lundi 25 mai 2020

Savoir annoncer une maladie grave est un enjeu permanent dans la formation des médecins

Publié le 22/05/20


Une patiente virtuelle forme les médecins à annoncer des événements indésirables graves
Pour faciliter la formation des médecins à l'annonce de mauvaises nouvelles, des chercheurs marseillais ont développé un projet innovant. Il permet aux soignants d'interagir avec une patiente virtuelle capable de réagir verbalement et physiquement.
Son nom est la contraction d'agents conversationnels en réalité virtuelle pour la formation de médecins à l’annonce d’événement grave. Financé par l'Agence nationale de la recherche, le projet interdisciplinaire Acorformed a réuni informaticiens, linguistes et médecins autour d'un objectif : faciliter l'accès à la formation à l'annonce de mauvaises nouvelles. Débuté en 2018 par plusieurs laboratoires universitaires, le projet est né d'une problématique, celle de la difficulté pour les médecins d'être formés à annoncer des mauvaises nouvelles, notamment les événements indésirables. Dans un rapport de 2011, la Haute Autorité de santé (HAS) insiste sur le caractère indispensable de la formation des médecins à l'annonce : "L'écoute active, l'empathie, la communication dans des situations difficiles et le fait de se justifier face à un patient ne s’improvisent pas et doivent être enseignés avec pédagogie."

Les réactions d'un vrai patient

La formation par la simulation est courante dans certains centres comme l'Institut Paoli-Calmettes à Marseille (Bouche-du-Rhône) qui organise des ateliers de formation, pour lesquels des acteurs jouent le rôle du patient. Pour compléter cette offre qui peut être onéreuse et difficile à mettre en place, des chercheurs ont eu l'idée de mettre en situation les médecins dans un environnement virtuel, face à une patiente qui réagit à ses propos. "On a travaillé sur un scénario en particulier dans lequel le patient doit subir une endoscopie car il a des polypes, explique Philippe Blache, directeur de recherche au CNRS et de l’Institut langage, communication et cerveau (ILCB) . Lors de l'endoscopie, il y a eu une perforation accidentelle de la paroi intestinale et le médecin doit l’annoncer au patient." Équipé d'un casque de réalité virtuelle, à l'intérieur d'une salle immersive ou face à la webcam de son ordinateur, le médecin peut ainsi s'entraîner à annoncer un événement indésirable grave à une patiente virtuelle


Pour que cette patiente présente les mêmes réactions qu'un être humain, l'équipe de recherche a analysé les vidéos d'ateliers de simulation entre acteurs et médecins à l'institut Paoli Calmette. "On a annoté le comportement verbal et non verbal du patient acteur avec plein d’indices comportementaux : son attitude, la direction du regard, les mots employés, les feedbacks comme les "hum hum" et mouvements de tête qui sont essentiels pour avoir une communication engageante et naturelle", détaille Magalie Ochs, enseignante-chercheur au Laboratoire des sciences de l'information et des systèmes (LSIS) et co-directrice du projet.

Un système d'évaluation objective

Les méthodes d'intelligence artificielle ont ensuite été utilisées pour construire les modèles de comportements de la patiente virtuelle à laquelle ont fait face une trentaine de médecins experts et de sujets naïfs. L'avatar peut également poser des questions et demander des précisions si le médecin ne s'est pas exprimé de manière suffisamment claire. Les testeurs ont exprimé des retours "extrêmement positifs", selon Magalie Ochs. Malgré une image loin d'être ultra-réaliste, le comportement crédible de la patiente convainc. "Quand on est médecin, on a beau se préparer psychologiquement à annoncer une mauvaise nouvelle, on le fait toujours la première fois avec un patient. Malgré l’environnement de réalité virtuelle et la conscience de faire face à une machine, ils ont pu se confronter à cette situation et s’y préparer."

À l’issue de cette simulation, le système renvoie certaines métriques objectives comme le nombre de mots de vocabulaire médical utilisés ou les hésitations. Mais la plateforme a été imaginée au départ comme devant être associée à l'analyse d'un expert dans l’annonce de mauvaises nouvelles qui, en analysant ces données objectives, peut indiquer au médecin les points sur lesquels il doit être attentif. Le projet cherche des financements pour une prochaine étape : passer du prototype à une version bêta qui pourra être testée à l’université d’Aix-Marseille.


Les partenaires du projet

  • Aix-Marseille Université avec le laboratoire parole et langage, le laboratoire d'informatique et systèmes et l'Institut des sciences du mouvement ;
  • le laboratoire de traitement et communication de l’information, rattaché au CNRS et à Telecom ParisTech ;
  • l'Institut Paoli-Calmettes ;
  • le CHU d'Angers (Maine-et-Loire) ;
  • le Groupement d'intérêt scientifique (GIS) Angers plateforme hospitalo-universitaire de simulation en santé (APLHUSS) ;
  • l'entreprise Immersion.

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