mardi 10 décembre 2019

Dyspraxie : une expertise collective INSERM pour améliorer le diagnostic et la prise en charge

PAR 
ELSA BELLANGER
PUBLIÉ LE 10/12/2019

Crédit photo : PHANIE
C’est d’abord un état des lieux sur le trouble développemental de la coordination (TDC) ou dyspraxie que propose le pôle Expertise de l’INSERM, mandaté par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA).
Une douzaine de chercheurs a planché pendant deux ans sur plus de 1 400 articles internationaux et a auditionné une dizaine de spécialistes. L’équipe en a tiré une série de recommandations pour un meilleur diagnostic et une meilleure prise en charge de ce trouble encore méconnu, qui touche environ 5 % des enfants.

Souvent associé à d’autres troubles, comme le trouble déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDA/H), les troubles des apprentissages (dysgraphie, dyscalculie, dyslexie, dysorthographie), mais aussi à des troubles anxieux, émotionnels ou comportementaux, le TDC se manifeste principalement dans les habiletés gestuelles, associées à des difficultés d’apprentissage. Ce trouble impacte le quotidien et la qualité de vie de l’enfant. La personne atteinte est souvent « jugée lente, maladroite, peu habile », décrivent les auteurs de cette expertise collective.
Des tests standardisés et normés
Un de leurs constats porte sur la grande hétérogénéité d’expression de ce trouble (sévérité, forme du trouble), tant au niveau des déficiences et compétences fonctionnelles que des répercussions sur les activités et la participation. « Selon les différentes études, les critères d’inclusion varient, ce qui rend la tâche complexe, observe Laurence Vaivre-Douret, Professeur en neuropsychologie et psychologie du développement, qui a participé à l’expertise. Cette hétérogénéité des critères entraîne une tendance au surdiagnostic du TDC. Les problèmes de dysgraphie notamment sont souvent perçus comme dyspraxique, alors que ce n’est le plus souvent pas le cas ».
Pour éviter ces biais, le groupe d’experts recommande d’appuyer le diagnostic sur les quatre critères énoncés par le DSM 5. « Ces critères sont obligatoires et inséparables pour un diagnostic de TDC », précise Laurence Vaivre-Douret. Il s’agit du niveau de compétences motrices, des répercussions sur l’activité quotidienne (scolarité, loisirs, etc.), de l’apparition précoce des symptômes et de l’exclusion d’une déficience visuelle ou d’un trouble neurologique (paralysie cérébrale, problème musculaire, etc.). « Alors qu’il n’y a pas de lésions évidentes avec la dyspraxie, il est important de se concentrer sur les critères pour poser un bon diagnostic », insiste la neuropsychologue.
Pour ce faire, il est ainsi recommandé d’utiliser une évaluation neuro-psychomotrice, le NP-Mot, plutôt que le MABC-2. « Le test MABC-2 était une référence, mais il est aujourd’hui très critiqué pour sa focalisation sur les performances qui aboutit à de nombreux faux positifs », souligne Laurence Vaivre-Douret. Le groupe d’experts préconise ainsi, pour le diagnostic, de s’appuyer sur des tests standardisés et normés, d’établir les comorbidités potentielles, d’éliminer les diagnostics différentiels, mais aussi de faire intervenir une équipe pluriprofessionnelle, comprenant notamment un médecin formé au TDC et un psychomotricien ou un ergothérapeute.
Une prise en charge adaptée à chaque profil
Les recommandations portent par ailleurs sur la prise en charge des enfants diagnostiqués. S’il n’existe pas d’intervention-type, un certain nombre d’observations peuvent être suivies. Un certain nombre d’éléments, comme une prise en charge précoce, sont ainsi nécessaires : « des rendez-vous réguliers et pas trop espacés dans le temps, une continuité d’intervention entre l’école et les professionnels de santé et une réintroduction de l’écriture, plus ou moins rapidement », énumère Laurence Vaivre-Douret.
Les interventions doivent par ailleurs être adaptées à chaque profil d’enfant (âge, sévérité du trouble et troubles associés) et à sa qualité de vie. Le groupe d’experts recommande de privilégier les actions centrées sur l’apprentissage des compétences nécessaires à la scolarité et à la vie quotidienne. Les interventions doivent aussi impliquer la famille et les encadrants extérieurs, et ce d’autant plus que « les parents se sentent perdus et ressentent souvent un manque de considération pour les difficultés de l’enfant », constate la neuropsychologue.
Pour accompagner la mise en œuvre de ces recommandations, les experts avancent l’idée de centres d’évaluation spécialisés et la création de véritables équipes pluriprofessionnelles. « Nous constatons un problème persistant : seuls les orthophonistes sont remboursés actuellement, commente Laurence Vaivre-Douret. Or, c’est un biais dans le diagnostic et la prise en charge. Celle-ci pourrait relever en partie des psychomotriciens par exemple »

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