mardi 7 mai 2019

Une famille à cran et à crocs

Par Frédérique Fanchette — 

Chaque mercredi, «Libération» fait le point sur l'actualité du livre jeunesse. Aujourd'hui, un roman qui raconte une bien grosse bêtise, celle des «jumeaux terribles» qui ont commandé sur Internet une potion magique capable de transformer n’importe qui en chien…

Ce chien-là connaît plus que les trois mots habituels («chat», «promenade», «croquettes») et il sait calculer les racines carrées. Ce n’est pas si étonnant, la réponse est dans le titre du livre, Comment transformer son père en chien. L’animal si vif, au beau poil qui reluit, et qui sait compter est le géniteur en personne de Max et Lotte, nos héros, à l’origine d’une terrible méprise : monsieur Lion, c’est le nom du père, a bu une fiole de substance verte confondue avec une autre et le voilà condamné (provisoirement ?) à faire «wharf wharf» devant ses enfants qui échappent ainsi à un sacré savon.

Oui, mais Max et Lotte, surnommés par leur mère«les jumeaux terribles»,ont finalement un bon fond. Ils vont tout faire pour éviter que leur père se retrouve à terme avec un cerveau de chien dans un corps de chien ou, pire, avec un cerveau de chien dans un corps d’homme, direction l’hôpital psychiatrique. Après des tribulations trépidantes et un compte à rebours éprouvant pour les nerfs, arriveront-ils à récupérer un père qui ressemble à un père ? Un nain, comme sorti d’un film de David Lynch, va mettre son talent de sorcier à leur service, il faut dire qu’il se sent un peu coupable, la fiole verte c’est un peu lui, et tout est dû à un gros bug d’Internet. Moralité : ne pas laisser traîner les enfants sur la Toile, surtout si s’affiche sur l’écran «Bienvenue sur potionsmagiques.fr»

Maniaque

Le tableau familial serait terriblement incomplet si on ne parlait pas de la mère. Elle est horrible et cruelle. Sa vie est un désastre. C’est une maniaque de l’hygiène, qui craint «toutes les maladies comme la peste». Et manque de pot ou heureusement pour Max et Lotte, elle a si peur de la saleté qu’elle touche ses enfants le moins possible, car sa phrase culte est : «Il y a plus de bactéries sur un môme que sur une lunette de W.C. !» Conclusion du chapitre 1 : «Mais les enfants, on ne s’en débarrassait pas aussi facilement. Pas moyen de les mettre à l’orphelinat ou de les vendre au marché, comme on le ferait avec un chiot, un chaton ou un porcelet.»
Il y a aussi dans cette galerie de portraits : un ingénieur sans scrupule, monsieur Pschitt, inventeur d’une nouvelle potion contre la chute des cheveux pas végan du tout, qui pourrait faire la fortune de l’usine de monsieur Lion ; une gouvernante dépassée par la situation ; des copines de la mère (madame Herbefolle, madame Echalas…) toujours là pour envahir le salon au moment du thé. L’heure des farces pour Max, des cris et tremblements de madame Lion (qui se décompose dès qu’un mot avec «uit» est prononcé, elle déteste le chiffre 8, l’octophobie est son talon d’Achille). Bref, voilà un livre plein de suspense, de 400 coups, de dialogues crépitants, totalement irrévérencieux. Le chien aboie, la famille trépasse.
Comment transformer son père en chien de Jozua Douglas. Illustré par Elly Hees, couverture de Marc Boutavant. Traduit du néerlandais par Emmanuèle Sandron, Albin Michel Jeunesse «Witty», 288 pp., 13,90 €. A partir de 8 ans.

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