lundi 1 avril 2019

Autisme : « La précocité des interventions est un facteur-clé de prévention d’un surhandicap »

Claire Compagnon, déléguée interministérielle à la stratégie nationale pour l’autisme et les troubles du neurodéveloppement, revient sur une mesure-phare annoncée en 2018 : la création du forfait intervention précoce.
Propos recueillis par Florence Rosier Publié le 1er avril 2019
Le 6 avril 2018, le premier ministre, Edouard Philippe, lançait la stratégie nationale 2018-2022 pour l’autisme au sein des troubles du neurodéveloppement. Il annonçait une mesure-phare : la création d’un forfait intervention précoce. Un an après, Claire Compagnon, déléguée interministérielle à la stratégie nationale pour l’autisme et les troubles du neurodéveloppement, fait le point.

En quoi consiste ce « forfait intervention précoce » ?

Il finance le parcours de prise en charge des enfants de 0 à 7 ans chez qui l’on a détecté des signes évocateurs d’un trouble du neurodéveloppement : autisme, mais aussi troubles des apprentissages, TDAH (trouble de l’attention - hyperactivité), déficience intellectuelle… – des signes non spécifiques à cet âge. Ce forfait répond à une demande forte des familles et de nombreux professionnels. Car l’errance diagnostique perdure. On sait, pourtant, que la précocité des interventions auprès de ces enfants peut être un facteur-clé de prévention d’un surhandicap.
A cela s’ajoute notre volonté de réduire un facteur d’inégalité sociale : les bilans diagnostiques et les interventions précoces, qui font appel à des professionnels libéraux, restaient à la charge des familles. Pour remédier à ces carences, le forfait finance les évaluations diagnostiques réalisées par trois professions : psychologue, psychomotricien et ergothérapeute – jusqu’ici non remboursées par l’Assurance-maladie. Pour les familles, il n’y a plus de reste à charge. Il prend aussi en charge les interventions auprès de l’enfant et de sa famille sur une durée de un an, avec une prolongation possible de six mois. Une enveloppe de 90 millions d’euros a été consacrée à cette mesure sur la période 2019-2022.

Où en est la mise en place de ce forfait ?

Il a été voté en décembre 2018 dans la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2019. De plus, un décret du 28 décembre définit de manière très précise les modalités des évaluations et des interventions auprès du jeune enfant. Nous veillons ainsi au respect des recommandations et des bonnes pratiques émises par la Haute Autorité de santé (HAS) et validées par la science. Un cadrage essentiel, qui doit garantir la qualité des interventions et les compétences des professionnels.

Vous avez totalement revu le dispositif de repérage. Pour quelle raison ?

Les précédents plans autisme avaient concentré le diagnostic sur des structures spécialisées, tels les centres de ressource autisme (CRA), créés entre 2005 et 2013. Mais ces structures sont saturées : il faut compter 446 jours d’attente, en moyenne, pour une demande de diagnostic en CRA ! Comment, dans ces conditions, envisager des interventions précoces ?

Concrètement, comment s’organise le parcours de repérage ?

Il s’appuie sur une première ligne : les professionnels au contact des enfants dès le plus jeune âge. Médecins généralistes et pédiatres, médecins de PMI, responsables de structures de la petite enfance… : tous sont sollicités pour le repérage des signaux d’alerte. Pour les aider, nous sommes en train d’élaborer des outils simples, conçus selon le niveau de développement attendu de l’enfant à tel âge. A l’âge de 18 mois, par exemple, un enfant marche-t-il sans aide ? Dit-il spontanément 5 mots ? Montre-t-il avec la main ce qui l’intéresse… ? A cela s’ajouteront des programmes de formation des généralistes et des professionnels de la petite enfance. Depuis le 11 février, par ailleurs, une consultation complexe, pour les généralistes et les pédiatres, est reconnue dans la nomenclature des actes de l’Assurance-maladie. Cette consultation longue, rémunérée à hauteur de 60 euros, précise la nature des évaluations nécessaires.

Quid de la seconde ligne d’intervention ?

Elle repose sur des structures chargées de coordonner ces parcours précoces. Le 22 novembre 2018, une instruction ministérielle a été adressée à toutes les agences régionales de santé (ARS) pour qu’elles identifient et désignent, sur leur territoire, ces plates-formes de coordination. Lorsque des signes d’alerte auront été dépistés, la famille sera adressée à cette plate-forme. Celle-ci pourra proposer une guidance parentale et coordonnera le parcours de bilan et d’interventions précoces. En sus, elle passera un contrat avec les professionnels libéraux pour s’assurer que leurs modalités d’intervention sont conformes aux bonnes pratiques et aux données de la science. Pour ces nouvelles missions, un budget de 15 millions d’euros est prévu sur trois ans.

Et la troisième ligne d’intervention : les centres experts ou ressources autisme ?

Leurs missions ont été précisées ou le seront. Ces lieux d’expertise sont en principe consacrés aux situations complexes. Ils disposent d’un plateau technique : génétique, imagerie… Mais ils sont aujourd’hui saturés par tous types de situations. Le forfait précoce doit leur permettre de se recentrer sur leurs missions d’expertise et de venir en soutien des équipes locales.

L’intégration des enfants avec un handicap dans le parcours scolaire ordinaire, autant que possible, est une autre demande forte des familles et des professionnels…

C’est la vision d’une école plus inclusive que porte aujourd’hui le gouvernement. A cette fin, plusieurs dispositifs ont été renforcés ou créés. Depuis 2013, des unités d’enseignement en maternelle autisme (UEMA) ont été mises en place dans le cadre du troisième plan autisme : elles accueillent, dans des maternelles ordinaires, des classes de 7 enfants autour d’un enseignant spécialisé et d’une équipe médico-sociale. Il en existe actuellement 112 en France. Nous prévoyons d’en créer 180 supplémentaires – dont 30 nouvelles à la rentrée 2019. Nous avons lancé leur équivalent en école élémentaire (UEEA) à la rentrée 2018. Six sont déjà ouvertes. Nous en prévoyons 39 autres – dont 10 à la rentrée 2019. Il existe par ailleurs de nombreuses classes ULIS (unités localisées pour l’inclusion scolaire) réservées aux enfants en situation de handicap : ULIS-école, ULIS-collège, ULIS-lycée. Nous avons prévu d’ouvrir 30 ULIS en lycée professionnel. Au total, près de 100 millions d’euros sont consacrés à ces dispositifs étendus.


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