mercredi 16 juin 2021

Disparition Alain Cocq, la mort au bout du combat

par Eric Favereau   publié le 15 juin 2021

Après une année de lutte pour pouvoir mourir, celui qui ne considérait plus sa vie «digne» est allé en Suisse, où sont autorisés les suicides assistés.

Alain Cocq est mort, ce mardi matin, à Berne, en Suisse, à la suite d’un suicide assisté. «Une mort apaisée et douce, comme il le voulait», nous a raconté Jean-Luc Romero, président de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD), qui l’a accompagné.

Corps trop douloureux

Cela faisait presqu’un an qu’Alain Cocq voulait mourir et le réclamait «haut et fort», par voie de presse et de médias. Une fin de vie qu’il a voulu transformer en combat. Alain Cocq était malade depuis plus de trente ans, et depuis le printemps il l’avait dit, répété: il souffrait trop. Il considérait que sa vie n’était plus digne. Il avait écrit une lettre au président de la République, multiplié les vidéos pour demander à mourir. En septembre, il avait ainsi arrêté traitements et soins. Mais, quelques jours plus tard, le corps trop douloureux, il avait accepté de les reprendre. Mi-octobre, il avait souhaité arrêter de nouveau. Trois jours après, Alain Cocq avait de nouveau fait volte-face. «Comme la première fois, il a été hospitalisé à sa demande et il a repris son traitement, l’alimentation et l’hydratation», indiquait maître François Lambert, qui est aussi le neveu de Vincent Lambert, mort en juillet 2019 après onze ans dans un état végétatif. «Comme la première fois, il n’avait pas supporté les souffrances qui s’accentuaient quand a cessé le traitement»,précisait, alors, Jean-Luc Romero-Michel.

Voilà. Ce n’est pas simple de mourir, même quand on le souhaite fortement. A l’hôpital, Alain Cocq n’avait plus rien dit. Il n’était pas en état de parler. L’équipe du CHU de Dijon (Côte-d’Or) ne semblait pas vouloir lui faire bénéficier d’une sédation profonde et continue jusqu’au décès. La loi Claeys-Leonetti du 2 février 2016, qui réglemente en effet la fin de vie, est de ce point de vue ambiguë, d’autant que les recommandations de la Haute Autorité de santé pour l’appliquer sont restrictives, parlant d’un décès devant survenir dans les soixante-douze heures, ce qui n’est pas le cas ici. Pour autant, cette sédation est possible lorsque les douleurs ne peuvent être soulagées, ce que vit manifestement Alain Cocq.

«Pas simple d’accompagner quelqu’un»

On en était là. Entre les deux, face à une fin de vie qui ressemblait à une impasse médicale. Alain Coq est revenu, chez lui. «On le soutient. S’il veut bénéficier d’un suicide assisté en Suisse nous l’aiderons», nous indiquait Jean-Luc Romero-Michel. Les mois ont passé. Ce n’était pas simple, le Covid bousculant les habitudes. «Ces dernières semaines, il était de plus en plus décidé», poursuit Jean-Luc Romero-Michel. Le choix a été fait par l’ADMD de l’aider et de l’accompagner en Suisse où le suicide assisté est autorisé par le biais de certaines associations, en l’occurrence Ex-international. Coût : 15 000 euros. «Alain était rassuré, il avait le visage serein. Nous étions là, avec Cyril son aide-soignant qui ne l’a jamais quitté, et après avoir même plaisanté il s’est alors endormi très vite»,poursuit Jean-Luc Romero-Michel qui ajoute : «Ce n’est pas simple d’accompagner quelqu’un, d’autant que j’ai perdu ma mère du Covid, il n’y a pas longtemps.»

Avant de mourir, Alain Cocq a adressé un message aux parlementaires, mais aussi au président de la République, pour que sa mort permette de faire bouger la loi. Alors qu’un projet de loi a été récemment adopté par une majorité de députés allant dans ce sens, le gouvernement a expliqué que «ce n’était pas encore le moment».


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