lundi 9 novembre 2020

Campagne, famille, patrie, l'utopie de certains groupes nationalistes français

Slate 

Pierre Plottu et Maxime Macé — 

Vivre entre Français «de souche», c'est le fantasme d'une frange de l'extrême droite qui compte créer des villages imperméables à la société actuelle qu'elle conspue. Voire préparer la «reconquête» d'un territoire présumé perdu.


Vue de La Salvetat-sur-Agout (Hérault), où s'est installée pendant un temps la communauté des Brigandes. | Fagairolles 34 via Wikimedia Commons
Vue de La Salvetat-sur-Agout (Hérault), où s'est installée pendant un temps la communauté des Brigandes. | Fagairolles 34 via Wikimedia Commons

C'est une vieille lubie qui revient à la mode. Aux migrations internationales qu'elle voue aux gémonies, une frange de plus en plus importante de l'extrême droite radicale oppose un repli vers les campagnes pour échapper aux grandes villes, qui seraient touchées par un prétendu remplacement de population et en proie au libéralisme sauvage qui détruirait la civilisation européenne.

Dans la lignée des organisations néofascistes françaises, tel Ordre nouveau et son projet de «village nationaliste» à la fin des années 1960, des mouvements racialistes comme Génération identitaire (GI) font la promotion de cette «stratégie de résilience communautaire», d'où partirait la «reconquête» appuyée sur l'«identité clanique locale» et l'«autodéfense collective».

«Il est impératif de reconquérir nos campagnes et d'en faire nos ZID: zones identitaires à défendre.»
Clément Martin, porte-parole de Génération identitaire

Porte-parole de GI, Clément Martin écrivait ainsi à la mi-septembre sur le site Les Identitaires (ex-Bloc identitaire, désormais simple laboratoire d'idées de la mouvance) un article intitulé «Reconquérir notre territoire: la liberté par l'enracinement». Il y emploie un vocabulaire guerrier et explique que l'ennemi serait déjà sur notre sol: les «immigrés clandestins [...] carburant idéologique de la nouvelle gauche à vitrine écologiste».

Considérant que les Français sont d'ores et déjà dépossédés de leurs villes, il promeut un exode urbain vers les campagnes, rejouant le «retour à la terre» de Jules Méline (ministre de l'Agriculture de la IIIe République) sur fond d'une guerre raciale qui viendrait. Clément Martin ne s'en cache même pas: «Dans toute guerre, il y a une avant-garde et une arrière-garde: les deux positions ne se contredisent pas, elles sont complémentaires. Il s'agit de garder à l'esprit que pour perdurer, notre idéal doit s'incarner dans des familles où les enfants sont heureux de grandir au cœur d'un terroir préservé. C'est pourquoi il est impératif de reconquérir nos campagnes et d'en faire nos ZID: zones identitaires à défendre.»

Des réalités en Afrique du Sud et en Allemagne

Cette exaltation des campagnes n'est pas une nouveauté en politique et permet de s'approprier les valeurs généralement accolées à la terre: la vérité, l'idéalisation de la figure du paysan brave et résilient, la renaissance. Déjà, le régime de Vichy incarné par le maréchal Pétain annonçait que «la terre, elle, ne ment pas», et l'opposait aux traîtres supposés: les politiciens de la IIIe République, les intellectuels de gauche et bientôt les Juifs.

Les mêmes qu'une (large) partie de l'extrême droite rend aujourd'hui responsables du prétendu grand remplacement, cette théorie complotiste voulant que la substitution des populations dites «de souche» par des populations immigrées serait organisée par les élites (qu'elles soient mondialistes ou juives).

Image de propagande vichyste exaltant la vie rurale. | Imagerie du Maréchal via Wikimedia Commons


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