vendredi 22 juin 2018

Les médecins bientôt libres de faire leur propre com

Par Eric Favereau — 

A Nantes, le 6 avril 2018.
A Nantes, le 6 avril 2018. Photo Loïc Venance. AFP

Dans un rapport du Conseil d'Etat, il a été demandé de mettre fin à l'interdiction de publicité faite aux médecins depuis soixante-dix ans.

L’air de rien, c’est une vraie révolution. L’interdiction de publicité, imposée aux médecins depuis plus de soixante-dix ans, va disparaître. Et devrait être remplacée par «un droit à une communication libre avec le public, tant qu’elle n’est pas commerciale»,selon le Conseil d’Etat. Cette évolution est proposée dans une étude sur les «Règles applicables aux professionnels de santé en matière d’information et de publicité» publiée ce jeudi par le Conseil d’Etat. Elle concerne aussi d’autres professions de santé.
De fait, aujourd’hui encore , les médecins vivent comme dans un univers irréel, où la médecine est un art à part. Loin d’Internet et des réseaux sociaux, il leur est ainsi interdit de parler d’eux-mêmes, et de ce qu’ils font. Bien sûr, ils ne peuvent pas  dénigrer leurs voisins, ni encore «communiquer» sur leurs spécificités. Et pendant des années, le Conseil de l’ordre des médecins, était très vigilant sur ces points, multipliant les procédures de disciplines chaque fois qu’un médecin s’auto-vantait.

Communication «loyale et honnête»

A l’heure de la santé 2.0, tout change. Il y a des nouvelles attentes de la société en matière de santé. Les patients, tout simplement, veulent en savoir plus sur le professionnel de santé avant de prendre rendez-vous : quels actes il pratique habituellement, quelle est son expérience, combien coûte la consultation, combien reste à charge… A cet argument, s’ajoute une évolution de la jurisprudence européenne de nature à fragiliser la réglementation française. Comme le signale l’Agence France-Presse (AFP), un arrêt récent de la Cour de justice de l’Union européenne a jugé contraire au droit européen une prohibition générale et absolue de la publicité relative aux soins. Plus troublant, selon une étude récente, 35 % des personnes âgées de moins de 35 ans, et 26 % de l’ensemble de celles susceptibles d’être soignées renonceraient aux soins, faute de savoir à qui s’adresser ou comment s’orienter.
Un groupe de travail du Conseil d’Etat souhaite donc casser ce tabou. Et accorder un droit de communication aux professions de santé dotées d’un ordre professionnel, donc d’une autorité disciplinaire : médecins, chirurgiens-dentistes, infirmiers, sages-femmes, pédicures-podologues, masseurs-kinésithérapeutes, pharmaciens (qui ont déjà le droit de faire de la publicité pour la parapharmacie, mais ne pourront toujours pas en faire pour les médicaments). «Pour autant, tout ne doit pas être possible. Il ne faudrait pas, sous prétexte de suppression de l’interdiction de la publicité pour ces professions, que l’on puisse faire n’importe quoi», a précisé à l’AFP le président du groupe de travail, Yves Doutriaux. «Cette liberté de communiquer, si elle est adoptée, s’accompagnera de l’interdiction d’exercer la profession comme un commerce, conformément à la déontologie médicale consacrée par le droit français et européen.» Pas question donc d’autoproclamation non vérifiée de spécialités ou de parcours professionnel. «La communication du professionnel de santé devra, entre autres, être loyale, honnête, ne faire état que de données confirmées et s’abstenir de citer des témoignages de tiers, comme des anciens patients.»
L’étude, qui comporte 15 propositions, a été réalisée à la demande du Premier ministre avant d’être adoptée en assemblée générale du Conseil d’Etat le 3 mai.


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