mercredi 29 janvier 2020

Allaitement maternel, laisser tomber les standards ?

Publié le 28/01/2020




Les bénéfices apportés par l’allaitement maternel sont considérables et les interventions de santé publique pour promouvoir les recommandations de l’OMS pour un allaitement exclusif jusqu’à 6 mois, poursuivi jusqu’à 2 ans avec une alimentation complémentaire, sont nombreuses.

Pourtant le suivi de ces recommandations est globalement médiocre.

L’allaitement, pris sous les angles nutritionnel et médical, est maintenant considéré comme le moyen par lequel la mère procure à son enfant « tout ce dont il a besoin ». Mais ne devons nous pas considérer l’allaitement sous d’autres perspectives pour mieux comprendre ses tenants et aboutissants, et ensuite affiner des recommandations qui sont trop standardisées.

Hors des sentiers nutritionnels

En considérant le processus de lactation plus largement, c’est à dire en intégrant aussi des aspects comparatifs, évolutionnistes et anthropologiques, de nouveaux éclairages sur l’allaitement maternel humain apparaissent. A ce titre, les processus de lactation ont été comparés entre différents mammifères, ou encore, des analyses anthropologiques ont été menées sur les rites liés à la grossesse et l’allaitement.

Trois points essentiels sont mis en avant suivant ces différents axes de recherche.

Premièrement, la lactation est un processus évolutif qui permet une adaptation aux contraintes liés à l’environnement et aux caractéristiques phénotypiques de la mère. Il n’y a donc pas une norme standard à rechercher.

La lactation est, d’autre part, une période de « conflit d’intérêts » entre la mère et son enfant : la mère cherche à répondre aux besoins de toute sa progéniture alors que l’enfant allaité cherche à préserver cette source d’alimentation le plus longtemps possible pour lui seul (d’où les bébés qui réveillent leurs mères la nuit ou les enfants allaités qui pleurent davantage que les enfants recevant du lait artificiel.)

Ensuite, l’allaitement est un moyen d’échanges de messages entre la mère et sa progéniture. Par là aussi, l’uniformité de l’allaitement est remise en question.

Une sensibilisation au moment de la grossesse est peut-être trop tardive

Enfin, chez les primates (dont les humains) l’aspect social et culturel de l’allaitement est fort. C’est de plus un comportement appris (il existe traditionnellement de nombreux rites autour de la naissance). Dans nos sociétés où la prééminence culturelle de l’allaitement n’est plus évidente, une sensibilisation sur le sujet au moment de la grossesse semble trop tardive.

A noter aussi que même si, actuellement, l’allaitement est vu comme un moyen d’améliorer la santé de la mère et de l’enfant, au regard de l’Évolution, la lactation doit davantage favoriser la reproduction de l’espèce que la santé individuelle.

Le processus d’allaitement est variable entre les dyades mère-enfant et même, sur la durée, à l’intérieur l’une dyade. Des recommandations trop standardisées (selon le principe « one size fits all ») ne sont donc pas les plus appropriées pour que le plus grand nombre de mères y adhère : la mère n’étant pas juste un fournisseur passif de lait et leurs enfants des receveurs passifs. Les politiques en matière d’allaitement doivent donc intégrer cette composante de variabilité de l’allaitement et au lieu de ce concentrer sur combien de temps les mères doivent allaiter, elles devaient plutôt se focaliser sur comment elles doivent allaiter.  

Béatrice Mounier
RÉFÉRENCE
Fewtrell MS et coll. : « Optimising » breastfeeding: what can we learn from evolutionary, comparative and anthropological aspects of lactation? BMC Medicine, 2020 ; 18:4. doi: 10.1186/s12916-019-1473-8.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire