lundi 27 septembre 2021

Contraception masculine : accouchement difficile !

par Un collectif d'associations  publié le 26 septembre 2021


De la vasectomie à la méthode thermique, des pratiques de contraception masculine existent. Pourquoi l’Etat tarde-t-il tant à les faire connaître et à les rendre accessibles ?

Le ministre de la Santé, Olivier Véran, annonçait le 9 septembre la gratuité de la contraception pour les femmes de moins de 25 ans. Cette décision consensuelle ne peut suffire à masquer les carences de la politique gouvernementale : elle ne constitue aucune avancée en matière d’égalité des sexes. La crise de la pilule et le mouvement #MeToo ont fait émerger la nécessité de remettre en question le paradigme d’une contraception qui ne s’adresserait qu’aux femmes.

Si la contraception est une liberté, pourquoi seules les femmes pourraient en bénéficier ? Si c’est une responsabilité, pourquoi seraient-elles les seules à en porter la charge ?

Les associations que nous représentons se sont saisies de ces questions et tentent d’impliquer les institutions concernées, mais le gouvernement botte en touche. Le 20 novembre 2020, lors de la journée mondiale de la vasectomie, nous avons interpellé le ministère de la Santé et celui chargé de l’Egalité. Ni l’un ni l’autre ne nous ont répondu. Les propositions que nous faisons pour remédier à l’immense retard de la France sur cette méthode sont ignorées.

Le 6 mai, nous demandions les moyens nécessaires pour que les hommes puissent eux aussi disposer d’un éventail de méthodes pour maîtriser leur fertilité. L’ANSM, agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, nous a accordé un rendez-vous mais la réponse qu’elle envisage nous semble aller à l’encontre des objectifs que nous poursuivons. Au lieu de construire avec nous une réponse globale, ANSM focalise son attention sur un anneau en silicone permettant de pratiquer la méthode thermique, commercialisée depuis deux ans. Elle envisage d’en interdire la vente, la distribution, la publicité et l’utilisation. Certes, la méthode thermique est encore expérimentale et les études cliniques doivent être étoffées, mais les observations sont très encourageantes. Certes, le fabricant, faute de moyens suffisants, n’a pas effectué les démarches de certification et il est important que le dispositif démontre son efficacité et son innocuité. Mais face au manque de solutions proposées, des milliers de personnes ont néanmoins choisi de s’en servir. Elles estiment que le rapport bénéfice-risque leur est favorable.

Une réponse pertinente ne consiste pas à interdire un dispositif, mais à accompagner les évolutions d’une société qui fait face à des enjeux majeurs de liberté, d’égalité et de responsabilité. Rappelons d’une part que l’article L5134-1 du Code de la santé publique garantit que «toute personne a le droit d’être informée sur l’ensemble des méthodes contraceptives et d’en choisir une librement», d’autre part que l’Etat n’applique pas les lois qu’il promulgue.

L’Etat ne remplit pas son rôle sur un sujet aussi crucial

Prenons pour preuve la loi relative à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception. Au mois de juillet, à l’occasion des 20 ans de cette loi, nos associations ont à nouveau interpellé les ministères dans une lettre ouverte, elle aussi restée sans réponse. La comparaison avec d’autres pays montre que le taux de recours à la vasectomie dépend totalement de la volonté politique de faire connaître et de rendre accessible cette méthode, et non de résistances culturelles dans la population. Quand les institutions font correctement leur travail, on observe qu’un homme sur cinq y a recours. En France, ce taux reste de l’ordre de 1 %. Bien que le nombre d’interventions ait été multiplié par cinq ces dernières années, ne nous y trompons pas : à ce rythme, la pratique peut rester marginale encore longtemps. Et interrogeons-nous : qui est à l’origine de ce changement ? Les pouvoirs publics qui auraient décidé d’agir ? Il serait difficile de le prétendre. Des hommes qui ont décidé par et pour eux-mêmes de prendre leurs responsabilités en matière de contraception, de maîtriser leur fertilité ? Rarement. Il semblerait plutôt que ce soit essentiellement le résultat des efforts faits par les femmes qui, lassées de porter seules la charge contraceptive, les ont sensibilisés. Elles ont parfois dû, patiemment, les convaincre.

Combien de temps les institutions vont-elles encore ignorer cette injustice ? Combien de temps les hommes vont-ils encore se faire materner ? La vasectomie, cette méthode si simple et efficace, doit devenir beaucoup plus courante. A cette fin, il faudra évidemment adapter les services de santé, mais aussi s’atteler à appliquer un autre volet de cette loi : celui de l’éducation sexuelle. Vingt ans après son adoption, cinq ans après la parution du rapport du Haut Conseil à l’égalité, le constat reste le même : l’Etat ne remplit pas son rôle sur un sujet aussi crucial. Les propositions faites par le HCE sont claires, pertinentes, mais ignorées. La polémique autour du crop-top née en septembre 2020 a montré qu’un président de la République ou un ministre de l’Education nationale peuvent eux-mêmes avoir cruellement manqué de cette éducation. On ne s’étonne donc pas qu’ils aient des difficultés à en saisir la nécessité et à décider de la mettre en œuvre.

Les méthodes de contraception dite masculine existent. Puisque l’Etat ne fait pas le nécessaire pour les rendre accessibles, nous invitons toutes les personnes concernées à se saisir du sujet, à soutenir les associations impliquées, à participer à leurs actions. Voilà un demi-siècle que les femmes se sont organisées, se sont rassemblées, se sont battues pour obtenir des droits à la contraception et à l’avortement. Elles ont transgressé les lois, au péril de leur vie. Leurs combats ne sont toujours pas terminés. Les hommes sauront-ils s’en inspirer ?

Les signataires : Le Planning familial, GARCON (groupe d’action et de recherche pour la contraception masculine), Ardecom (association pour la Recherche et le développement de la contraception masculine), Ardecom29, ANCIC (association nationale des centres d’avortement et de contraception).


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