vendredi 25 mai 2018

Peine clémente pour Annie Métais, qui a tué son ex-mari violent

Par Stéphanie Harounyan, correspondante à Marseille — 
Annie Métais chez elle, à Meyreuil, le 12 mai.
Annie Métais chez elle, à Meyreuil, le 12 mai. Photo Olivier Monge. MYOP

Jugée pour le meurtre de son ex-mari, dont elle a décrit les accès de violences, la psychologue a été condamnée jeudi soir à cinq ans de prison par la cour d'assises des Bouches-du-Rhône, non pas pour meurtre mais pour «violences volontaires ayant entraîné la mort».

A l’énoncé du verdict, Annie Métais a regardé le plus jeune de ses trois fils, Jonas. «Ne pleure pas», a soufflé la psychologue de 61 ans, que la cour d’assises des Bouches-du-Rhône jugeait pour le meurtre de son ex-mari, Jacques Métais. La veille, le jeune homme de 22 ans avait demandé aux jurés de le laisser repartir chez lui avec sa mère. Annie Métais dormira finalement en prison. Mais alors que l’accusation demandait vingt-deux ans de réclusion, c’est une peine de cinq ans que le jury a prononcée pour cette mère de trois enfants, victime, durant quinze ans, des violences de son mari bipolaire. A la question «avait-elle l’intention de donner la mort ?», la cour a répondu «non», validant la thèse de l’accident défendue par l’accusée et requalifiant les faits en «violences volontaires ayant entraîné la mort». «C’est un verdict d’apaisement, qui rétablit une vérité juridique : il n’y avait pas d’intention de tuer, a commenté à la sortie du palais Olivier Lantelme, l’avocat d’Annie Métais. C’est aussi un verdict d’espoir, comme un message délivré à la société : les violences faites aux femmes, y en a marre !»

Durant les deux jours et demi d’audience, les différentes parties n’ont cessé de souligner la difficulté de la tâche du jury, confronté à deux logiques : fallait-il juger le crime pour ce qu’il est ou pour le chemin qui y mène ? Fallait-il, comme le demandait l’accusation, punir Annie Métais pour meurtre sur conjoint, crime passible de la perpétuité ? Ou la laisser libre, comme le demandait son avocat et ses trois fils, parce que cet accident tragique n’était que l’ultime épisode de quinze années de violences conjugales ? Un dilemme d’autant plus complexe que rien, dans ce dossier, ne tombait sous le coup de l’évidence.
A commencer par les faits. A défaut de témoin, c’est Annie Métais qui a raconté la scène à la barre. Ce 25 septembre 2010, sur son catamaran amarré à Bandol, son ex-mari, dont elle est séparée depuis 2006, est en pleine crise maniaque, ce qui provoque chez lui une agressivité et une excitation ingérable. Une dispute éclate. Jacques Métais insulte violemment son ex-femme. Ce sont ces mots obscènes, plus encore que la tentative de strangulation qui a suivi, qui auraient provoqué chez Annie Métais «une bouffée de haine»«J’avais réussi à faire que la séparation se passe bien. Et là, je me retrouve confrontée aux mêmes horreurs qu’avant,dit-elle encore. Alors oui, je suis révoltée !» Après avoir pris le dessus dans un corps à corps, elle finit par apposer ses mains sur le visage de son mari, «pour le faire taire». Jaques Métais meurt étouffé.

«Comédie»

L’accusation n’y a pas cru. Pour accréditer la thèse du meurtre, l’avocate générale s’est notamment appuyée sur les expertises médicolégales qui concluent à une mort par suffocation plutôt due au scotch que l’accusée a enroulé autour du visage de la victime après la lutte. Mais c’est surtout le comportement de la veuve après les faits qui a interrogé. Annie Métais a fait disparaître le corps de son mari en mer, puis utilisé sa carte bleue les jours suivants. Et surtout, alors que le cadavre était repêché dans la rade de Marseille, elle a menti durant huit mois aux enquêteurs avant d’être confondue par des traces ADN. «La première chose à laquelle j’ai pensé, c’est protéger mes enfants le plus longtemps possible, s’est justifiée la mère de famille.Alors oui, je me suis enfermée dans ce mensonge. Et j’ai joué la comédie avec tout le monde.» 
Tout le monde, y compris les trois filles de Jacques Métais issues d’un premier mariage. Parties civiles au procès, elles sont venues «comprendre»ce qui est arrivé à leur père, avec qui elles avaient rompu en 2007, épuisées par son comportement destructeur. Mais pas question de disculper leur belle-mère, qu’elles n’ont jamais acceptée. «Je sais ce qu’elle a subi, concède Judith, 42 ans, en larmes. J’ai vécu deux ans seule avec lui… Mais je n’ai pas tué mon père !» Eux aussi parties civiles, les trois fils d’Annie et Jacques Métais ont évoqué une vie chaotique auprès de ce père hors du commun, brillant et aimant, autant que toxique, régulièrement violent. «Mon père n’était pas un monstre,insiste Samuel, 27 ans. Il était malade. Malgré ce détail pas si petit, c’était l’homme que j’aurais voulu être…» Leur mère, explique-t-il, a tout fait pour les protéger, et tout tenté pour soigner son mari. «Elle a subi pendant vingt ans, a encore plaidé Jonathan, l’aîné, en s’adressant aux jurés. On nous a pris notre père et aujourd’hui, on voudrait nous prendre notre mère ? Vous avez le pouvoir de nous libérer !»
Dans sa plaidoirie, Jean Boudot, leur avocat, reconnaît que le jury est dans une «position impossible». Annie Métais, qui comparaissait libre, a certes déjà fait dix-huit mois de détention préventive. «Mais dix-huit mois quand on a tué, ce n’est pas assez, concède-t-il. Et en face, vous avez ces gamins qui vous disent, pour nous, ce ne serait pas juste si vous en rajoutiez encore…»

«Plus possible»

Un chantage qu’a refusé l’avocate générale, pour qui la thèse de la femme battue «ne fonctionne pas». «Elle a connu une vie agitée, soumise à des violences. Mais nous sommes en septembre 2010 et ils sont séparés depuis 2006, a-t-elle souligné, évoquant les faits avant de requérir vingt-deux ans de prison. Quels que soient les travers de Jacques Métais, il ne méritait pas cette peine de mort décidée par son épouse et mise en œuvre de façon déterminée.»Dans sa plaidoirie, Olivier Lantelme, l’avocat d’Annie Métais, a voulu ramener le débat sur une vie de violences, dont la mort de Jacques Métais n’aurait été que le «point d’orgue». Quelle peine «utile et juste» prononcer pour une femme battue ? s’est-il interrogé, avant de proposer au jury «un pari de liberté» «Soyez fiers de dire : on les a laissés libres, elle et ses fils. Libres parce que ce procès dépasse l’enceinte de cette salle d’assises. Parce que les femmes battues, c’est plus possible !»
En prononçant une peine de cinq ans, la cour semble avoir entendu son message. «Une décision justifiée», souffle Jonathan à la sortie de l’audience. Derrière lui, Mireille Rodet, l’avocate des filles de Jacques Métais, affichait également un sourire discret. «C’est aussi l’avis de mes clientes, confie-t-elle. Ce qu’elles voulaient, ce n’était pas une peine plus importante, c’était la reconnaissance de la culpabilité. Je suis même allée voir l’avocate générale pour lui dire que nous ne ferions pas appel… Et je pense qu’elle non plus ne le fera pas.»

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