lundi 17 mai 2021

Le paradis, c’est les autres : le care vu par Jirô Taniguchi

En suivant leurs intuitions, leurs émotions, les artistes explorent parfois des idées qui résonnent avec notre présent et façonnent notre avenir. Dans cette nouvelle série de chroniques, Adrien Rivierre, expert reconnu de la mise en récit et contributeur régulier de cette plateforme, se penche sur la façon dont certaines œuvres apparaissent ainsi comme d’indispensables clés de lecture pour sentir et ressentir le monde. Dans ce premier épisode, il analyse le travail de Jirô Taniguchi. Ou plus exactement la façon dont l’empathie avec laquelle le mangaka traite ses personnages apparaît comme la meilleure incarnation artistique de la notion de care, devenue centrale dans le débat intellectuel.

Le paradis, c’est les autres : le care vu par Jirô Taniguchi
Détail de la couverture de l’album Quartier lointain, de Jirô Taniguchi (Casterman, 2002)

Attendez, quoi ? Le « management par la bienveillance » serait efficace ? Foutaises ! Impossible ! Arrêtons de rêver deux minutes : nous savons tous qu’au cœur des entreprises, l’enfer, c’est les autres. Et puis, il est évident que nous portons bien plus d’attention à nos téléphones portables qu’aux vils êtres humains qui osent encore perturber nos vies.

Bon d’accord, je rigole… enfin, à peine. Il suffit de voir comme on s’extasie devant la bienveillance qui nappe mièvrement les conversations sur ClubHouse… On s’extasie car on redécouvre qu’on peut se parler sans se crier dessus (une pensée émue, ici, pour Twitter…) ! Après tout, il n’est jamais trop tard… Cette éthique du care, ou plutôt de la sollicitude en bon français, revient ainsi sur le devant de la scène. Mais oui, suis-je bête : il faut sauver l’empathie et la bienveillance ! Nous ne serions quand même pas devenus les êtres vivants les plus égocentriques sur Terre ? Un conseil : ne cherchez pas à répondre à cette question…

Je rigole, je rigole, mais ce n’est pas drôle du tout. Car si l’empathie et la bienveillance se perdent, il faut absolument (ré)apprendre à regarder l’autre, à se soucier de lui, à l’écouter. Tiens, très bonne idée ça… sauf qu’il n’existe pas d’école de l’empathie. À moins que…

Jirô Taniguchi apparaît comme le véritable archéologue de nos sentiments intérieurs les plus profonds

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