vendredi 22 juin 2018

PAULETTE LETARTE, PASSÉE MAÎTRE EN PSYCHOSES

Par Geneviève Delaisi de Parseval  — 

Parution posthume d’un recueil d’articles de la psychanalyste et psychiatre qui prônait une approche et une écoute adaptées aux cas les plus extrêmes.

Au cours de la première moitié du XXe siècle, la cure psychanalytique était réservée aux névroses accessibles au transfert, c’est-à-dire à des patients qui n’allaient pas trop mal. On estimait en ce sens que le psychotique ne relevait pas de la cure, pas plus d’ailleurs que le patient âgé… considéré trop vieux pour être apte au transfert ! Par la suite, la psychanalyse a trouvé de nouvelles applications hors divan, dont les maladies psychosomatiques, la néonatologie et la psychose, cette dernière clinique étant particulièrement complexe. Paulette Letarte, décédée en 2009, était une orfèvre en la matière. Ce livre, qui réunit certains de ses articles les plus importants, exercera une véritable fascination chez le lecteur, quelques-unes des histoires racontées et analysées étant impressionnantes pour un non familier des états psychotiques, pour tout thérapeute, et pour tout un chacun intéressé par les diverses configurations de l’appareil psychique.

Paulette Letarte était psychiatre, psychanalyste et musicienne. Collaboratrice de Francis Pasche auquel elle avait succédé à la consultation de la clinique des maladies mentales de l’hôpital Sainte-Anne, à Paris (XIVe), elle a contribué à la formation de nombreux psychanalystes. Ceux qui l’ont connue disent qu’elle savait transmettre son expérience à travers des anecdotes ; elle n’hésitait pas à se mettre en scène elle-même, non sans humour, parfois au péril de sa vie. Paul Denis, psychiatre et psychanalyste, fait opportunément ressortir dans sa préface le caractère scandaleux de ce livre qui illustre à quel point l’approche psychiatrique, orientée par la seule foi en l’efficacité des médicaments, est limitée en la matière. Non qu’ils soient inutiles - ils ont leur registre d’efficacité - mais ils sont dépourvus du pouvoir de reconstituer une vie psychique. On ne peut donc faire l’économie d’une psychothérapie. Et c’est là que les difficultés commencent car il n’y a pas de diplôme de thérapeute de psychotique, fût-ce avec bac + 15…
Paulette Letarte écrivait : «On ne naît pas psychothérapeute de psychotique, on le devient !» Comment admettre, ajoute Paul Denis, qu’il ne peut s’agir que d’une aventure personnelle ? Il constate : «L’ensemble de ces textes nous en apprend plus […] que tous les manuels de psychothérapie imaginables. Ils nous mettent au contact de ce qui fait la vie même de la pratique analytique.» En dévorant ce livre, on verra que l’auteure ne quitte pas de vue le cadre analytique de base (recours exclusif à la parole, séances à durée déterminée à l’avance). Mais elle a parfois recours à des techniques d’interprétation spécialement adaptées aux grandes vulnérabilités narcissiques, telles que l’interprétation anticipatrice, l’humour, le jeu de rôles, etc. Que dire de plus, sinon y voir une invite à lire et à entendre la folie ?
Geneviève Delaisi de Parseval
Paulette Letarte Entendre la folie Préface de Paul Denis. PUF «Le fil rouge», 312 pp

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