samedi 24 juillet 2021

Vaccination : « Miser sur l’intelligence collective des Français contre les croyances moyenâgeuses »

Publié le 21 juillet 2021

Jean Carlet   Ancien réanimateur médical, ancien président de la société européenne de réanimation, président sortant de l’alliance mondiale contre la résistance bactérienne /Waaar

Il est urgent de casser l’envolée des contaminations. Une centaine de médecins, de scientifiques et de citoyens appellent, dans une tribune au « Monde » lancée par Jean Carlet, ancien président de la Société européenne de réanimation, à raisonner et à se vacciner

Tribune. Le chef de l’Etat a très clairement indiqué que la vaccination contre le virus du Covid-19 était la seule solution pour venir à bout de cette épidémie dévastatrice. Il a également insisté sur l’importance du passe sanitaire Covid, en multipliant les endroits et les situations où il sera obligatoire, et décidé d’imposer la vaccination à tous les soignants, en interdisant aux réfractaires de s’occuper des malades, en ville ou à l’hôpital, et en leur imposant un congé sans solde, voire d’autres sanctions.

Voici des décisions très courageuses, il faut bien le reconnaître, quelles que soient les convictions politiques ou sociétales des Français. Dénigrer celles-ci par principe n’a aucun sens, et n’est pas responsable. Les Académies de médecine et de pharmacie, la Fédération des spécialités médicales, plusieurs responsables politiques, et les 100 personnes qui signent cette tribune ont tous plaidé ces derniers jours pour une vaccination imposée à toute la population française et restent sur cette position.

Emmanuel Macron a clairement indiqué qu’il faudrait peut-être en venir à cette solution radicale, mais qu’il préférait, dans un premier temps, faire confiance à l’esprit civique des habitants de notre pays. Cela ne manque pas de panache, mais il n’est pas sûr que le virus y soit sensible ! On saura cependant très vite s’il a eu raison (M. Macron, pas le virus) de ne pas passer à la version « sport », celle qui permettait d’aller encore plus vite vers une immunité collective.

Cesser les querelles stériles, ridicules voire honteuses

L’augmentation rapide des nouveaux cas, plus de 12 500 par jour, très souvent liés au variant Delta, fait vraiment peur, d’autant plus que des patients jeunes sont atteints, avec parfois des formes foudroyantes. Il y a donc pour beaucoup de nos concitoyens une incompréhension et une inquiétude, qui conduisent à une certaine radicalisation d’attitude.

Il va être très important d’analyser les réactions des différents corps de métier en particulier les soignants, les forces politiques, et les citoyens de notre pays aux mesures prises par le gouvernement pour lutter contre ce virus. Voyons si, face à la grave menace pour l’humanité que représente le SARS-CoV-2, les citoyens français et les différentes forces politiques ou scientifiques vont réussir à enfin réunir leurs forces, et à cesser les querelles stériles, ridicules voire honteuses que l’on constate actuellement.

Nous ne souhaitons absolument pas faire de politique, dans cette tribune, mais les toutes premières réactions virulentes de certains partis ne laissent malheureusement rien présager de bon. La manifestation du samedi 17 juillet a regroupé 114 000 personnes partout en France, c’est-à-dire à peu près le nombre de décès, en France, depuis le début de l’épidémie. Certains comportements ou propos totalement inacceptables ont été relatés. Décidément, il est bien difficile d’obtenir un consensus dans notre pays, même quand il a un si grand nombre de décès à déplorer et que la santé publique mondiale est si gravement menacée.

Le signe positif des candidats à la vaccination

Voyons aussi si les antivaccins, les antisciences, vont cesser de prétendre impunément que les vaccins contre le virus du Covid-19 feront plus de morts que la maladie elle-même, et risquent même d’altérer notre génome de façon profonde et irréversible. La très bonne surprise serait que la liberté, l’égalité et la fraternité s’inscrivent pour toujours dans notre génome à l’occasion de cette mutation.

On va voir si les soignants et les citoyens français dont certains ont si peur de cette vaccination, de façon souvent irrationnelle, vont enfin comprendre que les vaccins utilisés sont extrêmement efficaces, et presque toujours très bien tolérés, dans une expérience mondiale de centaines de millions de doses, et que le bénéfice pour eux est très en faveur de la vaccination.

Le nombre très élevé de candidats à la vaccination depuis les messages délivrés par le chef de l’Etat est très encourageant. On va voir si les soignants qui refusaient la vaccination vont eux aussi se précipiter sur le vaccin, sans crainte, et sans amertume. Une telle attitude de leur part ces derniers temps aurait permis d’éviter cette obligation de vaccination, qui nous laisse tous, soignants et décideurs, un sentiment de profond malaise, et de tristesse.

Ne pas éluder les problèmes majeurs des soignants

Il n’est absolument pas question d’éluder les problèmes majeurs qu’ont dû supporter les soignants depuis des années, en particulier concernant leurs conditions de travail et leurs salaires, mais il ne faut surtout pas faire d’amalgames. Ce serait très dangereux, car cela nous ferait perdre un temps précieux dans la lutte acharnée contre ce virus. L’objectif prioritaire actuel, qui impose un total regroupement de nos forces, est de se mettre à l’abri de cette sale bête.

Les récriminations ou les injustices devront être traitées, mais plus tard. Il n’est pas question non plus d’oublier l’attitude exemplaire des soignants depuis dix-huit mois, notamment au moment de la première vague où ils étaient au front avec souvent des manques de masques et d’équipements, comme les pompiers de Tchernobyl.

Dans la catégorie des « injustices », on va bien voir si les pays « riches » vont être capables de coopérer, via des structures comme les Nations unies (quel beau nom) ou l’OMS pour aider logistiquement et financièrement les pays plus en difficulté. Certains pays sont en train de le faire, dont la Chine, tous azimuts, et le Maroc envers la Tunisie. La France et l’Europe ne doivent surtout pas prendre de retard sur ce nouvel aspect de l’aide humanitaire.

Lutter contre la désinformation ambiante, très inquiétante

Voyons également si une lutte sans merci va être enfin mise en place pour agir contre les « fake news » et les propos complotistes qui galopent sur les réseaux sociaux. Il faut également espérer que certains médecins qui délivrent régulièrement et impunément des propos très négatifs et non scientifiques sur les vaccins, alors que certains ont eu, dans le passé, une belle carrière scientifique, vont enfin comprendre le mal qu’ils font à leur réputation, aux malades et à la médecine.

Comment ces médecins parviennent-ils à piétiner les découvertes de Pasteur ou d’autres grands vaccinateurs, qui ont permis de sauver tant de vies humaines ? Manifestement, notre pays n’a pas encore trouvé le moyen de lutter efficacement contre cette désinformation ambiante, très inquiétante. Il n’y parviendra que si l’intelligence collective légendaire des Français, quand ils le décident, l’emporte sur des croyances moyenâgeuses. Quand il le faut, notre pays est capable de soulever des montagnes !

Jean Carlet, initiateur de cette tribune, a reçu le soutien de nombreuses personnalités dont voici les premiers signataires : Jeanne Brugère-Picoux, professeure et chef de service à l’Ecole nationale vétérinaire de Maisons-Alfort ; Claude Carlet, professeur et chercheur, Ecole de mathématiques, université Paris-VIII ; France Cazenave-Roblot, professeure et chef de service d’infectiologie, Poitiers, ancienne présidente de la Société de pathologie infectieuse de langue française (Spilf) ; Alain-Michel Ceretti, créateur et président du Lien, association de défense des patients et des usagers de la santé ; Marie-Françoise Dumay, créatrice et ancienne présidente de la Société française des infirmiers en soins intensifs ;Olivier Goëau-Brissonnière, professeur de chirurgie vasculaire, hôpital Ambroise-Paré (AP-HP) et président de la Fédération des spécialités médicales (FSM) ; Jamila Hedjal, présidente de la France Sepsis Association ; Karine Lacombe, professeure et chef de service en infectiologie, hôpital Saint-Antoine (AP-HP) ; Christine Lawrence,hygiéniste et microbiologiste, hôpital Ambroise-Paré (AP-HP) ; Marc Leone, professeur d’anesthésie-réanimation, Marseille, vice-président de la Société française d’anesthésie et de réanimation (SFAR) ; Gilles Pialoux, professeur d’infectiologie, Sorbonne Université ; Claude Rambaud, ancienne présidente du Lien, membre du bureau de France Assos Santé ; Gérard Reach, professeur d’endocrinologie ; Bernard Régnier, professeur de médecine honoraire, ancien CDS réanimation, CHU Bichat (AP-HP) ; Jean-Paul Stahl, professeur de maladies infectieuses à Grenoble, ancien président de la SpilfLa liste des signataires en cliquant sur ce lien


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