vendredi 30 novembre 2018

DE MAL EN PSY

Par Sabrina Champenois   — 

«La Fille muette» des Suédois Michael Hjorth et Hans Rosenfeldt a pour atouts son efficacité et son personnage principal, un psy-profileur douteux. Manque la subtilité.

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Michael Hjorth et Hans Rosenfeldt sont deux scénaristes et producteurs suédois qui s’y connaissent en polars à succès : Hjorth a adapté Camilla Läckberg et Henning Mankell à la télévision, Rosenfeldt a créé l’excellente série The Bridge. lls font tandem sur papier depuis 2011, avec pour personnage principal récurrent Sebastian Bergman, psy et profileur.

Dans cette catégorie, car c’en est une depuis des lustres, il existe grosso modo deux typologies : le profileur froid comme un gardon (cf. Jack Crawford dans le Silence des Agneaux ou Benton Wesley chez Patricia Cornwell) ou le fantaisiste (Patrick Jane dans Mentalist) dont relève Bergman. Egocentrique, cavaleur, traumatisé par un deuil, le gars est un psy bancal aux méthodes discutables mais un atout indispensable pour la police malgré ses franchissements réguliers de lignes rouges.
Là, Bergman est sollicité pour un crime spectaculaire, terrible : une famille entière décimée à l’heure du petit-déjeuner par arme à feu. Même le petit garçon qui mangeait ses céréales. Déferlement de sauvagerie dans un coin bucolique à souhait, les forêts du Värmland. Il fait équipe avec une flic jeune, brillante et très carrée, Vanja. Elle est sa fille mais ne le sait pas, il ne l’a pas élevée. Les vies personnelle, sexuelle et professionnelle de Bergman sont déraisonnablement intriquées au point de parasiter toutes ses enquêtes.
La famille Carlsten, installée dans cette ravissante maison en plein cœur de la nature, avait-elle aussi des secrets ? Des ennemis ? Des torts ? Seule la fillette qui a laissé des traces dans la cuisine ensanglantée pourrait aider les enquêteurs, mais le choc l’a rendue mutique et le tueur sans merci court toujours. Amener l’enfant à reparler est le défi de Bergman.
Alors, la Fille muette bénéficie d’un savoir-faire indiscutable, perceptible entre autres dans le kaléidoscope de personnages tous bien campés. Bergman n’est pas sympathique, c’est piquant. Et le mobile est intéressant, mêle politique, écologie, cupidité. Dommage que toute cette efficacité manque de subtilité, et l’écriture, paradoxalement trop bavarde et trop explicite, de sensibilité.
La Fille muette, de Michael Hjorth et Hans Rosenfeldt, traduit du suédois par Rémi Cassaigne, Actes Sud, 480 pp.

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