lundi 27 septembre 2021

Le Covid-19 a fait plonger l’espérance de vie en 2020

Par   Publié le 27 septembre 2021

Selon une étude réalisée sur 29 pays développés, dont 27 en Europe, la chute atteindrait des niveaux jamais observés depuis la seconde guerre mondiale.

C’est désormais établi : le Covid-19 marquera l’histoire démographique mondiale. Selon une étude réalisée par des chercheurs britanniques, allemands et danois dans 29 pays développés, dont 27 en Europe, la pandémie a fait plonger en 2020 l’espérance de vie avec une brutalité rare. Dans la plupart des pays d’Europe occidentale, la chute atteint un niveau jamais observé depuis la fin de la seconde guerre mondiale. En Europe de l’Est, il approche, parfois même dépasse, la baisse provoquée par l’effondrement économique et sanitaire qui a suivi la dissolution du bloc soviétique. Publiée dans la revue International Journal of Epidemiologylundi 27 septembrecette recherche offre un point « provisoire », soulignent les chercheurs, alors que l’épidémie poursuit sa progression dans de nombreuses régions du monde.

Pour réaliser cette étude comparative, les chercheurs de l’université d’Oxford, de l’université du Sud Danemark et de l’institut Max-Planck, à Rostock, en Allemagne, ont passé en revue les données générales de mortalité et celles sur les décès par Covid disponibles. Ils ont ensuite retenu les pays qui avaient ventilé leurs statistiques tout à la fois selon le sexe et les tranches d’âge. Vingt-neuf pays sont ainsi sortis du panier : 27 en Europe ainsi que les Etats-Unis et le Chili. Pour chacun d’eux, ils ont ensuite quantifié le poids du Covid-19 selon deux méthodes différentes, avec des résultats qualifiés de « cohérents ».

Les États-Unis payent le plus lourd tribut avec une baisse de 2,2 ans d’espérance de vie à la naissance chez les hommes, et de 1,6 an chez les femmes

Le paysage démographique laissé par le passage du virus en Occident apparaît singulièrement abîmé. Sans surprise, les Etats-Unis payent le plus lourd tribut avec une baisse de 2,2 ans d’espérance de vie à la naissance chez les hommes, et de 1,6 an chez les femmes. Mais au total, une chute supérieure à un an est enregistrée pour les hommes dans onze pays, pour les femmes dans huit. « Il avait fallu en moyenne 5,6 années à ces pays pour gagner un an d’espérance de vie, il a été effacé d’un trait en 2020 par le Covid », soulignent les chercheurs. Les plus durement frappés, après les Américains, sont la Lituanie, la Bulgarie, la Pologne, l’Espagne, le Chili, l’Italie et la Belgique. Dans vingt-deux pays, l’indicateur baisse de plus de la moitié d’une année. Avec un fléchissement évalué à 8 mois pour les hommes et 7,2 mois pour les femmes, la France est de ceux-là. Enfin un groupe de sept pays, six d’Europe du Nord et la Grèce, apparaissent plus épargnés. Les chercheurs décernent une mention spéciale à la Norvège et au Danemark, les deux seuls à enregistrer une augmentation de l’espérance de vie entre 2019 et 2020.

Dans tous les pays, ce sont les hommes qui subissent la baisse la plus importante. Le phénomène est d’autant plus marquant que partout en Europe, ils avaient commencé à réduire, ces dernières années, le retard accumulé sur les femmes en termes de longévité. En Europe, comme on pouvait s’y attendre, ce sont les personnes âgées de plus de 60 ans qui contribuent le plus à la chute. Pour les femmes, ce sont même les octogénaires qui pèsent le plus lourd. Mais les Etats-unis se distinguent : la mortalité chez les moins de 60 ans y a explosé, « du fait de la quantité de comorbidités accumulées dans la population », indique l’article. Les chercheurs évoquent également le « racisme structurel » et « les inégalités d’accès aux services de santé » pour expliquer cette surmortalité. Si bien que c’est cette catégorie d’âge qui tire le plus lourdement l’espérance de vie américaine vers le bas.

L’année 2021 promet d’être elle aussi violente

Les chercheurs ont tenté de déterminer la part de la chute attribuable précisément au Covid. Outre les Etats-Unis, ils concluent qu’au Chili, en Grande-Bretagne, en Belgique, en Espagne et en Slovénie, la pandémie, à elle seule, a fait perdre plus d’un an d’espérance de vie à la naissance aux hommes comme aux femmes. Ces conclusions constituent la partie « la plus faible » de l’étude, selon le démographe Jean-Marie Robine (Inserm). Le chercheur invite également à relativiser quelque peu les conclusions. D’abord parce qu’invoquer la deuxième guerre mondiale lui apparaît excessif. « En 1940, en France, l’espérance de vie a baissé de 4 ans chez les femmes et de 14 ans chez les hommes,rappelle-t-il. De grosses chutes sont aussi observées en 1943 et 1944. L’ordre de grandeur n’est pas le même. » Il rappelle aussi que des baisses similaires, parfois même supérieures à celle observée en 2020, ont été enregistrées après les vagues de froid ou les violents épisodes de grippe de 1949, 1951, 1962 et 1969. Toutefois, conclut-il, l’étude « mesure bien l’impact global sur l’espérance de vie des événements positifs et négatifs survenus en 2020 dont bien sûr la pandémie de Covid est le principal ».

Pour Jonas Scholey, chercheur à l’institut Max-Planck et un des auteurs principaux de l’étude, elle montre « à quel point le caractère global de la baisse de l’espérance de vie en 2020 est unique au cours du dernier siècle ». Unique mais pas nécessairement temporaire. Car l’année 2021 promet d’être aussi violente. « Dans beaucoup de pays, une grande partie de la population n’était pas vaccinée pendant la première partie de l’année », rappelle-t-il. Sans compter ceux qui ont été mal immunisés (par le vaccin Sinovac au Chili), ou pas protégés du tout, faute de doses disponibles. Restent enfin les conséquences des Covid longs, les pertes de chances dues aux retards de soin, les effets sanitaires de la crise économique provoquée par la flambée du virus… « Les séquelles de la pandémie de Covid-19 sur la santé des populations risquent de durer longtemps », concluent les démographes.


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