avait encore estimé à son retour d’une visite au pape François, cet automne, que « des délais supplémentaires ne sont pas neutres sur le traumatisme d’une femme ». Il avait ajouté cependant « respect[er] la liberté des parlementaires ».

Christophe Castaner, président des députés LRM, a finalement décidé de reprendre la proposition de loi au compte des « marcheurs ». Et ce, avant que le gouvernement fasse le dernier pas en l’inscrivant aussi à l’ordre du jour du Sénat. Un trophée pour les députés de la majorité, dont le centre de gravité politique à l’Assemblée nationale est réputé pencher à gauche, du moins sur les questions de société. Cet allongement de la durée de l’IVG est l’un des petits cailloux semés en fin de quinquennat pour donner une orientation plus progressiste au bilan macroniste.


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