mardi 28 septembre 2021

«Les Intranquilles», cage de raison

par Didier Péron.  publié le 29 septembre 2021 

Le cinéaste belge Joachim Lafosse se penche, parfois avec froideur, sur l’émergence de la bipolarité au sein d’une famille et sa répercussion sur les sentiments amoureux et filiaux.

Un artiste peintre, Damien (Damien Bonnard, en transe), mène une existence confortable avec sa femme, Leïla (Leïla Bekhti, très juste), réparatrice de meubles anciens, et leur jeune garçon d’une dizaine d’années, Amine (Gabriel Merz Chammah). En vacances, Damien se montre curieusement agité, affamé, insomniaque, avide de tout et n’importe quoi, sans pour autant paraître délirant. Plus tard, on le voit peindre dans un état d’exaltation créatrice de plus en plus frénétique. Il semble libre, trop, du moins pour Leïla et Amine qui peu à peu ne peuvent plus le suivre ni le comprendre.

Jaillissement maniaque

C’est le drame de la folie bipolaire que le cinéaste belge Joachim Lafosse a choisi de décrire dans les Intranquilles, s’inspirant de souvenirs personnels car, comme il l’a raconté, son père, photographe, souffrait des mêmes symptômes d’euphorie hors contrôle suivis de phases d’abattement sous lithium. Aucune raison ni contexte ne sont particulièrement donnés ici pour expliquer la situation de Damien, hormis la pression que son galeriste lui met pour qu’il rende de nombreuses toiles en vue d’une grande expo. Ce choix de traiter la maladie comme l’émergence et la propagation d’un phénomène singulier est aussi une manière de considérer qu’à cette occasion, les réflexions personnelles sur le style de vie qu’on se donne se replient brutalement sur l’évidence et la force (par défaut, face à l’excès) de la norme.

Même l’amour ne peut contenir ou accepter l’énergie incohérente que le jaillissement maniaque déclenche dans une recherche éperdue de l’absence de mesure. Cette mise à l’épreuve des sentiments amoureux et filiaux est le vrai sujet du film et la manière dont Leïla et son fils doivent endosser le mauvais rôle des gardiens de la vie à basse intensité, fondé sur un baromètre au fond très intuitif de ce qui constitue la météorologie acceptable d’une vie ensemble. Le film est étrangement inoffensif, comme s’il s’était préalablement surarmé contre le risque d’être un tant soit peu gagné par la déraison qu’il aborde un peu avec la froide pondération du psychiatre qui en a vu d’autres.

Les Intranquilles de Joachim Lafosse avec Damien Bonnard, Leïla Bekhti, Gabriel Merz Chammah… 1 h 58.


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