vendredi 10 décembre 2021

France : "la psychiatrie s'est mise au service de la sécurité"

PUBLIÉ LE 25 NOVEMBRE 2021

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INTERVIEW

25 ans de psychiatrie en prison : quel bilan ?


Cyrille Canetti est psychiatre. Il exerce son activité auprès des personnes détenues, de 1996 à 2021, dans différentes prisons d’Île-de-France. Il intègre, durant deux ans, l’équipe de la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté (2014-2016). Il quitte, au printemps 2021, le Service médico-psychologique (SMPR) de la prison de la Santé. Il explique : “mon chef de pôle n’a pas souhaité me renouveler dans mes fonctions de chef de service, j’ai démissionné juste avant que la porte ne se referme sur moi. Aujourd’hui, j’ai pris du recul. Après une phase d’amertume, je me demande comment j’ai pu tenir si longtemps dans un environnement aussi violent et aussi absurde”.

Cyrille Canetti s’occupe désormais d’une consultation pour les personnes sortant de prison à l’hôpital Sainte-Anne de Paris. Nous l’avons rencontré. Interview (critique), sur la psychiatrie et la prison.

Le développement des soins en milieu pénitentiaire a contribué à refaire une place aux malades en prison.

Prison Insider. Quand on associe prison et psychiatrie, quelles sont vos premières pensées ?
Cyrille Canetti. C’est une ineptie. C’est un retour en arrière.

PI. Y a-t-il de plus en plus de personnes souffrant de troubles psychiatriques en prison ?
CC. C’est ce que j’ai perçu. J’ai commencé à travailler en prison en 1996 et j’ai donc un peu de recul. Je ne dirais pas que l’évolution est linéaire. Lorsque j’ai commencé à la prison de Fresnes, j’ai été saisi par la situation des malades que je rencontrais. Ce sentiment s’est atténué avec le temps. Sur un temps plus court, je peux comparer mes deux passages à la Santé : j’ai assisté à une augmentation nette du nombre de malades, avec des troubles très graves. Lors de la première période (2009-2014), on faisait une moyenne de 10 à 12 hospitalisations par an. À sa réouverture après la rénovation, ce chiffre s’élevait à 35-36 par an. Mais cette augmentation correspond également à une politique de service : j’avais décidé que je ne voulais plus de malades lourdement atteints. Nous demandions systématiquement une hospitalisation. Je suis devenu moins conciliant, je ne voulais pas que les murs de la prison se substituent aux murs de l’hôpital. Mes collègues toujours en poste m’indiquent que le service est débordé par des malades psychotiques. J’ai l’impression qu’ils sont de plus en plus nombreux et les cas de plus en plus graves.


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