jeudi 2 janvier 2020

Fin de vie : des médecins interpellent Buzyn pour alléger la procédure de sédation à domicile

Christophe Gattuso
| 02.01.2020


Après la mise en examen d'un généraliste normand courant novembre pour avoir administré du midazolam et entraîné la mort de cinq personnes âgées « sans intention de la donner », le débat autour de la fin de vie a rebondi ces derniers jours.
La Fédération des médecins de France (FMF) qui soutient le praticien interdit d'exercice « connu, compétent et dévoué », qui a « eu le courage de prendre en charge des fins de vie à domicile », réclame le droit pour les généralistes d'administrer du midazolam pour mettre en œuvre une sédation profonde jusqu'à la mort.

Aujourd'hui, la sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès (SPCMD) peut être conduite au domicile du patient mais le médecin doit suivre une procédure spécifique. Le code de la santé publique précise que toute décision d’engager une sédation profonde et continue relève d’une procédure collégiale (la HAS a publié en 2018 un guide de parcours de soins sur la sédation).
« Les médecins généralistes veulent avoir le droit d'administrer des sédatifs comme le midazolam », qui n'est accessible aujourd'hui que par rétrocession hospitalière, a déclaré le Dr Jean-Paul Hamon, président de la FMF, dans une interview au Parisien. « Évidemment, l'utilisation du midazolam en ville serait tracée, encadrée », poursuit le Dr Hamon, selon qui il s'agit d'une « étape supplémentaire dans la prise en charge de la douleur ». Le généraliste de Clamart, reconnaît avoir lui aussi, pendant ses 45 ans d'exercice, aidé des patients à partir, en utilisant d'autres anxiolytiques que le midazolam. « S'il fallait interdire d'exercice tous les médecins généralistes qui prennent en charge la fin de vie, sans être tout à fait dans les règles, la France serait un Sahara médical », ajoute le leader syndical, qui a multiplié les interventions médiatiques (France Info, RTL...) sur ce sujet, ces derniers jours.
Interpellée, la ministre de la Santé reste silencieuse
Début décembre, le Dr Antoine Leveneur, président FMF de l'URML Normandie, avait interpellé Agnès Buzyn dans une lettre ouverte pour lui demander de prendre position sur ce dossier sensible.
« Lorsque le recours à l'HAD n'est pas le plus pertinent, l’alternative est simple quand il s’agit d’apaiser et de soulager efficacement à leur domicile des patients en fin de vie dans le respect de la loi Claeys-Leonetti : soit se résoudre à les adresser aux établissements, soit mettre en œuvre à domicile les mesures efficaces et respectueuses pour les patients, avec ce risque non négligeable de se retrouver, comme notre confrère, devant la justice », écrivait le Dr Leveneur. Avant de poser une question à la ministre de la Santé, aujourd'hui sans réponse : « Quels seraient votre avis et vos conseils aux médecins libéraux qui utilisent cette molécule réservée aux établissements ? »
« Oui à une décision collégiale mais pas à 50 ! »
Le midazolam est le médicament qui est préconisé pour mettre en œuvre une sédation profonde et continue jusqu'à la mort lors d'un arrêt d'un traitement autorisé par la loi en cas « d'obstination déraisonnable » mais la rétrocession hospitalière et la décision collégiale rendent son accès difficile par le médecin généraliste dans des délais raisonnables. « Oui, il faut décision collégiale et pas du médecin seul mais on n'a pas besoin de l'accord de 50 personnes pour prendre la décision d'accompagner la fin de vie. À partir du moment où on en a parlé avec le patient, la famille et l'infirmière par exemple, cela devrait être suffisant, affirme au Généraliste le Dr Hamon. Il faut que le midazolam soit délivrable en ville avec une ordonnance sécurisée, par exemple, et pas uniquement à l'hôpital. Quand on est au domicile du patient, c'est très dur de suivre des protocoles idéaux. » 
Le SML veut des États généraux pour mettre fin à l'hypocrisie
Mardi, dénonçant l'hypocrisie grandissante de notre société, le Syndicat des médecins libéraux (SML) a réclamé des États Généraux de la fin de vie à domicile. « Sur cette question difficile et délicate, les enjeux sont à la fois éthiques mais aussi humains », estime le syndicat qui souhaite que des propositions puissent être intégrées dans la loi bioéthique, seul moyen d'obtenir une réponse législative rapide.« Au moment où le maintien à domicile est au cœur des priorités de réorganisation du système de santé, il n’est plus possible de faire l’impasse sur le sujet de l’accompagnement de la fin de vie et des soins palliatifs à domicile », écrit le syndicat du Dr Philippe Vermesch. « Il est incongru que les médecins libéraux et les équipes de professionnels de santé libéraux ne disposent pas de tous les moyens utiles permettant d’accompagner les patients âgés et de leur prodiguer à domicile les soins palliatifs nécessaires », conclut le SML.

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