lundi 25 mai 2020

Les parents d'enfants handicapés ont besoin de rééducations à domicile et de répit

Publié le 22/05/20


Un parent d'enfant handicapé sur deux est épuisé par le confinement. À l'heure où peu d'enfants ont pu retourner en classe ou en établissement, les parents réclament en priorité des rééducations à domicile selon une enquête du collectif Handi actif.
Selon un sondage en ligne réalisé par le collectif d'associations de parents Handi actif France entre le 10 et le 17 mai, 50% des parents ont été épuisés ou dépassés par la lourdeur de la tâche pendant le confinement. Ils réclament en priorité le retour des rééducations à domicile et des solutions de répit pour souffler. Le collectif demande le versement de la prime Covid aux parents aidants et le renforcement des mesures de répit et des rééducations durant l'été.

L'immense majorité des 503 parents qui ont répondu à cette enquête ont eu le sentiment d'avoir été les grands oubliés de la crise sanitaire. Alors dans le cadre du déconfinement ces parents disent avoir besoin de rééducations à domicile (63%), de solutions de répit (44%), de rééducations en visioconférence (29%) et d'une aide pour les tâches ménagères (17%).

Près de 9 familles sur 10 n'ont pas eu d'aide à domicile

"Quand nous avons vu que les premiers résultats de l'enquête Echo montrant que plus de la moitié des parents d'enfants handicapés moteurs étaient mécontents du suivi rééducatif pendant le confinement (lire notre article), nous avons voulu comprendre pourquoi", explique à Hospimedia, Anne Gauthier, l'une des animatrices du collectif.

Résultat : 87% des répondants disent n'avoir reçu aucune aide à domicile de la part des thérapeutes de l'enfant et 57% constatent que leur enfant n'a bénéficié d’aucun suivi scolaire ou préscolaire. Un parent sur deux se sent épuisé et dépassé par la lourdeur de la tâche. Encore plus inquiétant, 30% des parents, près d'un parent sur trois, reconnaissent, à cause de la fatigue, avoir eu pendant ces deux mois de confinement au moins une parole ou un geste envers leur enfant handicapé qu'ils regrettent.

Un échantillon représentatif du handicap moteur et des TND

Les réponses recueillies concernent des enfants de 0 à 20 ans. Les répondants sont majoritairement parents d'enfants poly et plurihandicapés (56%), puis souffrant de troubles du neurodéveloppement (TND) : autisme (19%) et troubles Dys ou du déficit de l'attention (10%). Les enfants étaient à 42% pris en charge dans les structures médico-sociales, à 27% en école ordinaire, et 22% à la maison avec des professionnels libéraux.

Pour la moitié de ceux qui ont pu bénéficier de stimulations à domicile, ces dernières ont été limitées à une ou deux séances par mois, un temps jugé trop insuffisant. Si de la guidance parentale a pu être mise en place, souvent plusieurs semaines après le début du confinement, par téléphone ou par visioconférence, 25% des parents n’ont eu aucun suivi de ce type. La kinésithérapie (18%) et l'orthophonie (13%) ont été les deux thérapies les plus proposées en visioconférence. 11% des visioconférences ont également concerné une aide psychologique.

Une prime Covid pour les parents

Devant cette carence de soin, 78% des parents estiment "avoir fait le job", selon Anne Gauthier, et assumé la continuité des thérapies : 31% en totalité, 47% en partie. Mais 22% n’ont pas pu les continuer. De plus, 70% des parents estiment que l'accompagnement de leur enfant les a occupés à temps plein plus de 10 heures par jour. "Après avoir bataillé, nous avons obtenu de faire sauter la limite d'âge des 16 ans pour le congé maladie du parent aidant mais pas la prise en charge de deux congés maladie par famille. Or quand il faut s'occuper d'un enfant pluri ou polyhandicapé et de ses frères et sœurs sans aucune aide extérieure, c'est quasiment mission impossible. Ce qui s'est passé dans beaucoup de famille, c'est que le parent en télétravail travaillait en horaire décalé, ce qui explique l'épuisement constaté", ajoute Anne Gauthier.

De plus, 15% des parents déclarent avoir dû rémunérer eux-mêmes, sans espoir de remboursement des praticiens en libéral venus à leur secours à domicile : kinésithérapeutes, psychomotriciens, ergothérapeutes, orthophonistes, psychologues... "Les parents sont épuisés, ils ont limité les dégâts comme ils ont pu. La charge mentale a été d'autant plus énorme pour ceux qui ont des problématiques médicales associées. Fallait-il aller à l'hôpital pour une crise d'épilepsie fin mars ? Quant à la revalorisation de l'aide humaine, quand les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) l'ont appliquée, ce qui est loin d'être le cas dans tous les départements, elle ne compense pas la réalité de ce que les familles ont vécu. Si je prends mon exemple, l'aide humaine pour la prestation de compensation du handicap (PCH) de mon fils est passée pendant le confinement de 152 heures à 198 heures par mois, payées 3,70 euros l'heure", précise Anne Gauthier. Elle revendique la distribution de la prime Covid à tous les parents qui ont gardé sans relais leur enfant lourdement handicapé pendant le confirment.

Une reconnaissance européenne des aidants ?

La Coface, fédération des associations familiales de la communauté européenne, a demandé à l'Union européenne dans une lettre ouverte le 19 mai une reconnaissance et un soutien financier à "la main-d'œuvre la plus invisible en Europe : les aidants familiaux, principalement composés de femmes, qui assuraient 80% des services de soins de longue durée avant la crise, et encore plus aujourd'hui". Les personnes handicapées et leurs aidants ont besoin de services de soutien à domicile, d'aide financière pour l'achat d'équipements informatiques et d'assistance, de formation, de congés correctement rémunérés et de solutions de répit. Le financement de ces actions doivent clairement être inscrit dans les prochaines orientations budgétaires, estime la Coface.
Emmanuelle Deleplace

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